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« Avec les fées » : quand Sylvain Tesson vogue sur l’arc féérique…

  • Écrit par : Serge Bressan

tessonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Après avoir traversé les steppes de Russie à moto ou encore patienté dans les montagnes du Tibet pour voir la panthère des neiges, il est parti en voilier sur l’arc atlantique en quête du merveilleux.

Retour sur terre, Sylvain Tesson a écrit « Avec les fées ». Immédiatement, c’est un best-seller, alors que l’écrivain est au cœur d’une polémique. Parrain du prochain Printemps des poètes (9- 25 mars), il est contesté par nombre d’auteur.e.s, éditeurs et poètes, autoproclamé.e.s pour la plupart. Après un long silence, Sylvain Tesson a réagi, s’interrogeant : « Quel est mon crime et qui sont mes juges ? » D’autres ont posé la question, implacable : « Après quoi court Sylvain Tesson ? » Il a commencé, enfant, en grimpant dans les arbres et en y installant une cabane. Plus tard, au sortir de l’adolescence, il a fait le tour du monde à vélo. Plus tard encore, on le trouvera traversant les steppes de Sibérie à moto sur la route des batailles de Napoléon, on l’apercevra grimpant des façades parisiennes ou un chalet à Chamonix- il chuta, se fracassa. Il s’est reconstruit en marchant sur les chemins noirs de France avant de filer, une fois encore, à l’approche de la panthère des neiges au Tibet. Et, en cet hiver 2024, il nous revient avec un nouveau livre- à peine paru, déjà en tête des ventes : « Avec les fées ».

Cette fois, il a pris le bateau. Un voilier, avec deux amis- Benoît Lettéron et Arnaud Humann. Lui qui avait écrit un « Petit traité sur l’immensité du monde » (Equateurs, 2005), il a décidé de suivre l’arc atlantique, qu’on appelle aussi « arc féérique ». Il explique : « Les promontoires de Galice, Bretagne, Cornouailles, du pays de Galles, de l’île de Man, de l’Irlande et de l’Ecosse dessinaient un arc. Par vois de mer, à bord d’un voilier, j’allais relier les miettes du déchiquetage. Sur cette courbe, on était certain de capter le surgissement du merveilleux. Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais ». Avec les fées- encore Tesson : « Même si elle a perdu le combat au siècle 21, la fée incarne encore le refus d’un monde immonde gouverné par la stupidité des machines et la méchanceté des masses ». Ainsi, qu’on ne s’y méprenne pas. Les fées, chez Tesson, ce ne sont pas ces petites créatures en tutu. Non, chez Tesson, les fées, ce sont ici et maintenant, là et ailleurs, ces surgissements du merveilleux, ces mots du poète Joë Bousquet dans « Lettres à une jeune fille » : « Emplissez-vous de cette certitude : tout ce qui existe, tout, est comme un chant endormi et n’attend que le passage d’un regard assez pur pour se ranimer ».

Avec ses compagnons d’aventure dans le port de Gijón, Tesson monte à bord d’un voilier de quinze mètres. Humann et Lettéron préparent l’appareillage. « Nous naviguerions vers le nord, passant en revue les promontoires où de vieilles présences attestaient chaque soir des adieux du soleil ». Entre les trois a décidé que Tesson pourra, quand il souhaitera, descendre à terre pour marcher ou cheminer à vélo pendant un, deux, voire trois jours… Ainsi, l’auteur d’« Avec les fées » s’offrira en Bretagne deux escapades entre mouettes et ajoncs, ce qui lui fera dire et écrire : « J’étais allé à la recherche du roi Arthur, j’ai trouvé Leroy-Merlin… » Sentiment de désabusion, comme l’avait chanté un poète du siècle 20…

Un soir, au large de la fin de terre bretonne, Tesson note : « Définition du féérique : tout spectacle aperçu depuis un poste de vigie. Son accès devait être suffisamment difficile pour qu’on fût le seul à le contempler. La fée : ce qui se mérite dans l’ordre de la beauté ». S’ensuivent des échappées en tout autant de chapitre en Angleterre, au pays de Galles, en Irlande, à l’île de Man, en Ecosse et aussi, là-haut, tout là-haut, aux îles Shetland, avant le retour à Saint-Malo. « Un soir, un trois-mâts suédois passa travers babord. Sur la coque, en lettres noires : « Sailing for Jesus ». Moi, c’était pour les fées. Elles existaient, puisque le soleil se lève chaque matin sur la mer. Elles existaient quand on cheminait vers elles. Elles existaient quand on travaillait à les faire apparaître. Où seraient-elles ce soir ? » Au fil des pages, on a accompagné Sylvain Tesson, lui qui, à l’image d’un Blaise Cendrars ou d’un Nicolas Bouvier, sait écrire la mer mauve, la tourbe en flammes, les rochers ronds, les menhirs ou encore les falaises déchiquetées… Le voyage fut beau…

Avec les fées
Auteur : Sylvain Tesson
Editions : Equateurs
Parution : 10 janvier 2024
Prix : 21 €

Extrait

« La terre acide était élastique. Le pied rebondissait. Une végétation humide cascadait du haut des parois. L’air était soyeux, la falaise haute. Il convenait de ne pas trébucher. Courir sur les falaises procure une illusion de légèreté. On se prendrait pour le Peer Gynt d’Ibsen, errant dans les steppes. Courir rend fou. Ou bien est-ce la folie qui fait courir ? S’échappant, on croit échapper à soi-même. On accélère, on est toujours le même.
La lumière du soir allumait les graminées. L’écume des herbes ourlait le vide. Le château était construit sur un éperon séparé de la côte par une entaille, relié par une passerelle. Cette plate-forme tenait du dessin de Hugo et de la description de Jules Verne… »

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