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Clotilde Courau : une parenthèse d'intimité avec Edith Piaf

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Clotilde CourauPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/Sous la direction artistique de Serge Hureau, Clotilde Courau offre une parenthèse d'émotions et de sensibilité en compagnie d'Edith Piaf. Elle interprète onze lettres envoyées par Edith à Tony Franck, son amant d'un mois, alors qu'elle vient de perdre son grand amour Marcel Cerdan ;  au travers des mots vibrants et sensibles de ce "monstre sacré", elle nous rappelle  la femme aimante et libre qu'elle fut. Accompagnée des notes graciles et véloces de l'accordéoniste Lionel Suarez, Clotilde Courau n'incarne pas la chanteuse à la petite croix au cou et à la célèbre petite robe de scène, elle restitue avec délicatesse et intelligence l'essence sensible d'une correspondance à coeur ouvert. Nous avions rencontré en décembre 2013 cette princesse des planches et des plateaux au propos fort pertinent.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec une chanson de Piaf?


C'était avec la chanson Les amants d'un jour. Après, beaucoup plus tard, c'est en jouant Irma la douce mis en scène par Jérôme Savary  parce que ça a été écrit par Marguerite Monnot qui a composé la musique de cette comédie musicale et là, littéralement, elle est entrée dans ma vie mais j'avais déjà un âge adulte à ce moment-là.
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Et aujourd'hui, si vous deviez citer la chanson d'Edith Piaf qui vous touche le plus… laquelle serait-ce?


C'est difficile d'en citer une. Je les aime toutes : de L'homme à la moto à l'hymne à l'amour, de J'm'en fous pas mal à Milord…et d'ailleurs je me refuse à n'en citer qu'une.

Dans le spectacle, chantez-vous par moments?


Non, je ne chante pas. Je voulais reprendre simplement la correspondance de Piaf en entier qui a été écrite en 1950. Je ne chante pas Piaf et sur scène je ne suis pas Piaf. Je ne fais qu'interpréter. Ce n'est pas une lecture non plus. C'est un peu un objet non identifiable parce que c'est un spectacle en musique mais je ne chante pas et je n'incarne pas Piaf; je voulais absolument éviter la caricature. Je voulais, au travers de l'instrument de l'accordéon qui est quand même la boite à frissons et qui représente le mieux Piaf, et les mots de Piaf, partager la passion immense que j'ai pour cette femme qui est universelle et qui le restera à jamais.  

Pouvez-vous nous expliquer le contexte d'écriture de ces lettres et ce que vous  y avez trouvé qui vous a séduite?


Marcel Cerdan est mort à la fin de l'année 1948 et un an après, Edith Piaf tombe amoureuse - on sait tous qu'elle avait besoin de l'amour comme de l'oxygène. Cette correspondance m'a plu d'abord parce qu'elle a une vraie richesse ;  je n'ai d'ailleurs rien retiré de la correspondance : ces onze lettres sont le début d'une histoire d'amour et la fin d'une histoire donc il y a une dramaturgie là-dedans . Elle vient de perdre Marcel Cerdan et elle partage avec Tony Franck, alors directeur de théâtre à Marseille, son intimité : son amitié avec Momo, la femme de Marcel Cerdan et ses enfants dont elle s'occupe à ce moment-là; elle partage l'envie de vivre et la difficulté aussi de la vie. On la découvre comme elle est , c'est à dire authentique, extrême, généreuse, colérique, drôle. On y a toutes les couleurs de Piaf.

La genèse de ce projet a été votre rencontre avec Mme Anne Marie Springer?


La genèse, c'est d'abord ma passion pour Piaf et effectivement également ma rencontre avec Mme Springer puisque c'est elle qui possède cette collection unique au monde de lettres d'amour; Dans cette collection, il y a beaucoup de choses incroyables - je fais d'ailleurs souvent des lectures avec la collection de Mme Springer- ça va de Colette à Jericho, à Chateaubriand à Marlène, à Winston Churchill…..je ne peux pas tout citer! … et puis la correspondance en entier de Piaf. Et surtout il ne faut pas oublier le dernier élément important de ce projet : ma rencontre avec Lionel Suarez; le spectacle n'aurait en effet pas la même puissance sans lui.



Dans cette correspondance, y-a-t-il les réponses de Tony Franck à Piaf? 


Non. Elle n'y a que les lettres de Piaf.



Et entend-on dans cette correspondance des éléments sur Tony Franck ou les lettres parlent-elles surtout d'elle-même?


Non, elle parle aussi de Tony…d'ailleurs c'est amusant parce qu'on entend beaucoup de choses sur Piaf: Aznavour la peint comme une femme généreuse, effectivement colérique mais toujours drôle, et refuse l'idée que c'était une femme droguée ; on attend le témoignage de Line Renaud qui dit que c'était une femme extrêmement méchante...il y a vraiment tout sur Piaf. Dans cette correspondance-là, puisque c'est elle qui a écrit ( j'avais lu d'ailleurs la correspondance avec Cerdan aussi), bien sûr qu'elle est excessive, comme tout être authentique, bien sûr que parfois elle n'aime pas et que parfois elle regrette ses colères mais quand elle aime, elle donne tout ; alors forcément elle ne parle pas que d'elle. Elle avait une manière d'aimer les êtres - et ça je le dis dès le départ du spectacle : "j'ai besoin de sentir les êtres que j'aime dans le besoin moral de moi". Elle aime la faiblesse, elle dit " j'aime ta faiblesse, ta fierté"… elle est très maternelle aussi dans sa manière d'aimer et donc forcément elle est aussi vers l'Autre.



Le choix de l'accordéon pour accompagner les mots de Piaf est donc venu immédiatement…


Non, c'est encore plus fort que cela : ce spectacle n'aurait pas existé sans Lionel. Je n'aurais pas fait ce spectacle sans lui.

Comment avez - vous travaillé avec lui?
Je chante également avec un répertoire que je suis en train de me constituer et j'ai donc rencontré Lionel en tant que chanteuse. On n'avait jamais travaillé ensemble pour diverses raisons; en tant que chanteuse, je me cherche, je cherche mon univers en me produisant dans des bars et différents endroits et avec Lionel, on était juste devenus très copains. Quand j'ai eu cette correspondance, j'ai demandé à Lionel de venir parce que j'entendais déjà la musique dans cette correspondance; je ne pouvais pas dissocier les lettres de la musique. Lionel, au départ, qui avait travaillé sur le spectacle de Jean Rochefort qui se fait avec un accordéon, ne comprenait pas ce que je voulais ; il pensait qu'on fonctionnerait comme il avait fait avec Jean Rochefort  et comme beaucoup de comédiens font : le texte puis l'instrument etc… Or moi je voulais vraiment faire entendre ensemble la lettre et la musique, comme si je sentais que dans l'écriture de Piaf il y a déjà la musicalité. Dans ce témoignage épistolaire, on retrouve beaucoup de ses chansons et quand on entend d'ailleurs Aznavour parler de la manière dont elle choisissait ses chansons, cela conforte cette idée:  Piaf était intransigeante avec les autres, parce qu'elle savait exactement ce qui lui correspondait… c'était là aussi son génie. Oui, au travers de cette correspondance, on ressent tous les thèmes de ses chansons.



Vous chantez donc également. Avez-vous un album en kiosque déjà?


Non, je travaille à mon répertoire en live pour l'instant, comme ça se faisait à l'ancienne. Dans mon répertoire, j'ai des chansons d'Art Mengo, de François Morel, de Jeanne Cherhal et de Bertrand Soulier. Et quand je serai suffisamment contente de mon répertoire, à ce moment-là je ferai un album. Parfois on insiste et on me dit "Alors il sort quand?" ; ce sera quand je sentirai que c'est le moment. Je ne suis pas devenue comédienne du jour au lendemain; j'ai suivi des cours, j'ai une formation classique puis j'ai commencé à travailler au théâtre. La formation, c'est une manière de repousser ses limites,une manière de ne jamais être satisfaite, de vouloir être exigeant et la chanson pour moi c'est très précieux; c'est un bébé auquel je crois et je ne peux pas me permettre par rapport à mon exigence de présenter quelque chose trop tôt et qui ne me correspondrait pas totalement. Est-ce qu'un jour je ferai un album, je ne sais pas… peut-être que je ne ferai que du live...



PiafCe qu'on en a pensé:
Entière et caractérielle, spontanée et généreuse, lyrique et intransigeante, au travers de la correspondance amoureuse inédite d'Edith Piaf à son Tony Franck, un amour de quelques mois après la disparition de Marcel Cerdan, la chanteuse à la petite robe noire virevolte, respire encore dans nos tympans grâce à ses mots d'amour exaltés. Au travers d'onze lettres, Clotilde Courau nous fait revivre l'histoire d'un amour : des débuts où Piaf aime avec de grands élans de coeur:  "Des yeux qui font baisser les miens, Un rire qui se perd sur sa bouche, Voilà le portrait sans retouche De l'homme auquel j'appartiens" à la séparation qui tempête puis se soumet, constat implacable d'une incompatibilité de sentiments.
 
Piaf y apparaît aussi attentive et touchante qu'exigeante envers elle-même et les autres. Dans cette intimité épistolaire, on retrouve avec une force étonnante toute l'essence de cette grande dame dont les mélodies ont parcouru le monde et même si Clotilde Courau ne fredonne aucun refrain connu , certains viennent compléter en silence dans notre esprit les paroles intenses qui résonnent sur le plateau :  "Quand il me prend dans ses bras , Il me parle tout bas, Je vois la vie en rose. Il me dit des mots d'amour...." Accompagnées par un accordéon complice, les confidences d'Edith, ses "mots de tous les jours" nous font assurément "quelque chose". Lionel Suarez et son instrument épousent les respirations, les minutes d'euphorie et celles de dépression, caressent ou secouent l'âme : exercice délicat dont on doit reconnaître la qualité. Clotilde Courau se fait aède le temps d'une heure des amours éphémères d'Edith et de Franck, revit ces mots tantôt assoiffés de vie, tantôt désespérés, avec son sourire, ses yeux, ses mains....sans singer la Môme, non! juste en lui rendant hommage par des clins d'oeil : on voit ainsi ses grands éclats de rire, on entend parfois les intonations de la belle gosse des quartiers mais Serge Hureau s'est appliqué à ce que l'on s'attache autant à la femme qui interprète qu'à celle qui est interprétée. Il y a en Clotilde Courau une sincérité désarmante , une simplicité terriblement séduisante : sur scène, sans artifice, elle s'impose avec naturel et authenticité. L' émotion est palpable parce qu'elle n'est pas surjouée et l'on sort de la salle heureux d'avoir passé une heure privilégiée avec deux dames de grande qualité....

Piaf, l'être intime
Direction artistique : Serge Hureau
Avec Clotilde Courau
Accordéoniste : Lionel Suarez
Production: Atelier Théâtre Actuel
Durée : 1h10

Dates et lieux de représentations en 2017:
- Le 31/01/2017 au Forum Rexy - Riom (63)
- Le 01/02/2017à La Fabrique - Saint Astier (24)
- Le 26/03/2017 au Centre culturel Georges Pompidou - Vincennes (94)
- Le 30/03/2017 au Carré Blanc - Tinqueux (51)
- Le 31/03/2017à l'Espace culturel Les 26 Couleurs - Saint Fargeau Ponthierry (77)

En 2020:

- Vendredi 31 janvier - Saint Pierre d'Oléron (17) Salle Pierre Bergé / Eldorado
- Dimanche 02 février - Sainte Geneviève des Bois (91) Centre Artistique Rudolf Noureev
- Vendredi 07 février - Chateaudun (28) Théâtre municipal
- Samedi 28 mars - Auxerre (89) Théâtre d'Auxerre
- Mardi 28 avril - Narbonne (11) Scène Nationale Grand Narbonne
- Mercredi 29 avril - Gacé (61) Salle du Tahiti


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