Par Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ "Quelles nouvelles du petit Watteau?" Avec un humour délicat, Hannah Rothschild met en scène les pérégrinations d'un tableau d'Antoine Watteau dans ce roman d'une grande finesse. Finesse du propos, puisqu'il s'agit de confronter la création artistique aux marchands de tapis, et de ton puisque c'est avec humour et sobriété, quoique sèvèrement, que l'auteur a choisi de s'exprimer sur ce sujet polémique.

Elle donne la parole régulièrement au tableau au long du roman. Et comme la toile, l'auteur ici sait parfaitement de quoi elle parle: membre de l'administration des grands musées, Hannah Rothschild exploite son expertise pour camper une intrigue en terre familière, le marché de l'art. Le roman ouvre en effet sur un événement mondain qui fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le milieu: on a volé le Watteau en question. En flash-back, l'oeuvre, intitulée comme par hasard "de l'improbabilité de l'amour", raconte son parcours nomade depuis l'atelier de son créateur jusqu'au salon d'Annie, une jeune cuisinière anglaise, en passant par le bazar de vieilleries où elle en a marchandé l'acquisition désinvolte, et divers lieux par lesquels il a transité, dont les appartements de Voltaire. Un vrai aventurier, ce jeune héros, ce petit dernier, honorant ses aïeux sortis des mains des premiers esthètes et artistes, il y a bien quarante mille ans déjà. Une vraie aventure aussi, ce périple très original, et l'occasion d'en apprendre sur la création artistique des grands de l'impressionisme notamment, au détour ludique de pages instructives. Ce voyage effectué de l'intérieur rend le personnage principal attachant, en miroir avec celui d'Annie, une héroïne moderne qu'on découvre à la recherche d'un boulot et du grand amour. Car il est évidemment question d'amour, il n'est même question que de cela, et de son avènenement aussi inestimable que celui du geste artistique. Car, de la valeur des sentiments, là aussi, on ne saurait imaginer une cotation en bourse ou un marchandage vulgaire. Cette fable atemporelle restitue avec pertinence l'éternel choc des logiques entre la recherche du profit et la richesse intérieure. Très bel hommage au final à l'art, réduit bien trop souvent  à un prestigieux et spéculatif objet de consommation. Quant au petit Watteau, qu'on se rassure, il va on ne peut mieux à subir ce traitement littéraire. C'est un régal notamment que de lire les pages où il passe entre les mains d'une restauratrice maternante et confie ce qu'il en ressent, ou celles où son regard tendre se pose sur Annie dans l'ingénuité de son intimité moderne.

L'improbabilité de l'amour
Auteur: Hannah Rothschild
Editeur: Belfond
Traductrice: Valérie Bourgeois
Parution: 7 avril 2016
Prix: 23 euros

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