« Talisman à l’usage des mères et des filles » de Nathalie Rykiel : gloire à la mère-veille !
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Elle confie : « J’ai écrit plusieurs livres sur la transmission, sur ma relation à ma mère, mon père, la famille… C’est vraiment un sujet qui me hante ». Elle écrit : « Mère et fille, nous avons passé notre vie ensemble, sans vivre ensemble. Nous avons travaillé ensemble. De mon premier cri à ton dernier soupir, pas un jour sans se voir, ou sans se téléphoner, se parler, se préoccuper l’une de l’autre. Tu étais une mère imposante, omniprésente, mais aussi terriblement attirante ».
Souvent, des plus ou moins proches lui ont conseillé de « ne pas rester auprès d’une mère aussi dévorante. On m’a dit que tu ne me laisserais pas devenir moi ». La fille écrit aussi de sa mère : « Tu étais jalouse et possessive. Mais, surtout, tellement aimante »… Le 25 août 2016, la mère- Sonia Rykiel, la grande couturière et designer française, s’en est allée à jamais. La fille- Nathalie Rykiel, a dirigé le groupe de mode Sonia Rykiel de 1995 à 2012 et publié en 2017 « Ecoute-moi bien », un roman remarqué sur une relation mère-fille, sur la quête de sa place dans la lignée familiale. Un roman, véritable hymne à l’amour…
Et en ce printemps 2021, Nathalie Rykiel revient en librairies avec « Talisman à l’usage des mères et des filles ». Un beau livre, couverture chic de couleur orange. Des mots de Nathalie, des dessins (une cinquantaine, tous inédits) de Sonia. Des dessins, raconte Nathalie Rykiel, sortis d’un tiroir quand sa petite-fille est née : « Ces dessins auxquels je réponds, ce sont de petites notes que ma mère me laissait, m’adressait, qui traînaient un peu partout, sur mon bureau, dans ma valise, c’était un mode d’expression. C’était un peu comme des Post-it, des SMS… Ça traitait aussi bien de « veux-tu du fromage, je vais faire les courses » que « je m’ennuie de toi ». Il y avait du profond, du lourd, du quotidien. C’était son mode de fonctionnement, elle adorait dessiner ». Des dessins, des petits dessins « ratatinés, déployés ou gribouillés, drôles, excentriques, colorés, élégants, déglingués… Comme une bande de femmes dessinées » et, en réponse, des mots du quotidien, de la vie. De toute une vie…
Dans « Talisman à l’usage des mères et des filles », il est sujet (beaucoup) d’amour- puissant et certain. D’amour maternel qui donne la force de tout combattre. « T’avoir comme mère, c’est la plus grande chose qui me soit arrivée », confesse l’auteure dans un livre tout dédié, tout consacré à celle qu’elle qualifie de « mère-veille ». Placé sous la bienveillance des mots de Roland Barthes : « Désormais et à jamais je suis moi-même ma propre mère » (in « Journal de deuil »), ce talisman en mots et dessins scelle à jamais une relation unique entre une mère et sa fille- laquelle écrit, en réponse à un dessin : « Notre grand luxe, on le sait bien, c’est d’être toutes les deux », et à un autre : « Trop près tu m’empoisonnes Trop loin tu m’abandonnes ». Dans ce livre lettre à la mère, dans ce dialogue d’outre-mère, encore une confidence : « C’est en te regardant vivre que j’ai compris que tout est possible ».
En passant de page en page de ce « Talisman à l’usage des mères et des filles », surgissent en creux des interrogations existentielles : est-il possible, envisageable de se construire quand la mère est omniprésente ? est-il possible, envisageable d’acquérir la liberté, sa liberté ? Dans un récent entretien à un hebdo parisien, Nathalie Rykiel a prolongé son observation sur sa relation avec sa mère : « On m’a souvent dit : « Pourquoi tu ne t’en vas pas ? » Ce qui m’intéressait, c’est de trouver ma place à l’intérieur, pas dans la rupture. Forcément, ça a pris beaucoup plus de temps. À la fin de sa vie, la maladie terrifiante qu’elle a eue (depuis la fin des années 1990, elle est atteinte de la maladie de Parkinson. NDLR) a fait que ma mère est devenue ma fille, elle est devenue mon enfant puis mon bébé, et ça c’est une expérience hallucinante. Aujourd’hui, il y a une chose absolument certaine : je la porte en moi ». Beau et brillant, « Talisman à l’usage des mères et des filles » n’est pas seulement un livre qu’on résumerait en une formule genre « ma mère, cette héroïne », c’est aussi le récit d’une relation unique, le roman de l’amour mère-fille et le texte étincelant des mystères de la transmission. Et en posant le livre de Nathalie Rykiel, nous reviennent les mots d’une chanson d’Arno : « Dans les yeux de ma mère / Il y a toujours une lumière »…
Talisman à l’usage des mères et des filles
Auteure : Nathalie Rykiel
Editions : Flammarion
Parution : 12 mai 2021
Prix : 25 €
Extrait
« Tu te souviens ? Un jour que tu te plaignais, de tes douleurs, de vieillir, du monde, je t’avais réconfortée en te disant : « Maman, regarde la chance que tu as, tu te plains… mais on est tous là pour toi, ton fils, tes petites-filles, tes amoureux, tes sœurs ! Pense à moi, qui s’occupera de moi plus tard ? Et tu m’avais répondu, le plus sérieusement du monde (tu étais vraiment gonflée) « Mais je serai là, moi, chérie, pour m’occuper de toi quand tu seras vieille… » !
Tu avais raison, ma mère-veille ».
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