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« Et Franquin créa la gaffe » de Numa Sadoul et André Franquin : entretiens au long cours…

  • Écrit par : Serge Bressan

franquinPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une longue attente… Trente-six ans pour une réédition. Et voici donc l’objet, le livre- un pavé XXL. Un joli titre : « Et Franquin créa la gaffe Â», pour le texte au long cours et la transcription de trente-quatre heures d’entretiens enregistrés en 1985 entre André Franquin, grand maître de la BD du XXème siècle, et Numa Sadoul, romancier, essayiste, féru de théâtre et d’opéra, et un des docteurs les plus fameux de ce 9ème Art qui s’est aussi entretenu avec Hergé, Moëbius, Uderzo ou encore Jean Giraud.

« C’est la transcription de longs entretiens que nous avons eus, Franquin et moi, commente Numa Sadoul. Nous étions comme deux vieux amis, nous échangions, il arrivait que nous nous engueulions aussi… Â» Trente-six ans d’attente donc pour une réédition d’un livre épuisé au bout d’un an, « une attente indépendante de mon fait Â», glisse Sadoul. Par rapport à la version originelle, ne reste que le texte de l’entretien : la mise en pages et l’iconographie sont entièrement nouvelles, avec même des documents et des planches inédits sortis de la collection personnelle du dessinateur…

En ouverture, une précision de Numa Sadoul : « Ce que j’ai cherché à mettre en lumière dans ce livre, c’est l’homme Franquin au moins autant que l’auteur Franquin. Celui que les lecteurs connaissent moins, mais qui transparaît entre les cases de son Å“uvre. (…) la stricte liberté de pensée, la tolérance, le non-conformisme, mais toujours soucieux du respect d’autrui. Franquin ne veut rien improviser, il n’aime pas choquer, il ne provoque pas, du moins pas consciemment. Il essaie seulement d’être André Franquin parmi ses semblables, qu’il souhaiterait parfois moins durs, moins panurgiens, moins impérialistes. Qu’on lui foute la paix, c’est sa règle de vie, ma is qu’on la foute aussi aux autres, car les malheurs de ses contemporains ne laissent pas de marbre… Â»
Première question de Sadoul : "faisais-tu, comme tout un chacun, des bandes dessinées dans les marges de tes cahiers d’écolier ?" Réponse de Franquin : « Pas du tout. Je n’ai jamais fait de bande dessinée avant de devenir un « professionnel Â» de la bande dessinée. Je suis arrivé chez mon éditeur, Charles Dupuis, en n’ayant jamais pratiqué, sauf peut-être deux ou trois images d’essai avant d’attaquer « Spirou Â»â€¦ Â» André Franquin est né le 3 janvier 1924 à Etterbeek (région de Bruxelles-Capitale) ; enfant et adolescent, il lisait des BD américaines- Mickey, Robinson, Hop-là !, et aussi le « Tintin Â» d’Hergé ou encore « L’Os à Moelle Â» des tout débuts « qui n’était guère illustré, précise-t-il, mais qui a joué son rôle dans ma « formation Â». J’avais des jours favoris, où paraissaient mes journaux favoris. Comme je rentrais du collège à pied, je dévorais mon journal du jour pendant tout le parcours, et le trajet jusqu’à la maison était généralement assez long Â». Au temps de la jeunesse, il lui arrivait de « croquer des scènes et de faire des caricatures de mon entourage. Au collège, je dessinais un peu pendant les cours. Mais de toute façon, je savais que je serais dessinateur Â». Au grand dam de son père qui le voyait ingénieur agronome…
Les débuts dans la bande dessinée datent de 1945, il côtoie Morris- le futur créateur de Lucky Luke. Un an plus tard, il dessine Spirou et Fantasio… Un séjour aux Etats-Unis, retour à Bruxelles, il donne un nouveau souffle à Spirou et Fantasio. Brouille avec l’éditeur Dupuis, création de l’atelier Franquin, les personnages font la farandole : Spirou, Fantasio, Modeste, Pompon, le Marsupilami … et en 1957, Franquin créa Lagaffe, Gaston de son prénom. Aveu de Franquin Ã  la question : « Comment la série a-t-elle débuté ? Â» : « Je ne sais plus comment l’idée m’en est venue… Le rédacteur en chef de l’époque était très ouvert à toutes les suggestions… Un jour, je suis allé le trouver en lui disant qu’il serait peut-être amusant d’essayer dans le journal un personnage de bande dessinée qui ne figurerait pas dans une bande dessinée parce que, contrairement aux héros, il n’aurait aucune qualité, il serait con, pas beau, pas fort : ce serait un « héros sans emploi Â», un héros dont on ne voudrait dans aucune bande dessinée tellement il serait minable… Â»
Après s’être glissé chaque semaine dans le journal, Gaston Lagaffe s’est retrouvé dans un premier album en 1960. A ce jour, l’employé de bureau le plus célèbre du monde (pas seulement de la BD !) se balade dans une vingtaine d’albums, tous à son nom… Il y a des gaffes, des inventions, une victime idéale (Prunelle), de l’angoisse existentielle, une philosophie de vie… Une poésie extra-cosmique, aussi. Mais voilà, l’histoire n’est pas toujours belle : au printemps passé, les éditions Dupuis annonçaient le retour de Gaston Lagaffe dans un nouvel album, tiré à 1,2 million d’exemplaires edessiné par le Québécois Delaf. Sur plainte de la fille du créateur du personnage, la justice belge en a suspendu la parution. Décédé le 5 janvier 1997, André Franquin a toujours dit son opposition à un Gaston Lagaffe en vie après lui. M’enfin !

Et Franquin créa la gaffe
Auteurs : Numa Sadoul et André Franquin
Editions : Glénat
436 pages
Prix : 39 €

Extrait

Numa Sadoul : Il n’existe pas de faux Franquin, comme il y a de faux Hergé (« Tintin en Suisse Â», etc.), ou de faux Morris ?
André Franquin : J’ai vu un jour quelque chose de marrant dans l’ancien « Actuel Â» : une fausse couverture « Gaston Â» et, à l’intérieur, de fausses planches de « Gaston Â» et de « Spirou Â». C’était il y a longtemps et ça m’avait bien fait rire : je crois que j’ai conservé le numéro en question… Mais, à ma grande désillusion, il n’y a pas d’album hollandais comme les faux Hergé, les faux Vandersteen, les faux Morris, etc. Il n’y en a pas, et je trouve ça vexant !... Je plaisante, bien sûr…
N.S. : Donnerais-tu ton assentiment tacite à une entreprise de ce genre ?
A.F. : Non, parce que je deviendrais alors complice et mon éditeur pourrait, à juste titre, me faire un procès.
N.S. : Mais que ferais-tu toi-même un procès aux pirates ?
A.F. : Je pense que non. C’est à voir Â».

 


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