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On va faire la cocotte : Bourgeoisie en folie au Lucernaire!

  • Écrit par : Christian Kazandjian

cocottePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Feydeau, en maître de la comédie de mœurs, avec On va faire la cocotte, démolit les conventions bourgeoises en matière de sexualité.

On va faire la cocotte, pièce inachevée de Georges Feydeau, commence comme toute bonne comédie de vaudeville : un bourgeois, barbon bien installé, téléphone à sa maîtresse, à l’insu de sa jeune épouse. Il invente, quand survient cette dernière, la belle Emilienne, tout un stratagème pour rejoindre sa « cocotte », comédienne au Folies bergères. Alors, fidèle à son talent, l’auteur lance les protagonistes : Olympe, l’amie de la famille, Blanche, « l’hétaïre », Thomas son amant et Trévelin, le bourgeois dans un tourbillon de situations où les quiproquos et coups de théâtre s’enchaînent : du grand Feydeau. Emilienne, conseillée par Olympe dont le jeune époux la trompe également décide de se venger et de simuler un adultère avec le jeune et hardi préposé des postes recruté par téléphone. Il se révèle que ce dernier…, mais laissons Feydeau dérouler l’écheveau d’une comédie où le burlesque fait pendant à la satire. Car, on ne boude pas son plaisir, comme avec d’autres œuvres du maître : Le Dindon, Un fil à la patte, Mais n’te promène donc pas toute nue. On rit de voir la prétendue dignité de la haute s’enliser dans les méandres de la mesquinerie, de la grossièreté censée être la marque du peuple.

Contraintes sociales

Feydeau, sous le couvert de la comédie de mœurs, n’a eu de cesse, dans son théâtre, de dénoncer la petitesse de la bourgeoisie, milieu dans lequel il évolua, lui le fils naturel du père de haute noblesse et d’une mère « femme galante ». Dans On va faire la cocotte, il pousse loin la critique tout en s’attachant à la figure libérée de la femme. Les trois protagonistes, figures centrales se découvrant des envies, mais aussi des contraintes communes, revendiquent une liberté sexuelle qui, à la fin du XIXe siècle paraissait inconcevable, ce que ne manque pas de souligner le très traditionnaliste Trévelin : la femme doit se conformer aux seuls désirs de son époux, quand bien même il se montrerait volage, comme cela était de mise à l’époque : quel riche bourgeois ou homme célèbre n’avait pas de maîtresses et ne s’affichait pas avec elles ? Feydeau, ici, fustige, d’un même élan, la maturité rance qui espère retrouver, dans les amours avec de jeunes amants, une hypothétique jouvence.

Quiproquos et rebondissements

Les cinq comédiens se lancent, avec fougue, dans l’aventure. La mise en scène, due à Jean-Paul Tribout qui joue Trévelin, évite la lourdeur du boulevard vers laquelle la pièce pourrait dériver, eu égard aux situations, aux caractères des personnages, et à des dialogues non exempts de trivialité. Le décor -des caisses de fret en bois - supplantant la lourdeur des intérieurs bourgeois traditionnels, ajoute à la vivacité du propos, se révélant propice aux entrées (comme de diables surgissant d’une boîte) et sorties intempestives. Il convient de souligner la performance sur scène d’un accordéoniste, enfilant dès l’entrée des spectateurs, les airs d’Europe centrale et des Balkans, surlignant le propos, comme le ferait une musique de film. En définitive, une parfaite réussite pour un spectacle au comique débridé et aux accents, somme toute, très actuels.

cocotteOn va faire la cocotte de Georges Feydeau

Mise en scène :  Jean-Paul Tribout

Assistant mise en scène Xavier Simonin
Avec Caroline Maillard, Claire Mirande, Julie Julien, Samuel Charle et Jean-Paul Tribout
Scénographie Amélie Tribout
Lumières : Philippe Lacombe
Costumes : Julia Allegre
Musique : Dario Ivkovic
Production : Scène et Public
Coproduction : Sea Art
Soutien : ADAMI

© Fabienne Rappeneau

Dates et lieux des représentations : 
- Jusqu’au 11 juin 2023 au Lucernaire, Paris 6e (01.45.44.57.34.) 


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