Par Félix Brun - Lagrandeparade.com/ C’est un vieux montagnard, amoureux inconditionnel des sommets, alpiniste passionné et aguerri, mais aussi un vieux révolutionnaire, militant et acteur d’une cause qui l’avait conduit en prison…Et là alors qu’il marche prudemment sur ces sentiers escarpés, abrupts, un autre homme le devance loin devant…et tombe de cette vire étroite… Le vieil homme alerte les secours. Ce naufragé des cimes n’est autre qu’un ancien camarade activiste qui l’avait dénoncé aux autorités et envoyé sous les verrous. « La montagne, immobile par nature, est un mobile. C’est exactement ça : elle attire à elle. Chacun a ses propres raisons d’y aller. La mienne est de tourner le dos à tout, de prendre de la distance. Je rejette le monde entier derrière moi. Je me déplace dans un espace vide et aussi dans un temps vide. » S’agit-il d’une pure coïncidence, du hasard ? Un jeune magistrat à la conviction intime qu’il s’agit d’une histoire impossible, et soupçonne le vieux marcheur. « Impossible c’est la définition d’un évènement jusqu’au moment où il se produit. » Inlassablement, le juge va interroger le suspect placé en isolement carcéral, en essayant d’obtenir un aveu, et la chute du vieux grimpeur… ! De ce huis-clos la confrontation de ces deux protagonistes va devenir un dialogue, un échange, une réflexion entre l’accusé et le magistrat. Sans varier, le vieil homme fort de sa maîtrise des mots, de l’expérience de la vie, de ses convictions, va orienter et mener ces interrogatoires, ces débats. Du fond de sa cellule le vieil homme traduit ses impressions dans des lettres d’amour à Ammaremio au rythme des entretiens, des souvenirs et des sentiments qui émergent.

Erri De Luca signe un récit magistral et puissant, une méditation passionnante sur la justice, l’amour, l’amitié, la traitrise, l’engagement politique. Les entretiens, les échanges sont parfois durs, acerbes, mais aussi courtois, respectueux, singuliers. L’auteur revisite son passé, affirmant sa fidélité, sa loyauté aux opinions, aux idées de ses combats. « L’obsession d’être déclaré important par les autres ne me concerne pas. Je fais partie d’une génération qui a agi au nom du collectif. Je considère donc insignifiantes les individualités, les personnalités. » L’impression qu’Erri De Luca a écrit cet ouvrage comme un miroir. L’écriture est percutante, forte et lucide. « Le communisme est une fraternité. Quand il la perd il cesse immédiatement et se change en hiérarchie et en nouveaux privilèges. » Un très bon moment de lecture, intense ; un livre à partager et à relire.

Impossible
Auteur : Erri De Luca
Traduction : traduit de l’italien par Danièle Valin
Editions : Gallimard
Date de parution : 2à août 2020
Prix : 16,50€

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