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Hugo, de père en filles : Amour, mort et folie

  • Écrit par : Philippe Delhumeau

HugoPar Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Il est des auteurs vivants qui ont la plume alerte pour prolonger l’œuvre littéraire testamentaire des écrivains inscrits sur le firmament du Panthéon.
Hugo, de père en filles, un texte de Filip Forgeau qui révèle une nouvelle fois une écriture soulignée de musique, de poésie, d’amour et de mélodrame car il n’est de grande inspiration littéraire sans une ombre qui se fond dans les cendres de la nuit.
Filip Forgeau est de ces auteurs vivants qui livrent à chaque création théâtrale une onde prosée qui prend son envol des pages tournées du livre à la narration interprétée par les comédiennes. Cette nouvelle page de littérature s’ouvre sur un spectacle qui se pose dans la jolie petite salle sise à l’étage du théâtre de L’Epée de Bois. Un joyau de découvertes artistiques servies dans un écrin de bois et de pierres. Quel bonheur d’en franchir la porte d’entrée à chaque visite car y règne une atmosphère de chaleur et d’humanité diffusée par Antonio Diaz-Florian, son directeur, et le personnel ô combien accueillant et souriant. Un bien beau lieu où le théâtre s’écrit en lettres de noblesse populaire !
La scénographie, une grande table disposée de front à la salle, un fauteuil où repose une veste de Victor Hugo et des éléments de décoration inspirés de l’antre de l’écrivain. La scénographie, une composition qui n’est pas sans rappeler l'orientation poétique intense, intime et personnelle de certains vers extraits à Demain, dès l’aube…, de O souvenirs, de Tristesse d’Olympio.
La scène, plongée dans une semi obscurité, voit les deux sœurs Adèle et Léopoldine, bougeoir à la main, se chercher sans se voir en s’interpelant par des sobriquets familiers, Dédé, Didine. Les surnoms résonnent dans l’épaisseur de la pénombre qui dissimule les ombres du passé bouleversées par des bruits de pas sur le parquet craquant. Léopoldine était une jeune femme qui aimait la vie, les fleurs, les livres, l’amour. Elle l'eut connu en la compagnie de Charles Vacquerie avec lequel elle se maria dans l'innocence consommée de sa jeunesse. Adèle, sa cadette de six ans, est foudroyée par la disparition brutale de Léopoldine, morte noyée sur une barque avec son époux. Un malaise irréversible s'installera dans la famille de Victor Hugo après cette onde de choc. Adèle, atteinte au plus profond de sa chair, vivra avec cette blessure jusqu'au terme de sa vie. Manifestant des signes de troubles psychologiques, Adèle s'enfermera progressivement dans un mutisme qui la conduira à être internée en hôpital.
C'est à partir de cette parenthèse existentielle que le travail de Filip Forgeau prend la dimension de la fracture familiale pour s'intensifier dans une mise en scène construite sur le fantôme d'une sœur trop tôt disparue et considérée comme modèle. Léopoldine accompagne l'inconscience d'Adèle par sa présence qui n'est plus, des confidences sourdes, des regards aveugles, un rapprochement physique distant. L'amour se pare d'un pare voile noir sous lequel la notion de mysticisme prend les formes de la tragédie, du romantisme, de la vérité et de l'étrange. La mise en scène de Filip Forgeau, une poésie lyrique qui chante les affres et les regains disparus de la vie.
Soizic Gourvil rentre de corps dans l'angoisse d'Adèle avec une persuasion de tous les instants. Ses yeux renvoient la présence fantomatique de Léopoldine qui, inversement, hante et enchante Adèle selon la situation du moment. L'image de la grande sœur est à jamais gravée dans une mémoire fragilisée par cette mort prématurée. Adèle en souffrira sa vie durant, et à cette démence se greffe une histoire d'amour perdu avec un officier. Soizic Gourvil se révèle exceptionnelle dans l'interprétation de ce personnage joué avec sincérité, gravité et légèreté.
Laurianne Baudouin incarne Léopoldine avec une aisance esthétique qui frôle le fantastique et la réalité. La sincérité du personnage se déploie dans un jeu d'ombre et de lumière, un come-back entre les souvenirs et la folie d'Adèle. Rôle difficile à interpréter et assurer avec l'art et la manière. Laurianne Baudouin, une comédienne de tout premier plan.
Hugo, de père en filles, une ode de Filip Forgeau adressée à Victor Hugo, une prouesse artistique où se confondent virtuosité et intimité de Soizic Gourvil et Laurianne Baudouin.

Hugo, de père en filles

Texte & Mise en scène : Filip FORGEAU

Avec Laurianne BAUDOUIN, Soizic GOURVIL Et la voix de Daniel MESGUICH
Librement inspiré de la vie de Victor, Adèle & Léopoldine HUGO
Lumières : Michaël VIGIER
Univers Sonore : Lionel HAUG
Durée : 1h15 – Tout public à partir de 13 ans
Création 2016 - Cie du Désordre

- Du 11 au 23 octobre 2016
Du mardi au vendredi à 20h30 // Le samedi à 16h et 20h30 // Le dimanche à 16h
Relâche le lundi
Au Théâtre de L’Épée de bois - Cartoucherie - Route du Champ de manœuvre 75 012 Paris
- Métro ligne 1, arrêt Château de Vincennes. Sortie n° 6 en tête de train, prendre la navette Cartoucherie près de la station de taxi, service gratuit 1h avant et après le spectacle. Ou bien prendre le bus 112, arrêt « Cartoucherie »


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