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« Paul Newman. La vie extraordinaire d’un homme ordinaire » : confidences pour un autoportrait…

  • Écrit par : Serge Bressan

newmanPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Sur grand écran, en près d’un demi-siècle et plus de cinquante films, il fut joueur de billard aussi torturé qu’étincelant, prisonnier cogné par un colosse ou encore cow-boy habité par le doute et la démesure.

Il s’appelait Paul Newman, il a marqué le cinéma mondial- en tant qu’acteur mais aussi comme réalisateur de 6 films (dont un pour la télévision). On le découvrit en 1954 dans avec « Le Calice d’argent » de Victor Savile, on le vit pour la dernière fois en 2002 dans « Les sentiers de la perdition » de Sam Mendes… On le retrouve en cette automne 2023 avec un OLNI (objet littéraire non identifié) pour une autobiographie, c’est joliment titré « La vie extraordinaire d’un homme ordinaire ».
Récemment de passage à Paris, la dernière de ses six enfants, Clea Newman- née en 1965, a évoqué le livre et confié avoir, avec ses sœurs, « beaucoup discuté, mais on a finalement estimé que Papa avait conservé toutes ces transcriptions et dit que c’était pour « ses enfants ». Il avait aussi pris la peine de le mentionner dans son testament ». Entre 1986 et 1991, après avoir enfin accepté de rédiger son autobiographie, Paul Newman se confie à son ami Stewart Stern. Le magnéto enregistre, l’acteur aux yeux bleus se raconte. Au bout de cinq ans, il décide d’arrêter tout… Pas de livre, c’est entendu. Sauf que Stern a gardé tout le matériel et qu’une trentaine d’années plus tard, il replonge dans les confidences de son ami- il passe à la rédaction et ajoute au récit les témoignages de proches, d’ami.e.s et collègues de travail de Paul Newman. C’est « La vie extraordinaire d’un homme ordinaire », un homme né le 26 janvier 1925 à Shaker Heights, Ohio.
Dans la préface de « La vie extraordinaire… », une autre de ses filles, Melissa Newman, écrit : « Il était intègre. Il chérissait obstinément son intimité, et se sentait toujours emprunté quand il donnait une interview. Le simple fait que notre père ait pu envisager d’écrire le livre que vous avez entre les mains nous paraît profondément étrange, et pourtant il poursuivit ce projet pendant cinq ans. Il l’avait conçu comme une offrande à sa descendance. Et peut-être aussi comme un moyen de « rétablir publiquement la vérité », lui qui toute sa vie avait été harcelé par la presse à scandale… » Dans un de ses entretiens avec Stewart Stern, il glissa : « Si je devais définir ‘’Newman’’ pour un dictionnaire, je dirais : ‘’Quelqu’un qui en fait trop’’ »- en quelque sorte, un clin d’œil à « Un homme presque parfait », le film de Robert Benton adapté du roman de Richard Russo et dans lequel il interprétait le personnage de Donald « Sully » Sullivan, un fringant sexagénaire qui se comporte comme un ado, refuse depuis des années de parler à son ex-femme, habite dans une chambre de la maison d'une institutrice âgée, partage son temps avec son meilleur ami demi- attardé mental et en pince pour Toby, la moitié de son âge et femme d’un employeur occasionnel, lorsqu’un jour, il visite son fils et découvre qu'il est grand-père...
De son enfance avec son frère aîné Arthur dans le quartier aisé et très WASP (White anglo-saxon protestant) de Cleveland, il retiendra la grande sévérité de son père Arthur Samuel Newman qui dirigeait un magasin d’articles de sport et dont les parents étaient des émigrés juifs hongrois. Bien que non pratiquant, adulte, Paul Newman confiera se considérer comme juif parce que « c’est plus qu’un défi ». Interrogé sur sa beauté, le récipiendaire de l’Oscar du meilleur acteur en 1987 répondait : « Mon physique ? Un coup de bol ! » Au fil des pages de cette « Vie extraordinaire… », il évoque également de nombreux autres sujets, de nombreux autres moments de vie. Ainsi, ses débuts au théâtre et au cinéma : « J’ai été confronté à l’indifférence, à la bêtise, à mon propre aveuglement, parfois. Mais jamais à la véritable adversité. La chance me suivait… Et si James Dean n’était pas mort ? Une voix en moi me souffle : “Tu y serais arrivé quand même. Ç’aurait été un poil plus long, mais ça aurait fini par se faire” ». Ou encore la rigueur professionnelle : « S’il y a une chose que j’ai vraiment admirée, c’est l’excellence dans le travail. Je sais la reconnaître dans presque tous les métiers : plombier, guide de musée, chauffeur de limousine, employé de banque- et c’est toujours un plaisir. Peut-être choisissons-nous le domaine où nous avons les meilleures chances d’exceller. Dans mon cas, c’est peut-être jouer la comédie, travailler dans le théâtre, tirer parti de mon physique ou jouer les imposteurs ». Et aussi un regret : « Je n’ai certainement pas su exceller comme parent »- avec cette peine qui ne cicatrisera jamais après le décès de son fils aîné Scott, emporté par une overdose. Sans oublier le bonheur qu’il a connu, pendant cinquante ans, avec l’actrice Joanne Woodward qu’il a épousée en 1958.
Acteur et aussi réalisateur, scénariste, producteur, philanthrope et même pilote automobile (entre autres, 2ème des 24 Heures du Mans en 1979… à 54 ans), il aimait dire et répéter : « La réussite est ce qui distingue le visionnaire de l’irresponsable ». Le 26 septembre 2008 à Westport, Connecticut, Paul Newman était emporté par un cancer des poumons- un an plus tôt, cet homme qui se voulait ordinaire avait annoncé la fin de sa carrière d’acteur…

Paul Newman. La vie extraordinaire d’un homme ordinaire
Auteurs : Entretiens avec Stewart Stern. Textes rassemblés et mis en forme par David Rosenthal.
Traduction : Serge Chauvin
Editions : Quai Voltaire / La Table Ronde
Parution : 2 novembre 2023
Prix : 24,50 €

Extrait

« J’ai pris conscience de certaines choses qui m’échappaient quand mes gosses étaient jeunes. Ainsi, il y a des gens qui croient entendre chez moi une pointe d’agressivité. Je ne m’en rendais pas compte, et si vous m’aviez dit ça il y a vingt ans je vous aurais envoyé chier. Mais puisque ces personnes ne pensent pas à mal, je suis bien forcé de les écouter. Je croyais dégager de la bienveillance.
A croire que je reproduis l’attitude de mon père ; quand mes enfants font une bêtise, je deviens aussi sarcastique avec eux qu’il l’était avec moi. Je voudrais tant pouvoir me retenir… »

 


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