Jamais seul : une fresque de la vie quotidienne percutante et sensible
- Écrit par : Daniel Bresson
Par Daniel Bresson - Lagrandeparade.fr/ Le rideau se lève sur une ligne de personnes, en front de scène, réunies comme dans un groupe de parole à visée thérapeutique. Un chômeur qui évoque son désespoir à la perte de son emploi, mais surtout quand son collègue licencié en même temps que lui a été retrouvé mort. Un couple se disputant pour une place de parking.
Une odeur, un mot qui provoquent la rencontre d’une femme avec deux hommes inconnus auxquels elle n’aurait jamais parlé. Une jeune fille fantasque qui déclame comme dans une tragédie de Racine paraissant tout droit sortie du Songe d’une nuit d’été. Le spectateur peut être dérouté devant l’enchaînement de tableaux de la vie quotidienne, plongé dans des ambiances très différentes grâce au mur du fond qui prend des allures de parc ou d’usine désaffectée. Cependant, Patrick Pineau y aborde des thèmes brûlants comme l’immigration, la guerre, la haine. Il évoque le courage, la solidarité entre les peuples, la peur de la solitude. Il dépeint des personnages rongés par les idées préconçues, inquiets devant un avenir incertain mais incapables de sortir de ce cercle vicieux qui les entraînent malgré eux dans la dépression. Une scène marque bien cet esprit : 13 personnages, chacun avec une tenue et une démarche caractérisée, occupent tout le plateau et entourent un espace central où se déroule l’action. Peu à peu, ils se regroupent, comme pour se sauver eux-mêmes. Résonnent alors comme un refrain certaines répliques « Ne me laissez pas seule, j’ai encore besoin de vivre ». Le metteur en scène parvient à mettre en lumière les maux de la société en utilisant la parodie comme le moment où le « Cauche » distille un discours stéréotypé à une équipe perdante alors qu’il est seul dans son garage. La scène ouvrant la deuxième partie fait plonger le spectateur dans un monde fantasmagorique illustré par des chandelles allumées et le rideau flottant au fond de plateau. Les deux acteurs placés au même plan que le public assistent au spectacle comme le ferait Joël Pommerat dans un de ses contes. La pièce gagne en intensité, l’émotion est palpable. Les personnages semblent avoir la capacité de « réinventer la beauté, de lui forcer la main » comme le note Patrick Pineau lui-même. Du coup, les trois heures de spectacle nous transportent, nous rapprochent aussi de ces « chiens errants » qui deviennent des êtres forts, courageux, et un message d’espoir ressort de cette belle proposition, qui mérite vraiment d’être vue.
Jamais seul
Texte : Mohamed Rouabhi
Mise en scène : Patrick Pineau
Scénographie : Sylvie Orcier
Lumière : Christian Pinaud
Son et musiques : Nicolas Daussy
Costumes : Brigitte Tribouilloy et Charlotte Merlin
Vidéo : Fabien Luszezyszyn
Régie générale : Florent Fouquet
Régie lumière : Morgane Rousseau
Régie son et vidéo : Vincent Bonnet
Habillage : Charlotte Merlin
Construction décors : Ateliers de la MC93
Avec Birane Ba, Nacima Bekhtaoui, Nicolas Bonnefoy, François Caron, Morgane Fourcault, Marc Jeancourt, Aline Le Berre, Elise Lhomeau, Nina Nkundwa, Sylvie Orcier, Fabien Orcier, Mohamed Rouabhi, Valentino Sylva, Christophe Vandevelde, Selim Zahrani
Dates et lieux des représentations:
- Du mar. 23/01/18 au mer. 24/01/18 à la Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau - Tel. +33 (0)4 67 74 66 97
- Du ven. 26/01/18 au sam. 27/01/18 à Le Cratère - Alès - Tel. +33 (0)4 66 52 52 64