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« Foi, espérance et carnage » : les confessions de Nick Cave

  • Écrit par : Serge Bressan

Nick CavePar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dès les premières lignes, c’est dit… « Franchement, comment peut-on avoir envie de donner des interviews ? En général, les interviews, ça craint. Vraiment. Ça te bouffe. J’ai horreur de ça. Le principe même est tellement avilissant… »

Et aussi : « Il me fallait toujours du temps pour m’en remettre. Comme si je devais retrouver qui j’étais. Donc, il y a à peu près cinq ans, j’ai décidé d’y renoncer »… Pourtant, pendant près de quarante heures, Nick Cave s’est prêté au jeu des questions-réponses avec Seán O’Hagan, journaliste irlandais adepte des entretiens au long cours. Résultat : « Foi, espérance et carnage », un livre de 360 pages en quinze chapitres plus une postface et un index… Un livre débuté par téléphone en août 2020, et poursuivi au fil des confinements consécutifs à la pandémie du Covid-19.

A 66 ans, né à Warracknabeal (Australie), Nick Cave est présenté comme un artiste pluridisciplinaire. Chanteur et musicien avec le groupe The Bad Seeds (en VF, les mauvaises graines) dès 1984 avec un album impeccable (« From Her to Eternity »), il s’est fait connaître en punk, grand escogriffe dégingandé de près de 1,90 m. Le hasard de la vie, ses pas de côté (avec la drogue et sa chère Sister Heroin) ou encore les deuils (deux fils morts, l’un en 2015, l’autre en 2022) l’ont amené, après le carnage, sur des rivages d’espérance. Ce qui, dans un entretien accordé à son ami O’Hagan, lui fait dire, avec tout le charme de la poésie : « On a beau changer de peau plusieurs fois, on reste toujours le même serpent ». Amis, malgré quelques divergences, Cave et O’Hagan ont évoqué la vie personnelle, la musique, la peinture, l’écriture, la littérature avec des auteurs que l’Australien apprécie particulièrement : William Blake (1757- 1827), Philip Larkin (1922- 1985) ou encore Flannery O’Connor (1925- 1964). Très vite, l’Australien s’est imposé dans ce monde de la pop rock music souvent agrémentée à la guimauve- conséquence : il est pour un des plus grands chanteurs- auteurs de l’époque avec Patti Smith, Leonard Cohen, Bob Dylan ou encore Lou Reed. Que du (très) haut de gamme !
Nick Cave, c’est des musiques envoûtantes et des paroles coupantes et précises comme le geste du chirurgien. D’ailleurs, Cave est un maître dans l’art d’opérer la nature et les âmes humaines. Les vies cabossées, il connaît. Le fond du gouffre, là où c’est bien glauque, il connaît aussi. Il aurait y rester, s’y plaire, s’y complaire… That’s all rock’n’roll, monde pourri, d’angoisses, de malheurs. Et puis, comme par miracle, le temps de la rédemption. La foi et l’espérance. Nick Cave raconte son chemin vers la sérénité. Il dit à Seán O’Hagan : « Moi qui étais contraint de faire mon deuil en public, j'ai dû trouver le moyen de mettre des mots sur les événements. Et trouver le langage approprié m'a offert une issue. Notre langue est très pauvre dès qu'il s'agit du deuil. Dans nos sociétés, nous ne sommes pas habitués à en parler, parce que c'est trop dur à aborder, et, surtout, trop dur à entendre. Il y a tant d'endeuillés qui gardent le silence, murés dans leur esprit, dans leurs pensées secrètes, avec les morts eux-mêmes pour seule compagnie ».
Au fil des pages et des questions, on comprend que plus que le chanteur-musicien, c’est l’écrivain qui s’exprime, l’auteur d’« Et l’âne vit l’ange » (1995), « King Ink » (1998) ou encore « La Mort de Bunny Munro » (2010). Provocation et lyrisme, encore et toujours… La métamorphose d’un homme si durement marqué par la vie qui va… Foi, espérance et carnage au programme et aussi des réflexions sur la mécanique de l’inspiration et de la création, sur ce qui déclenche et nourrit une œuvre. Les meurtrissures ont forgé l’homme, le mari, le père, l’ami… Il assure, au milieu de la soixantaine, encore mûrir. Intransigeant, il l’est et le demeure ; lumineux, Nick Cave l’est plus que jamais. Et dans la foulée d’une lecture de « Foi, espérance et carnage », on écoute « Ghosteen », son album paru en 2019- rien moins qu’un chef-d’œuvre !

Foi, espérance et carnage
Auteur : Nick Cave (avec Seán O’Hagan)
Traduction : Serge Chauvin
Editions : La Table Ronde / Quai Voltaire
Parution : 14 septembre 2023
Prix : 24,80 €

[bt_quote style="big-quote" width="0"]Les conceptions ésotériques de la spiritualité ne m’intéressent pas vraiment. Je suis attiré par ce que beaucoup considéreraient comme des notions chrétiennes traditionnelles. Je suis absolument fasciné par la Bible et en particulier par la vie du Christ. Depuis toujours, et sous des formes diverses, c’est une de mes influences majeures.[/bt_quote]


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