Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques : Levison la révolte
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Né en Ecosse, en 1963, Iain Levison s’est fait connaître avec un roman noir hilarant, « Un petit boulot », adapté au cinéma par le regretté Michel Blanc, à la production, avec Romain Duris dans le rôle du tueur à gage « amateur », qui finit par y prendre gout, parce qu’il se montre doué dans l’art de tuer son prochain.
Déjà , en 2004, l’américain d’adoption (il a grandi en Caroline du Nord) savait rire des galères des travailleurs précaires, sujet qu’il connait bien, puisque lui-même a longtemps été obligé de trouver des jobs alimentaires pour continuer à écrire. Depuis la mort de Donald Westlake, c'est le plus humoristique des auteurs de roman noir américain.
Iain Levison a été pêcheur de crabes, en Alaska, chauffeur de poids lourds, peintre en bâtiment. Il a aussi œuvré dans la restauration. Il raconte ses galères de prolo dans « Tribulations d’un précaire » (2007). Cette fois, son héros (malgré lui, comme souvent), Justin Sykes, est avocat. Plutôt que de gagner beaucoup d’argent dans un grand cabinet, il est quasiment nommé d’office (en réalité, il choisit ses clients en difficultés) pour défendre les petites gens, à la fois pour des raisons morales, voire politiques, mais surtout parce que sa carrière a été brisée à cause de sa franchise. Son honnêteté. Mais, quand un homme louche, mais direct, lui propose mille dollars de l’heure pour écouter les problèmes de ses stripteaseuses, il n’hésite pas longtemps et accepte même s’il sent qu’il y a anguille sous roche.
Plutôt que de passer ses journées, dimanches compris, à plancher sur les dossiers attristants de petits malfaiteurs sans envergure, il est payé pour ne pas faire grand-chose, apparemment… Il doit seulement garer sa voiture à la même place, devant sa chambre de Motet, où il doit dormir, au moins une nuit sur place. Le reste du temps, il le passe à négocier des peines avec un fils de procureur puissant, mais incompétent. Or donc, Justin Sykes accepte, pour ce tarif miraculeux, de se mettre au service des gogo-danseuses, dont une au moins ne le laisse pas indifférent. Sans trop chercher à comprendre, mais en se posant tout de même de plus en plus de questions, au fil des jours : pourquoi cette odeur bizarre, dans sa voiture, au petit matin ? Pourquoi avoir accepté de prêter ses clefs pour faire un double ? Et l’argent sera-t-il déposé dans la boîte à gant, chaque jour ? C’est bien connu, les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, mais comment éviter de tomber dans le piège qui semble se refermer sur lui ? Et surtout, pourquoi ce fils du procureur, si mollasson habituellement, semble vouloir à tout prix lui mettre des bâtons dans les roues ?
Ce n’est pas le meilleur livre de Iain Levison (il tourne en rond, à la fin, et ne sait pas trop comment boucler son histoire) mais les trois-quarts de ce roman noir, sans trop de violence, sont passionnants à suivre, parce que c’est à la fois drôle, intrigant, et instructif. L’auteur s’est manifestement documenté sur les arcanes du travail d’avocat, aux Etats-Unis et, sous couvert de légèreté, il en dit long sur cette Amérique du « marche ou crève ». Ses personnages sont toujours des citoyens moyens qui se comportent comme des super-héros du quotidien. Bravo aux Editions Liana Levi pour leur fidélité à cet auteur dont le talent narratif est mis au service de sujet engagés politiquement. Comme Dave Eggers et Colum Mc Cann, il confirme qu’écrire, c’est résister.
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques
Editions : Liana Lévi
Auteur : Iain Levison
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson
237 pages
Parution : 29 août 2024
Prix : 22 €