Les bulles du diable : un roman post-apo sombre et dur, qui incite à réfléchir
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.fr/ Au XXIe siècle, des boules bleues de la taille d’un terrain de football sont apparues à la surface de la Terre. D’origine inconnue, elles sont demeurées inertes, tout en étant protégées par un champ de force calcinant tous ceux qui s’en approchaient. Les hommes ont bien sûr tenté de les détruire, sans succès. Ils ont cependant ravagé une grande partie de l’Afrique où s’était posée l’une de ces bulles...
Des années plus tard, ces fameuses bulles sont considérées par beaucoup comme les responsables de l’effondrement mondial : une réaction en chaîne a provoqué la quasi-disparition de la technologie et le dysfonctionnement des centrales nucléaires, créant ainsi de vastes zones radioactives. Les survivants, aux États-Unis, se sont regroupés en communautés rurales souvent très conservatrices. Les extrémistes religieux ont proliféré, allant jusqu’à prêcher le sacrifice des élus qui se précipitent pour se brûler sur les champs de force, tandis que des reliquats de l’armée contrôlent une portion de territoire qui jouxte celle que se sont attribué des tribus indiennes.
Tim a grandi dans l’une de ces communautés, dirigée d’une main de fer par son beau-père pasteur. Ce dernier prône le retour à une existence ascétique et regarde les bulles comme une punition divine. Ce sont pour lui des « Bulles du Diable », que seule une vie de privations et d’adoration de Dieu pourra faire disparaître. Heureusement, Tim peut compter sur celui qu’il considère comme son grand-père, Sam. L’homme vit en ermite non loin du village, et assume son scepticisme et sa liberté. À 15 ans, l’adolescent voit son existence bouleversée lorsque la bourgade où il habitait, près de l’ancienne ville de Las Vegas, est détruite par une horde de babouins enragés. Il s’échappe de justesse en compagnie de sa mère et son jeune demi-frère et entame une longue traversée de l’Amérique pour se réfugier en terre indienne.
Le mystère qui entoure les origines de Tim est au cœur du récit qui mêle habilement destin personnel et description d’un univers très sombre. Parce qu’il est sombre, ce monde-là ! Peu de lueurs d’espoir dans un système dirigé par des religieux sectaires et des soldats violents et primaires. Peu d’espoir surtout pour les femmes : battues, violées, humiliées, dominées, elles n’ont guère de place sur cette Terre. Seuls les Amérindiens tirent leur épingle du jeu : respectueux de la nature, moins enclins à détruire tout ce qu’ils ne comprennent pas, ils seront peut-être, sans doute, l’avenir de cette humanité déchirée. On ne peut s’empêcher de déceler également un message très actuel, et une dénonciation forte de la folie des hommes...
Au chapitre des (petits) bémols : l’absence de personnages féminins marquants et une partie du roman que nous aurions aimé voir développer, celle qui concerne les Amérindiens. La fin s’avère presque rapide après la tension qui règne tout au long du récit.
Mais l’essentiel est là : on commence la lecture, on ne lâche plus ! Tim est un jeune garçon attachant, qui prend une vraie épaisseur au fil de ses aventures. L’univers est formidablement rendu, les dialogues sonnent juste – avec une mention spéciale pour ceux de Sam, souvent savoureux. Les descriptions particulièrement vivantes donnent vie à cette terre ravagée ; les personnages, même secondaires, sont traités avec soin et donnent corps à l’histoire. Sans compter naturellement avec l’écriture de Yann Quero, précise et incisive, qui sert un message de tolérance et de respect.
Les bulles du diable
Auteur : Yann Quero
Éditions : L’ivre-Book
Collection : Imaginarium Science-Fiction
Parution : 13 janvier 2018
Prix : 14 €