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« Peloton maison » de Paul Fournel : vive le roi de la petite reine !

  • Écrit par : Serge Bressan

maisonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / En voici un taillé pour tous les terrains ! Réputé écrivain joueur, Paul Fournel passe du plat (le récent roman Attends voir) au contre-la-montre (un recueil de poèmes, « toi qui connais du monde ») en passant par les étapes dites « de transition » et favorables aux puncheurs et autres dynamiteurs (pas seulement d’aqueducs).

Surnommé « roi de la petite reine », Fournel, 75 ans depuis peu, aime le sport- on lui doit un texte exceptionnel, Les athlètes dans leur tête (2012). Pratiquant assidu du cyclisme- il confie : « Même si je me contente maintenant de petites sorties à 25 km/h, j’ai toujours pédalé, et je continue. J’ai toujours besoin de rouler », il nous a également offert « Besoin de vélo », un dictionnaire cycliste « Méli-Vélo » et « Anquetil tout seul ». Et là, peu avant le départ du 109ème Tour de France (1er – 24 juillet 2022), il se glisse jusqu’à nous avec « Peloton maison »- quarante-cinq chapitres pour autant de nouvelles de trois à six pages. Bienvenue dans cette maison commune, dans cette maison mobile qu’est le peloton.
Membre éminent de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle, mouvement créé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais), Fournel invite à la lecture en lançant son affaire avec les mots de deux anciens champions français : Louison Bobet et Jacques Anquetil. Le premier : « Un coureur ne porte jamais ni ceinture ni élastique pour retenir sa culotte, afin de faciliter la respiration » ; le second (à l’image du tennisman américain André Agassi) : « Moi, le vélo, j’aime pas tellement »… N’empêche, amateurs ou professionnels, cyclistes du dimanche, cyclo-touristes ou professionnels, ils évoluent tous dans une maison commune, le temps de quelques heures, le temps d’une course ou d’une sortie d’entraînement. « C’est ma maison », disent-ils, et c’est le titre du premier chapitre de « Peloton maison ».
En maître ès cyclisme, Fournel se pare des habits de guide au sein et autour du peloton. En avant pour la visite de la maison mobile. On va en croiser certains qui s’y reposent, d’autres qui s’y cachent, certains autres qui y font le ménage, d’autres encore vont mettre le nez à la fenêtre. On sait aussi qu’il en est, parmi les résidents, des plus hardis et des plus éprouvés- ceux-là s’en échappent. On sait aussi qu’immanquablement, depuis toujours, tous, ils s’y rassemblent chaque petit matin. Chacun.e porte une attention toute particulière à ses jambes- on lit : « Je n’ai pas eu besoin de faire des kilomètres pour me rendre compte que j’avais un irréductible mal aux jambes et que ma journée serait sous le signe de la douleur. Le mal aux jambes est un compagnon du cycliste, le très mal aux jambes est sa tragédie. Vite après le départ on sait si on aura les bonnes jambes ou des jambes moyennes, très vite aussi, mais plus rarement, on sait qu’on aura des jambes en enfer… »
Récemment, Paul Fournel affirmait : « Le cyclisme est un sport social ». A l’image d’une société avec maîtres et valets, champion.ne.s et « gregarii » (terme peu amène pour définir les équipiers affectés aux tâches les plus obscures), élégant.e.s et bourrins… Sans oublier les tricheurs et tricheuses, adeptes du « dopé à son insu »… Le peloton maison, ce sont aussi des idées fixes, des rêves (in)assouvis : grimper devant, la main levée, le vent de face, et aussi des angoisses : la descente en montagne, le vent de face ou encore le « gruppetto » et, sinistre parmi les sinistres, la voiture-balai. Et à en croire Paul Fournel, quand on roule en son cœur, le peloton devient alors une maison de repos : « Il y a un endroit dans le peloton, dans son ventre, vers le milieu, où pédaler est moins difficile. Bien abrité, niché, vous avancez selon le moindre effort. Parfois même vous parvenez à vous donner des temps de roue libre pendant que les équipiers tirent devant de toutes leurs forces. Cet endroit, qu'en moi-même je nomme « le fauteuil », est, cela va sans dire, très convoité. C'est le rendez-vous des éclopés, des porteurs de pansements, des épuisés de la veille ». Et maintenant, ce peloton maison est à vous, roulez !

Peloton maison
Auteur : Paul Fournel
Editions : Seuil
Parution : 13 mai 2022
Prix : 17 €

Extrait

« La ligne. Les bras levés. Les cris. Qui me serre si fort contre sa poitrine ? On me tape dans le dos, on m’entraîne. Déjà un micro. Penser à ce que m’a dit le gars de la com’ : l’équipe a été formidable, la marque est solide, le matériel tient bon, j’avais les jambes, oui c’est ma plus belle victoire, une étape de montagne sur le Tour. Sourire, surtout. Ne pas cracher ses boyaux en direct. Sourire. On m’entraîne. Il faut là, puis là. Enfile, un maillot propre. Le protocole, respecter le protocole. Tiens, quitte tes chaussures cyclistes, mets ça. Donne-moi ton casque, coiffe-toi. N’oublie pas de boire ton jus de cerises. Podium, podium ! C’est par là.
Et je me demande à quel moment précis mon corps aura le temps de me dire que je suis épuisé ».

Une semaine de lecture avec Evelyne Dress, Paul Fournel et Régis Wargnier

 


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