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Jusque dans vos bras : l’identité nationale soumise à la question des tordants Chiens de Navarre

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Chiens de NavarrePar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Ah ça oui, on peut dire que la question de l’identité nationale est en vedette depuis quelques années! Patate chaude que les politiques se jettent à la figure et qui est devenue un épouvantail médiatique, elle soulève de nombreuses problématiques également à l’échelle du particulier.

Être Français, qu’est-ce que ça veut dire? En voilà une question passionnante…vous avez 1h45 pour y méditer ensemble dans un grand moment de paix et de communion ( ...dès le prologue, notons que ces drôles-là nous hypnotisent et conquièrent toute notre attention). Sur quoi se construit cette satanée identité nationale, ce concept né dans les années 80 dont on parle beaucoup et qui reste toujours aussi flou et controversé? Autour de quoi se rassemble une communauté homogène d'individus? De grandes figures nationales - dont on se sent fier? Les Chiens de Navarre sont prêts à toutes les hypothèses et exhument donc de tordants fantômes : le géant Brahim De Gaulle, Jeanne la pucelle -cherchant désespérément à être déniaisée par un membre du public - à la cotte de maille encore fumante, Obélix qui arrive des coulisses et se shoote au prozac ou encore Marie-Antoinette à l’aorte à vif qui sirote son propre sang….Autour des termes de citoyenneté et de nationalité? de notions de territoire, d'institutions ( Ah l'éducation nationale!), de langue ("Toi, tu parles musulman, non?"), de religion, d'histoire ou encore de culture? Le caractère national se nourrit-il d'une nécessité confortable d’appartenance à une meute qui protège des "dangers extérieurs"? Attitude néfaste ou louable? Souvent le terme fait presque office de gros mot - parce que récupéré par des partis populistes extrémistes et/ou des groupuscules haineux…alors qu'il pourrait avoir un potentiel fédérateur lumineux : la fierté d’appartenir à une communauté qui prône la liberté, l’égalité et la fraternité comme lois indéboulonnables, la nostalgie émue des icônes positives qui bercent notre imaginaire commun. Pourquoi ce terme déclenche-t-il régulièrement des postures d'agressivité ? Voilà un peu ce à quoi essaie de répondre la troupe toujours aussi déjantée des Chiens de Navarre. « All you need is love Â», on connaît le refrain...et ça semble évident à tout le monde…Seulement quand on gratte l’écorce, on réalise qu’on a beau être bardé de jolis principes, formaté pour respecter l’autre et aimer son prochain comme soi-même…on s’aime toujours un peu plus soi…et la mauvaise foi est la chose du monde la mieux partagée. Chacun pense et fait toujours mieux que les autres…et c’est là que le bât blesse. Aspirer à de l'homogénéité avec de l'hétérogénéité, c'est Oui-Oui, Martine et la mafia napolitaine.
Charité bien ordonnée commence par soi-même…Voilà pourquoi l’on aime tant les Chiens de Navarre. Jamais simples donneurs de leçons à la vision dichotomique. Ici l'on fait entendre la réalité et le off des dialogues. On y rappelle nos petites médiocrités de pensée quotidiennes et notre indécrottable égocentrisme - en mode veille toujours prêt à bondir à la moindre menace de concurrence. Il y a ce que nous acceptons chaque jour de faire et d’entendre parce que le système nous a polissés, a aiguisé notre bonne conscience boboïste ( n'oublions pas qu'en plus, ici, on est au théâtre qui est lui aussi symptomatique des incohérences de nos beaux discours formatés) et qui nous donne donc l’apparence d’être bien sous tous rapports. Vous avez remarqué, non? Aujourd’hui on décloisonne en surface : on est ouvert sur le monde, on adhère à des associations, on accueille les migrants...mais trop souvent, l'on confond la bien-pensance avec la sincérité et l'on cloisonne dans l'intimité et le secret, c’est à dire que l'on vante les mérités de l’école publique et de la mixité mais l'on met ses gamins dans le privé, on adore ses potes gays et on adhére haut et fort au mariage pour tous en conservant toutefois de nombreux clichés de cette communauté, on adore partir en vacances au Sénégal, louer les tenues colorées des belles africaines mais, franchement, leur accorder notre confiance quand il s’agit d’être la nounou des enfants, ça va pas non!?

Le clown, c’est celui qui est dans le déséquilibre et fait rire nerveusement parce qu’on ignore jusqu’où il ira ; ici c’est celui qui ose formuler à voix haute tout ce qui circule dans le secret de nos cheminements de pensée. Lorsque les compères discutent politique, féminisme et autres sujets du quotidien autour d’un pique-nique halal par défaut et d'un Pic-St-Loup savoureux, pourquoi nous font-ils rire si ce n’est par la crudité de leur propos qui a ôté tous les filtres de bienséance? Les Chiens de Navarre, sans cesse, usent de l’excès, passent au crible nos clichés et instaurent des contrepoints délirants ( Assurément vous ne verrez plus jamais de la même façon un hotdog / le poète d’humeur bucolique, à la voix rauque de stentor, accoudé à un lampadaire et regardant une vache esquisser des pas de danse vaut aussi son pesant de fous-rires) autant que des tableaux percutants (la scène des obsèques éclabousse de larmes, de pluie, de coups et de sang) ...et c'est JUBILATOIRE! Ils sont punk à l’envi, assument pleinement une playlist de tubes kitsch pour parfaire l'ambiance et jouent constamment de la mise en abime pour tordre l’illusion et se mettre humblement dans le même panier que les spectateurs. L’identité nationale déclinée en obsèques officielles qui tournent au règlement de compte, cri d’indignation du dernier socialiste, jeu Interville où il s’agit de tirer des eaux des boat-people implorant ( et attention aux requins!), entretien à l’"O.P.R.A" avec voix délirantes et traducteur agréé, drague en règle et pétage de cables existentiel, télé-réalité aux enjeux humanitaires sur fond de Congo rouge où une Pina Bausch, « reine des quiches Â» entreprend une démonstration au ridicule attrayant, et conquête de l’espace avec drapeau triomphant qui perd son panache entre un « caca qui flotte Â» et un selfie qui ne se sent pas….. Ahhhhh, disons-le tout net:  Que c’est bon! ( D’ailleurs, au passage, même Johnny est là … ou presque!) 
On applaudit l’excellence des comédiens, tous délicieux de singularité et d’énergie délirante, « la scénographie vraiment réussie avec des feuilles découpées à la main par des réfugiés afgans Â», l'éléphant rose à bicyclette, la capacité à contextualiser la représentation ( on ne compte pas les clins d’oeil à la ville de Montpellier ce soir-là), la mise en scène résolument moderne et riche d’un cocktail explosif de fraîcheur et de cynisme, les dialogues truculents et le positionnement aussi juste qu’original sur le thème choisi.
On est tous à cran ; on ne cesse de nous le dire, la France - et le monde - vont mal…Et l’on ne sait plus quoi ressentir, penser et dire. Parfois on culpabilise et puis ça s'en va et ça revient...( Tiens, d'ailleurs, CloClo n'était pas là...). Alors, l’espace d’une représentation, on remercie les Chiens de Navarre de nous accueillir dans leurs bras. On s’y sent bien…Qui aime bien châtie bien comme on dit..Et alors, oui, on loue alors l’exception culturelle française et le théâtre subventionné. Si si…
Qu’est-ce qui devrait se vivre toujours dans la flottaison d’un drapeau? L'émotion du constat de la réussite d’un individu et/ou d’une communauté porté(e) par un idéal humaniste et toujours tourné(e) vers l’autre et vers le progrès. La promesse d’une protection des droits pour tous et d’un lieu de paix où tout un chacun est libre de vivre comme il y aspire, dans une sérénité partagée. La transmission de valeurs qui portent l’homme vers le meilleur.
Comme toutes les jolies histoires et les enthousiasmantes idéologies, l’identité nationale est souvent faite de l'étoffe de nos souvenirs. Puisant à tort dans la nostalgie, elle peut s'avérer dangereuse si elle n’est pas identifiée comme telle. Les Chiens de Navarre concluent sur une scène au rythme alangui qui détone  d'avec leur mode opératoire et en séduit davantage. « C’était mieux dans mon souvenir Â» dit le comédien à un Obélix flegmatique. Réflexion désabusée de celui qui ne trouve plus de sens à son rêve. L'identité nationale doit peut-être s'abstenir de trop d'ambition et de vouloir incarner un idéal à atteindre qui génère des tensions bien compréhensibles parce qu'il faut faire rentrer tout le monde dans des cases - et les mêmes en plus!. Accordons-lui le rôle de simple carte de visite, utile pour entrer en contact avec l'autre et échanger, en évitant l'écueil de la carte VIP...


JUSQUE DANS VOS BRAS
Des Chiens de Navarre / Jean-Christophe Meurisse
Mise en scène : Jean-Christophe Meurisse
Avec : Caroline Binder, Céline Fuhrer, Matthias Jacquin, Charlotte Laemmel, Athaya Mokonzi, Cédric Moreau,  Pascal Sangla, Alexandre Steiger, Maxence Tual, Adèle Zouane
Collaboration artistique : Amélie Philippe
Création lumière : Stéphane Lebaleur
Création son : Isabelle Fuchs
Décors : François Gauthier-Lafaye
Création costumes : Elisabeth Cerqueira

Production : Chiens de Navarre • Coproduction : Nuits de Fourvière - Lyon, Théâtre Dijon Bourgogne - CDN, Théâtre de Lorient - CDN, L’apostrophe - Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Théâtre de Bayonne - Scène nationale du Sud-Aquitain, Théâtre du Gymnase - Marseille, Le Volcan - Scène nationale du Havre, La Filature - Scène nationale de Mulhouse • Avec le soutien de : la Villette - Résidences d’artistes 2016, des Plateaux Sauvages - Etablissement culturel de la Ville de Paris, de la Ferme du Buisson - Scène nationale de Marne-la-Vallée et du T2G Théâtre de Gennevilliers • Les Chiens de Navarre sont soutenus par la DRAC Ile-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication et par la Région Ile-de-France.

Le site de la compagnie

Dates et lieux des représentations: 

- Les 7 et 8 décembre 2017 au CDN Montpellier - Hth - 34

- Du mar. 12/12/17 au jeu. 21/12/17 à Dijon - Théâtre Dijon Bourgogne - Tel. +33 (0)3 80 30 12 12

- Du mer. 10/01/18 au sam. 13/01/18 à Toulouse - Théâtre Sorano-Jules Julien - Tel. +33 (0)5 34 31 67 16

- Le 18/01/2018 à Maubeuge - Le Manège - Tel. +33 (0)3 27 65 65 40

- Du mar. 23/01/18 au jeu. 25/01/18 à Cergy-Pontoise - L'Apostrophe - Tel. +33 (0)1 34 20 14 14

- Du mer. 31/01/18 au ven. 02/02/18 à Saint-Médard-en-Jalles - Le Carré-Les Colonnes - Tel. +33 (0)5 57 93 18 93

- Du mar. 06/02/18 au sam. 10/02/18 à Marseille - Théâtre du Gymnase - Tel. 08 2013 2013

- Du mer. 14/02/18 au jeu. 15/02/18 à Orléans - CDN Orléans / Centre-Val de Loire - Tel. +33 (0)2 38 81 01 00

- Le 22/02/2018 à Creil - La Faïencerie - Théâtre de Creil - Tel. +33 (0)3 44 24 95 70

- Le 10/03/2018 à Alfortville - POC - Pôle culturel d'Alfortville - Tel. +33 (0)1 58 73 29 18

- Le 13/03/2018 à Villefontaine - Théâtre du Vellein - Tel. +33 (0)4 74 80 71 85

- Le 16/03/2018 20:30 à Martigues - Théâtre des Salins - Tel. +33 (0)4 42 49 02 00

- Du mar. 20/03/18 au mer. 21/03/18 - Le Havre - Le Volcan -Tel. +33 (0)2 35 19 10 20

- Du mer. 28/03/18 au ven. 30/03/18 à Béziers -SortieOuest - Tel. +33 (0)4 67 28 37 32

- Du mer. 04/04/18 au jeu. 05/04/18 à Créteil - MAC - Maison des Arts et de la Culture de Créteil - Tel. +33 (0)1 45 13 19 19

- Du ven. 13/04/18 au sam. 14/04/18 à Sainte-Clotilde - TEAT Champ Fleuri | TEAT Plein Air

- Du mar. 24/04/18 au dim. 29/04/18 à Bobigny - MC93 - Tel. +33 (0)1 41 60 72 72

- Du jeu. 03/05/18 au ven. 04/05/18 à Bayonne - Scène Nationale de Bayonne-Sud-Aquitain - Tel. +33(0)5 59 59 07 27

- Du mer. 16/05/18 au ven. 18/05/18 à Lorient - Théâtre de Lorient - Tel. +33 (0)2 97 02 22 70

- Du mer. 23/05/18 au ven. 25/05/18 à Poitiers - TAP - Tel. +33 (0)5 49 39 29 29

- Le 29/05/2018 à Choisy-le-Roi - Théâtre-Cinéma Paul Éluard - Tel. +33 (0)1 48 90 89 79

- Du ven. 05/10/18 au sam. 06/10/18 à Théâtre-Sénart, Scène nationale - Lieusaint - Tel. +33 (0)1 60 34 53 60
- Du mar. 27/11/18 au ven. 30/11/18 au Théâtre Vidy-Lausanne - Tel. +41 (0)21 619 45 45
- Du mer. 19/12/18 au ven. 21/12/18 à La Filature, Scène nationale – Mulhouse - Tel. +33 (0)3 89 36 28 28

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