Jours de sang : puissant, dérangeant, touchant, un roman inclassable et indispensable
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Anna et Adam sont jumeaux. Ils habitent un hameau abandonné, dans ce qui fut une communauté fondée pour tenter d’échapper à un étrange fléau. Dans l’attente de la venue de Tempête, l’apocalypse, ils survivent, avec pour seule compagnie le vieux Koan, autrefois chef du village, qui exerce encore une influence débilitante. Adam monte la garde le jour et Anna la nuit. Ils ne se croisent qu’à l’aube et au crépuscule, pour se plier à de violents rituels de purification. Lorsqu’un ancien habitant de la commune revient, leur quotidien et leurs convictions vont être bousculés.
Ainsi résumé, l’argument du livre semble plutôt classique ; en réalité, Sue Rainsford nous offre un récit profondément déconcertant et particulièrement déstabilisant, qui demande un effort pour l’appréhender. Il faut accepter de se laisser porter par un texte éminemment touchant, qui parle d’abandon, de croyance, de culpabilité, de peur, de pouvoir et de résilience. Anna la forte, Adam l’introverti, les jumeaux sont unis par un lien très fort, mais dérangé, et dérangeant.
La construction alterne les récits des différents protagonistes (Anna, Adam, Koan et d’anciens membres de la communauté). L’autrice n’explique pas toujours tous les tenants et aboutissements de cet univers, laissant le lecteur imaginer les éléments manquants ou trouver les réponses dans ce qui apparaît parfois comme un jeu de piste sombre et étrange. On ne saura rien ou pas grand-chose du monde autour de la communauté, ou d’avant ce moment où l’on découvre ces adolescents, hormis des bribes de souvenirs de leur naissance, de leur enfance. La pandémie rouge, qui atteint animaux et humains, a créé une ambiance sectaire, où les croyances s’allient à la science, manipulées par des personnages perturbés et corrompus, qui ont instauré des règles très strictes qui mêlent culpabilité, peur et souffrance.
L’écriture est charnelle, viscérale même, empreinte d’une violence contenue qui explose parfois. L’atmosphère est pesante, la tension constante. Les corps sont contraints, malmenés, souillés. Quelle métaphore se joue autour de la couleur rouge, impure ? Sans doute celle de la puissance des femmes et de leur sang menstruel. Celle de la peur qu’elle inspire aux hommes.
Sue Rainsford nous offre un roman inclassable, unique, dérangeant et puissant, à découvrir absolument !
Jours de sang
Autrice : Sue Rainsford
Éditions : Aux Forges de Vulcain
Parution : 17 mai 2024
Prix : 21 €