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Les yeux grands ouverts : « L’important ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous-mêmes nous faisons de ce qu’on a fait de nous »

  • Écrit par : Xavier Paquet

capture d'écranPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Constance revient dans la maison familiale pour fêter les trente ans de mariage de ses parents, évènement qui semble seule l’intéresser : ses parents ont perdu la notion du temps qui passe sur la longueur du couple, son mari Jeremian est plus focalisé sur leur incapacité à avoir ensemble un enfant.

Ce retour aux sources, c’est aussi un retour dans la maison de son enfance avec son lot de souvenirs, son lot de croyances, de doutes, de silences, de peurs nocturnes et de non-dits. Un ensemble de choses qui vont se réveiller et faire progressivement voler en éclats l’image d’Epinal de la famille heureuse que Constance a en tête. A défaut de pouvoir sauver le couple de ses parents, arrivera-t-elle à sauver le sien ?
« Les enfants sont les symptômes de leurs parents » pensait Françoise Dolto. Derrière l’enthousiasme débordant de Constance, derrière son appétit de la vie, se cachent aussi les blessures de l’enfance, du père qui travaille trop et de la mère qui ne voit pas son infidélité, se cachent ce qui n’a pas été vu, ce qui n’a pas été cru et ce qui n’a pas été dit.

La pièce se structure autour de tranches de vies avec les parents, de la relation entre Constance et sa mère, de l’intimité de Constance et Jeremian mais aussi de flashbacks de l’enfance qui prennent leur sens dans la psychologie de l’adulte d’aujourd’hui. Les situations s’entremêlent, l’angoisse de Constance monte crescendo au fur et à mesure que tout s’effondre dans le monde qu’elle s’était construit et imaginé.
Le texte se nourrit d’une quotidienneté qui la rend accessible, porteuse d’une interrogation universelle : aux banalités et discussions sans intérêt se succèdent des moments de réflexion, de questionnement et d’introspection. L’écriture est fine, juste et intelligente, d’une plume sobre mais qui nourrit son propos avec simplicité.
L’interprétation est à la hauteur avec seulement deux acteurs qui font vivre quatre personnages sous nos yeux : un changement de posture, une attitude corporelle, un simple mouvement et une intonation et chacun passe de Constance/Jeremian à l’un des parents. Les changements de personnage sont très fluides, certains passages chorégraphiés et millimétrés, ce qui apporte beaucoup de vie et de mouvement à l’interprétation.
La disposition scénique se veut aussi sobre avec simplement des chaises métalliques réglables qui symbolisent les éléments de décor pour faire vivre l’intérieur familial : cette simplicité fait jouer notre imaginaire comme l’enfant qui se représente son propre monde. Elle est mise en valeur par des jeux de lumière léchés, en clair-obscur qui amène de la densité à certains scènes émouvantes et touchantes.
Quelques surprises tombées du plafond complèteront le tableau d’une histoire d’amour qui s’effondre et d’une image idyllique de la famille, issue de l’enfance, qui tombe en ruines, au propre comme au figuré.
On peut regretter le manque d’utilisation de la vidéo, très présente en préambule avec des projections de scènes d’enfance et du monde adulte qui s’entrecroisent et se mêlent, symboles du conflit intérieur qui se joue pour Constance.
Très bien écrite et interprétée (pour ne pas dire vécue et vibrée), « les yeux grands ouverts » est une jolie pièce sur la fin du regard de l’enfant et la réalité à laquelle se confronte l’adulte, sur le déni que l’on porte sur les choses et les relations mais aussi un message optimiste sur ce qu’on peut construire sur les débris de l’insouciance enfantine.
Elle met en lumière cette maxime de Sartre : « L’important ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous-mêmes nous faisons de ce qu’on a fait de nous ».

Les yeux grands ouverts
Mise en scène : Philippe de Monts
De :  Pauline Cassan, Philippe de Monts
Avec Pauline Cassan, Philippe de Monts

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au 29 octobre 2023 - Théâtre de Belleville ( 94 Rue du Faubourg du Temple - Passage Piver, 75011 Paris) 

 


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