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Théâtre : Rire avec Tchekhov

  • Écrit par : Christian Kazandjian

mariagePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Trois farces et deux nouvelles adaptées pour la scène où excelle le regard à la fois tendre et cruel du grand dramaturge russe.

De l’auteur de La Cerisaie, Platonov ou Oncle Vania on connait le goût du drame qui sous-tend les rapports sociaux et familiaux de la société finissante du XIXe siècle russe. Avec ses farces et courtes nouvelles, Tchekhov élargit la palette des sentiments des personnages, à travers un traitement confinant au burlesque. Dans Les méfaits du tabac, un conférencier se débat avec l’ombre tutélaire d’une épouse autoritaire et acariâtre et déballe en public sa pauvre existence. Une demande en mariage met aux prises un jeune prétendant à sa future femme et son père ; le ton monte, s’apaise pour remonter, comme dans L’Ours où les échanges peu amènes d’une belle veuve et son créancier tourne au duel verbal et un peu plus. Dans ces deux cas l’amour met fin à la querelle, mais le feu couve sous la braise entretenue par des caractères avares de concessions. Un Drame et La mort d’un fonctionnaire, nouvelles adaptées pour la scène, annoncent, dès le titre, la teneur du propos de l’auteur ; mais là également le comique affleure.

Illusions perdues

Anton Tchekhov, dans ses pièces les plus souvent jouées, brosse, à traits légers, la vie de petite bourgeoisie provinciale, les espoirs déçus, les illusions perdues empreintes de nostalgie, d’une forme de fatalisme qui caractériserait l’âme russe. La cruauté du propos laisse cependant filtrer une profonde humanité. Dans ses farces, les femmes notamment, laissent exploser un caractère trempé dans de fermes convictions, singulièrement féministe pour l’époque, qui les hisse à l’égale de leurs interlocuteurs. Quant aux deux courts drames, ils provoquent le rire, en dépit du final qu’un phrase sèche, brutale, parachève.

Espoir et amour

Pierre Pradinas, qui met en scène, dirige une équipe de neuf comédiens –certains passant d’une distribution à l’autre- qui s’en donnent à cœur joie avec une belle énergie. Le parti-pris d’une forme de théâtre de tréteaux, faisant fi du décor, donne toute priorité au texte, au jeu. Les quelques chaises, attributs de l’attente, appuient les désirs, refoulés des protagonistes : celui du conférencier rêvant toujours, après trois décennies de vie maritale, de liberté ; celui du fonctionnaire qui espère être, un jour, pardonné d’une maladresse vénielle envers un haut personnage de la société ; celui du créancier, au bord de la ruine, qui compte être payé ; l’espoir d’une jeune auteure de pièce d’être adoubée par un grand critique littéraire. On le voit, le propos reste d’une universelle actualité. Le spectacle peut être donné dans des lieux non adaptés, donc à portée d’un large public. En ouverture, les comédiens-techniciens effectuant les réglages de micros, de son, de lumière, de par leurs maladresses, leurs mimiques, amorcent la pompe du rire. Un spectacle populaire, revigorant.

Farces et nouvelles de Tchekhov
Mise en scène :  Pierre Pradinas
Avec Quentin Baillot, Louis Benmokhtar, Romain Bertrand, Aurélien Chaussade, Laure Descamps, Maloue Fourdrinier, Maud Gentien, Philippe Rebbot et Prune Ventura

Dates et lieux des représentations : 
- Jusqu’au 7 janvier 2024Lucernaire, Paris 6e (01.45.44.57.34.), module de trois pièces en alternance.


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