Terre natale : pour y voir clair avec Jean Clair…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Membre de l’Académie française, Jean Clair a dédié son nouveau livre- « Terre natale », à son père et le place sous une citation extraite du « Talmud de Babylone » : « Si je ne réponds pas de moi, qui répondra de moi ? Mais si je ne réponds que de moi- suis-je encore moi ? » Belle ouverture pour un journal sans date, pour un requiem sur soi-même. Né à Paris le 20 octobre 1940, Jean Clair déroule un CV long comme deux bras- où l’on trouve, entre autres, des écrits sur l’art (« Marcel Duchamp ou le grand fictif », « Brève défense de l’art français », « Eloge du visible »,…) ou intimes (« Les Chemins détournés », « Le Voyageur égoïste », « Dialogue avec les morts », « La Part de l’ange »,…), de la poésie (« Onze chansons puériles »), des essais… Avec « Terre natale », joliment sous-titré « Exercices de piété », l’auteur joue la partition de la modestie - pourtant, il pourrait la ramener, la jouer sur le registre « je suis parti de rien, j’en ai bavé pour arriver jusqu’à enfiler l’habit vert ». Mais ce n’est pas le genre de la maison avec Jean Clair. Il ne craint pas de bousculer l’ordre établi, la bienpensance - et rappeler quelques vérités qu’on ne juge pas toujours bonnes à dire. On lit : « La vie serait-elle la déperdition lente de cette confiance de l’enfant qui ouvre à peine les yeux, et qui lui fait téter son pouce (…) confiance perdue à peine atteinte, jusqu’à ce moment où, disparue la foi qu’on avait trouvée en soi à sa naissance, se disperse à jamais le capital infini que l’on croyait avoir ? » ou encore : « Depuis que la culture s’est détachée du culte pour se faire culte elle-même, elle n’est plus qu’un déchet »… Des mots qui ne s’appliquent pas seulement à l’art contemporain et au marché qu’il alimente. Oui, avec « Terre natale » et Jean Clair, sur l’époque, on y voit vraiment plus clair…
Terre natale
Auteur : Jean Clair
Editions : Gallimard
Parution : 27 juin 2019
Prix : 22 €
[bt_quote style="default" width="0"]J’anime la marionnette, je lui donne le pouvoir de parler, de gesticuler, de rire à ma place. il m’arrive de la tenir à bout de bras et ne plus savoir qui je suis. Quand on s’éloigne de ses origines, il faut savoir redresser son corps ; on feint alors de ne plus avoir celui dont on hérite, on s’attife, on polit le bois, on rabote le nez, on lisse la créature, de même qu’on pèse ses mots avant d’oser les dire… [/bt_quote]