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Le mardi à Monoprix : une interprétation touchante, un texte fort à découvrir en Avignon

  • Écrit par : Delphine Caudal

theatrePar Delphine Caudal - Lagrandeparade.com/ Jean-Pierre, c’était le nom d’avant. Son nom d’après, c’est Marie-Pierre. Elle est coquette, porte des boucles d’oreille volumineuses, et se meut sur des talons noirs brillants, sans vaciller. Elle n’a pas les attributs d’une femme  mais l’aurait tant souhaité.

Elle se présente à nous, seule sur scène, dans un tissu représentant le corps féminin. Ses modestes compagnons de scène : une chaise et un miroir. Un miroir… pour se voir, s’accepter ?! A travers nos yeux, ou ceux des autres… ?
C’est avec une belle simplicité et un plaisant talent que Thierry de Pina interprète ce personnage complexe et intéressant, telle une invitation à diverses réflexions : le respect de l’autre, le regard d’autrui, les relations parents-enfants…

« Je suis une femme et j’accompagne mon père faire les courses à Monoprix. »

Marie-Pierre assiste son père, veuf, tous les mardis. Elle prend en charge les courses, le ménage, le repassage puis rentre chez elle par le train de 18h40. Un dévouement inébranlable, admirable, qui ne reçoit jamais la gratitude escomptée.

« Je n’existe pas, tu ne me vois pas. Je suis transparente c’est ça ?! »

Les yeux de son père trahissent sa honte et la non-acceptation de ce qu’elle est : une femme née dans le corps d’un homme. Le patriarche accepte d’être aidé, mais évite de se retrouver face à sa fille, fuyant son regard et réfute une quelconque responsabilité dans les choix de son enfant : « Ca, c’est la faute de ta mère ». Des critiques lui échappent très régulièrement, sans se soucier du mal qu’elles engendrent.

« Tu fais encore ta petite bonne femme. »

Mais Marie-Pierre est forte, elle continue de vivre comme elle le souhaite, affrontant les yeux moqueurs, pressés de la dévisager à la caisse de Monoprix. Elle décrit ces regards, lourds, sentencieux, dont elle peine à s’émanciper. C’est une torture, une douleur accentuée lorsque son père ne sait comment la présenter. La colère est bien présente, mais elle est habituée, résignée à se battre pour montrer ce qu’elle est : « fille en dedans ». Elle souffre, et de façon plus insidieuse, le père aussi. On se rend compte qu’il l’aime, mais à sa façon.

C’est un monologue net et efficace. Un texte et une mise en scène authentique, une véritable ode à la tolérance.
On salue le texte poignant d’Emmanuel Darley et la magnifique performance de Thierry De Pina, sincère et terriblement bon dans ce rôle ardu et poignant. Cela donne envie de suivre cet artiste engagé, empathique, et touchant. Le pari était risqué, mais le défi fut relevé avec succès. On recommande vivement !

Ci-dessous l'interview du comédien:

Dans "Le mardi à Monoprix" , pourquoi avoir choisi de travailler/endosser un rôle aussi torturé ?

Je ne dirai pas que c’est un personnage torturé mais que c’est la société qui la torture. J'admire beaucoup Marie-Pierre qui montre beaucoup de courage et de détermination à être ce qu’elle est au plus profond d’elle-même, et ce malgré les moqueries et l’incompréhension de sa famille. J’avais envie d’interpréter ce personnage pour ce courage et sa détermination.

Y a-t-il des thèmes abordés (changement de sexe, relation difficile avec un parent, non tolérance d'autrui, le souci du regard de l'autre) qui a/ont fait écho à votre parcours ? Si oui, en quoi cela vous a-t-il aidé dans votre travail de comédien? 

Être soi-même et s’affranchir du regard de l’autre est le travail de toute une vie. Moi-même ai dû faire un coming out qui s’est plus ou moins bien passé mais en m'affirmant je suis devenu plus fort et beaucoup plus tolérant. Ce travail sur moi-même je l’ai utilisé pour interpréter Marie-Pierre.

Quelle analyse faîtes-vous personnellement de l'état d'esprit de Marie Pierre ? Quel conseil auriez vous pu lui donner si vous étiez un très bon ami ? 

Marie-Pierre est une battante et si je l’avais rencontrée je lui aurais dit : "Tu es belle, tu es telle quelle et je t’aime comme tu es. Continue à être ce que tu es, quoi qu’on te dise.  Tu es une femme formidable et ne laisse jamais personne te faire croire le contraire . Je t’aime."

Le mardi à Monoprix
Texte d’Emmanuel Darley
Artiste : Thierry de Pina
Mise en scène avec le collectif : Ah le Zèbre !

Durée : 1h

Dates et lieux des représentations: 

-  Du 29 juin au 21 juillet (relâche le jeudi) à Le BA Café Théâtre - AVIGNON OFF 2024

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