Par Nicolas Bodou - Lagrandeparade.fr/ Pour son troisième ouvrage ("Knockemstiff", recueil de nouvelles et le roman "Le diable tout le temps", qui connut un succès fort mérité), Donald Ray Pollock nous plonge dans le sud des Etats-Unis, entre la Géorgie et l’Alabama, en l’année 1917. C’est au fin fond de ce sud poisseux que vivent les trois frères Jewett, ainsi que leur père. De pauvres diables dont le quotidien est fait de misère, d’humiliation et de quelques miettes d’espoir vite balayées par la réalité de leur condition. A la mort du père, la fratrie Jewett, influencée par les aventures d’un bandit de roman à quat’sous, décident de mettre les voiles pour échapper à cette misère qui leur colle à la peau, en devenant des hors-la-loi. Pour eux, n’importe quelle autre situation ne peut-être pire que cette vie de biffins. Commencera alors une odyssée sauvage, absurde et furieuse…
Dans cette moiteur sudiste, des champs de maïs aux petites villes ignorées des cartes, Pollock nous plonge dans une Amérique qui voit disparaître le XIXème siècle, pour faire place à la modernité, bien malgré elle. Une aventure brutale, dans ce sud profond, fait d’une multitude de destins brisés, dont le seul fait de vouloir continuer à vivre pourrait sembler totalement absurde, tant l’on croise nombre de Sisyphe au bord de la route. Pourtant, Pollock leur donne une force, un souffle, il les rend même parfois attachants.
Ces trois frères, sorte de cowboys perdus dans une Amérique où se profile l’ère de l’industrialisation, qui  sont « une race ancienne Â», comme disait Sergio Léone à propos de ses personnages d’ Â« Il était une fois dans l’ouest Â», voyant arrivé le chemin de fer, donc la fin d’une Amérique indomptée.
Pollock accompagne cette traversée d’une multitude de damnés, haut en couleurs, abjects, naïfs ou parfois même les trois. Des prostitués, un barman psychopathe, un nettoyeur d’installations sanitaires souffrant d’un sexe démesuré, des fermiers désœuvrés, des militaires de toute sorte, des flics corrompus, des escrocs…. Pas de héros chez Pollock, des êtres qui tentent de survivre, uniquement.
Donald Ray Pollock confirme sa place dans le paysage littéraire américain. Cette équipée féroce vous emmènera aussi loin qu’il est possible d’aller, sans regarder en arrière…

Une mort qui en vaut la peine
Auteur : Donald Ray Pollock
Editions: Albin Michel
576 pages
Parution : 3 octobre 2016 - 22,90€