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Dandys et excentriques : un délicieux traité d’extravagance de Denis Grozdanovitch

  • Écrit par : Serge Bressan

grassetPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Il n’a son pareil pour les choses de l’art. Dans une première vie, il cultivait l’art de prendre la balle au bond. Puis il a pratiqué l’art de ne presque rien faire. Après avoir cumulé des victoires au tennis (dont un titre de champion de France junior), au squash et au jeu de paume- des sports qu’il pratiqua en esthète, Denis Grozdanovitch est apparu sur les courts littéraires quand ce siècle nouveau avait deux ans… Ce fut un remarqué (et remarquable) « Petit traité de désinvolture ». Ensuite, il y eut onze autres livres, dont « Brefs aperçus sur l’éternel féminin » (2006), « Minuscules extases » (2009), « La Secrète Mélancolie des marionnettes » (2011) ou encore « Le Génie de la bêtise » (2017). Et en ce début de printemps, « Grozda » revient avec « Dandys et excentriques », sous-titre : « Les vertiges de la singularité ». Ce n’est rien moins qu’un petit traité d’extravagance que nous offre, là, l’auteur. 

En près de quatre cents pages (soit l’équivalent d’un match en cinq sets pour l’ancien champion du jeu de raquette), se mêlent alors souvenirs, lectures et réflexions. Place en majesté à tous ces excentriques et ces dandys qui l'ont marqué- voire, inspiré. Le texte est une belle alternance entre décodage et portraits. Ainsi, en ouverture, il cite Gérard de Nerval, Henri Miller et Christian Combaz qui assurait : « Tout le monde prétend à l’originalité de nos jours, mais chacun use des mêmes moyens pour y parvenir. Ce qui me paraît un mauvais calcul. On cherche à devenir original avant d’être singulier » (« Eloge de l’âge dans un monde jeune et bronzé », 1987). Et vite, Denis Grozdanovitch enchaîne un délicieux service- volée avec un chapitre titré « Louons maintenant les grands extravagants ! » où il évoque Jack Kerouac, l’auteur de « Sur la route », le théologien de l’époque médiévale Duns Scot et aussi « la vieille question philosophique consistant à tenter de déterminer avec précision comment le singulier s’articule sur le multiple ». On peut aussi, avec « Grozda », s’interroger sur l’excentrique, celui qui par essence est hors du centre, et le dandy qui, lui, demeure à l’intérieur tout en usant de codes empruntés à l’extérieur pour se distinguer. Précision de l’auteur : « Excentricité et dandysme vont rarement de pair ». Ainsi, il y a ceux qui font la mode, et ceux qui la défont… Uniformisme, conformisme…
Et puis, dans « Dandys et excentriques », il y a les portraits. Là, Denis Grozdanovitch régale, avec une écriture aussi délicate qu’un coup droit du champion suisse Roger Federer. Au hasard des pages, on va donc quelques-uns de ces personnages, connus ou non, qu’il a croisés un jour au fil de son existence. Personnages réels, et aussi personnages surgis des lectures. Ce pourrait être une longue liste banale, sans saveur- il en est tout autre, on est en la bonne compagnie de « Grozda ». Ainsi, on embarque pour un doux voyage en compagnie d’« originaux ». Bienvenue dans le monde de ces individus qui cultivent l’art d’une vie moins (et même pas du tout, pour un grand nombre d’entre eux) embrigadée par le conformisme ambiant. Il y a Max, « pion » au lycée Janson-de-Sailly, à Paris- un maniaque de la stratégie qui n’a pas un sou et tente de vivre sans eau, ni électricité, ni contacts humains. Il y a Erwan, il est breton, porte le « bragou-braz », pantalon bouffant comme celui des zouaves, et adore les femmes sans chercher à les atteindre. Il y a aussi un joueur d’échecs parano, un tennisman en quête du jeu parfait… sans oublier Lise, la vieille aristo qui a quitté mari et enfants et a trouvé refuge dans un manoir de Basse-Normandie hérité de sa famille- elle y fume la pipe, veille sur ses moutons et volailles, en compagnie d’une servante et d’un mainate qui répète : « Allez donc vous faire foutre ». Aux côtés de ces « originaux », l’auteur glisse également quelques figures historiques comme Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, Brummel, lord Byron ou Oscar Wilde… Et c’est ainsi que Denis Grozdanovitch, s’attachant à un dandysme « sans panache ni ostentation », est grand !

Dandys et excentriques. Les vertiges de la singularité
Auteur : Denis Grozdanovitch
Editions : Grasset
Parution : 6 mars 2019
Prix : 22 €


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