Modi : le théâtre du génie et du grandiose
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Un atelier de peintre à Montparnasse en 1917. Attention ! pas n’importe quel peintre, non, on est avec Amadeo Modigliani (1884- 1920), l’Italien de Livourne installé à Paris, comme à l’époque tant d’autres, de Pablo Picasso à Henri Matisse en passant par Chaïm Soutine ou encore Moïse Kisling.
Pas très loin, il y a aussi le poète Guillaume Apollinaire. Dans cet atelier, on découvre une mère et sa fille, celle-ci étant l’épouse de Modigliani. La mère, Eudoxie Hébuterne, reproche à sa fille enceinte cette union avec cet Italien bohême, irresponsable, alcoolique avec un penchant certain pour l’absinthe, drogué au cannabis et au haschich et pour finir, tuberculeux, et lui conseille de le quitter au plus vite- et aussi, de se débarrasser du bébé qu’elle porte. La fille, Jeanne Hébuterne, est follement amoureuse- à un point tel que, peintre très talentueuse, elle mettra fin à sa carrière pour être la muse et le modèle de « Modi » le maudit. La pièce, centrée sur les trois dernières années du peintre et sculpteur aussi génial que scandaleux, évoque aussi le monde de la peinture avec le marchand d’art et poète polonais Léopold Zborowski- ce qui donne de délicieux échanges entre « Modi » qui tient « Zbo » pour l’amant de sa compagne Jeanne. Mais au dessus de tout, plane l’amour. Le grand thème de la pièce. L’amour fou d’une femme pour son homme souffrant jusqu’au plus profond de sa chair du manque de reconnaissance mais prince de la bohême jusque dans son agonie, terrassé par la tuberculose.
On appréciera follement :
-Le texte de Laurent Seksik, romancier confirmé. On a là une véritable leçon de dramaturgie- c’est tragique, c’est comique, c’est pathétique, c’est léger comme un tableau de Modigliani.
-La mise en scène classique mais follement efficace du réputé Didier Long, soutenue par un décor sombre de Jean-Michel Adam.
-Une distribution de haut vol avec deux « Rolls Royce » du jeu théâtral : Geneviève Casile et Didier Brice, et une comédienne, Sarah Biasini, qui prouve une fois encore qu’elle est bien plus qu’une « fille de » (Romy Schneider, en l’occurrence).
-Dans le rôle de Modigliani, Stéphane Guillon à la barbe grise épaisse et le sourcil toujours levé. Réputé humoriste grinçant et spécialiste du seul en scène, il rappelle là dans « Modi » qu’il est avant tout un (excellent) comédien de formation classique, capable de passer d’un registre à un autre avec une belle agilité artistique. Il est parfait dans le rôle de ce personnage maître dans l’art du trait d’esprit.
Et on quittera le théâtre, ébloui par « Modi ». Parce que la flamboyance du Montparnasse du début du 20ème siècle, c’était un décor parfait pour le destin tragique et lumineux du peintre Amadeo Modigliani. Parce que « Modi », c’est l’amour fou de la compagne d’un peintre, sa muse et son modèle. Parce que « Modi », avec les mots de Laurent Seksik, c’est le théâtre du génie et du grandiose où l’on tend des baisers aux étoiles. Et enfin parce que « Modi », c’est aussi une fois encore la démonstration que Stéphane Guillon est bien plus qu’un amuseur : il est un comédien. Un grand comédien.
Modi de Laurent Seksik
Mise en scène : Didier LONG
Avec Stéphane GUILLON, Geneviève CASILE, Sarah BIASINI et Didier BRICE
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 31 décembre 2017 au Théâtre de l'Atelier ( 1 place Charles Dullin, 75018 Paris)
Et aussi : une adaptation en BD du texte de Laurent Seksik
Les derniers mois chaotiques du maître Modigliani
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Amedeo Modigliani souhaite s'engager dans l'armée au déclenchement de la première guerre mondiale mais sa santé fragile le fait réformer. C'est un être qui fascine les femmes et connaît de nombreuses aventures féminines jusqu'au jour où il rencontre Jeanne Hébuterne dont la famille bourgeoise n'apprécie guère la liaison avec l'artiste- qu'elle considère comme un homme de mauvaise vie - et lui ôte toute aide financière. Pourtant Jeanne restera auprès de lui et l'aimera jusqu'à la fin, se suicidant le lendemain du jour où l'artiste décèdera d'une méningite tuberculeuse.
Laurent Seksik nous raconte les trois dernières années de ce peintre figuratif fascinant. On y croise Léopold Zborowski, canne indispensable au couple, se chargeant des affaires du peintre et lui permettant d'avoir une vie décente , consolant et faisant office de confident pour Jeanne souvent délaissée par son amant parti s'enivrer d'opium, d'absinthe ou de chair. Mais aussi un Pablo Picasso dans un troquet parisien ou encore un vieillissant Auguste Renoir dans sa maison de campagne. La narration met en avant avec pertinence certaines anecdotes dont notamment l'exposition-fiasco chez la marchande de tableaux d'avant-garde, Berthe Weill, qui est sommée par le commissariat de retirer quatre nus parce qu'"ils ont des poils!" et dont le scandale fera qu'aucun tableau ne sera vendu. Fabrice Le Hénanff, quant à lui, rend superbement hommage au pinceau de Modigliani en insérant de nombreux portraits saisissants et en faisant de chaque vignette une toile à part entière. 
Un coup de cœur assurément!
Modigliani, Prince de la bohème 

Editions: Casterman - Novembre 2014

Scénario: Laurent Seksik

Dessin: Fabrice Le Hénanff

Prix: 16 €