Henri Cartier-Bresson : le siècle en photographies
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.com / A l’automne 1926, alors âgé de 18 ans et après suivi des cours particuliers auprès des peintres Jean Cottenet (1882-1942) et Jacques-Emile Blanche (1861-1942), il intègre l’académie d’André Lhote (1885-1962).
« C’est là qu'il a développé un vrai goût pour la géométrie. A peu près à la même époque, il rencontre les Surréalistes et il retient du surréalisme l'idée du hasard et de l'inconscient. Son talent ensuite, c'est d'avoir associé tout ça et de réussir à faire une chose un peu étrange : composer des images sur le vif », commente Anne de Mondenard, commissaire d’exposition. A l’automne 1931, il achète son premier Leica chez Tiranty (91, rue Lafayette à Paris), et l’année suivante, avec son ami d’enfance André Pieyre de Mandiargues, il voyage en Europe : Belgique, Allemagne, Pologne, Hongrie, Italie et Espagne où il met en boîte sa première commande photographique. Ses clichés sur les élections espagnoles sont publiés dans les revues « Vu », « Voilà » et « Photographie ». Fin septembre 1933, il signe sa première exposition, à la galerie Julien Levy de New York. Deux mois plus tard, c’est au tour du Club Ateneo de Madrid de présenter ses images. A 25 ans, Henri Cartier-Bresson acquiert le statut de géant de la photographie- ce que rappelle et montre l’« Exposition Henri Cartier-Bresson » proposée par le Fonds Hélène & Edouard Leclerc (FHEL) à Landerneau, en Bretagne finistérienne jusqu’au début janvier 2025, et montée par le commissaire Clément Chéroux…
Selon le président du FHEL Michel-Edouard Leclerc, « Henri Cartier-Bresson est probablement le photographe français le plus connu dans le monde. Ses œuvres circulent, mais souvent décontextualisées, détaches de leurs intentions. Pourtant, l’artiste mérite un vrai parcours didactique : de l’homme qui saisit, choisit, formalise, consigne l’histoire qu’il traverse, au résultat graphique de ce processus de création. Qui mieux que Cartier-Bresson pouvait témoigner de cette relation essentielle de l’artiste à son monde, à son temps, aux sociétés et à la diversité des personnes qui les composent ? » A Landerneau, en une plongée en trois cents photos, l’exposition célèbre donc un homme né le 22 août 1908 dans une famille de grands industriels du textile à Chanteloup-en-Brie (Seine-et-Marne), mort le 3 août 2004 à Montjustin- un village d’à peine soixante habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence. Un homme qui signait ses premières photos « Henri Cartier »… Un homme qui deviendra le maître de l’instant décisif…
En vingt-trois étapes pour une confrontation, brillante tant par sa simplicité que son efficacité, au fil des ans face à l’œuvre, c’est la proposition d’un voyage d’un haut gentleman. En noir et blanc, c’est le reportage au bout du monde en toute majesté. Escales offertes en Birmanie, au Mexique, en Chine révolutionnaire, en Inde de la partition, à Cuba, au Japon… A l’évidence, le portrait en creux d’un homme réputé insaisissable, farouche, « fuyant les objectifs des autres, quitte à se mettre en colère s’il était cerné. Souvent cette distance a été interprétée comme un phénomène de classe, voire une nature impérieuse », selon une critique d’art. Le portrait également d’un homme qui, selon cette même critique, « incarna l’Olympe de la photographie par son autorité naturelle, puis par son prestige ». De son côté, Miche-Edouard Leclerc complète : « Au milieu du monde, avec discrétion (il n’aime pas de faire voir, il tourne sur lui-même, fixe, teste, jusqu’à saisir ce que ses yeux ont voulu capter et déjà quasi cadrer. Il peut être militant, faire ressortir une tension, une émotion devant une scène dramatique, mais avec distance il travaille sa photographie comme un documentaire, pour nous, pour l’éternité ».
Rythmée par des colonnes de couleur différente comme autant d’étapes avec un portrait (par exemple, une photo d’identité sur un passeport ou sur une carte de presse), l’exposition scénographiée par Laurence Fontaine déroule du rouge pour « Le sel du surréalisme », du vert pour « Le fou du Mexique » ou encore du jaune pour « La Chine communiste » avec des photos publiées dans le magazine américain « Life »… Homme et artiste multiple, maître aussi incontestable qu’incontesté dans son art, Henri Cartier-Bresson se plaisait à dire: « Nous, photographes, traitons avec des choses qui disparaissent continuellement, et quand elles ont disparu, il n’y a aucun artifice au monde qui puisse les faire revenir ». Ou encore : « Photographier, c’est un dur plaisir »…
Exposition Henri Cartier-Bresson
Fonds Hélène & Edouard Leclerc, Aux Capucins, 29800 Landerneau (France)
02 29 62 47 78. www.fonds-culturel-leclerc.fr
Tarifs : 10 € (plein tarif) ; 7 € (tarif réduit) ; gratuit (: sur justificatif jusqu'à 18 ans inclus, demandeurs d'emploi, bénéficiaires des minima sociaux, personnes en situation de handicap, étudiants, enseignants, titulaires de la carte ICOM).
Horaires : 10h- 18h, tous les jours sauf 1er novembre, 24, 25, 31 décembre 2024 et 1er janvier 2025.
Jusqu’au 5 janvier 2025.
Henri Cartier-Bresson. Catalogue
Editions FHEL, 320 pages, 39 €.