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Allosaurus : un petit bijou théâtral de tendresse et de poésie

  • Écrit par : Xavier Paquet

allosaurus Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Le téléphone pleure, les mots se meurent dans l’écouteur. Le gris froid de l’extérieur, la vétusté de l’espace, son néon blafard, son bottin chiffonné, le son lourd et métallique de ses touches, la voix lourde et grésillante qu’elle projette : elle fleure bon la nostalgie cette cabine téléphonique au centre du dispositif scénique.

Trois personnages s’y succèdent à tour de rôle, trois âmes en peine, trois solitaires à la recherche d’une vérité, la leur. Il y a Had, homme déguisé en femme, qui appelle tous les jours sa mère en maison de retraite tandis que son frère ne le fait jamais ; il y a Tadz, papa au look de rockeur défraîchi, qui cherche des nouvelles de sa fille disparue ; et puis Lou qui cherche juste quelqu’un à qui parler et raconter ses rêves.
Ils ne se connaissent pas, ne se parlent pas et se regardent à peine, ils n’interagissent pas et se battent uniquement pour l’accès à cette cabine, cet endroit isolé du monde où ils peuvent être eux. Malgré les reproches, Had continue d’appeler sa mère, parfois en se faisant passer pour son préféré de frère, pour gagner quelques moments de tendresse. Il l’aime à la folie mais ne lui dira que tardivement.
Malgré la dégaine, l’inquiétude grandit et Tadz appelle les amis de sa fille, la police, les hôpitaux, il cherche une solution pour la retrouver mais cherche aussi pourquoi elle en est arrivée à fuguer, ce qu’il a raté dans sa relation paternelle alors qu’il l’aime à la folie.
Malgré l’incompréhension de ses interlocuteurs, le regard plein de désespoir, Lou continue d’appeler au hasard jusqu’à tomber sur Suzanne qui l’écoute et la prend en affection. Elle va chercher éperdument à la rappeler, parce qu’elle est de nouveau capable d’aimer, de s’aimer.
Il n’y a pas de lien entre ces trois histoires pourtant un lien va se créer entre ces destins solitaires, entre ces âmes blessées : la cabine est leur espace refuge, là où ils s’expriment et s’apprivoisent, là où leurs fragilités s’expriment, où leurs failles personnelles s’ouvrent. Une mise à nu progressive de leurs vulnérabilités et de leurs sentiments.
« Allosaurus » est un petit bijou de tendresse et de poésie où la tension est permanente et l’émotion présente avec un texte d’une grande sobriété qui fait monter avec intelligence le crescendo des sentiments et révèle petit à petit la fragile confession de ces êtres blessés par la vie.
La scénographie est minimaliste, plaçant la cabine au centre d’une disposition public tri-frontale qui rend la pièce immersive et nous plonge au cœur du dispositif : les jeux de lumière apportent beaucoup de vie et créent une ambiance particulière à l’ensemble, tantôt inquiétante, tantôt émouvante, souvent tendre et poétique. Elle met en valeur le jeu des trois comédiens, parfaits dans leur singularité et leur authenticité avec une mention particulière à Yann de Monterno, qui apporte une sensibilité forte à Had et le renvoie, avec pudeur et candeur, à l’enfant ayant manqué d’amour maternel.
« Allosaurus » c’est une pièce où l’on prend le temps en écho au temps qui passe et à l’instantanéité de la modernité, la cabine téléphonique devient le lien où l’on se régénère, le lieu de contact et d’introspection, le lieu où l’on ressent encore plus le besoin d’aimer et d’être aimé.
Dans cette quête de sens, cette quête d’identité et cette quête de soi, il est bon de prendre le temps de cette pause poétique et émouvante et de l’apprécier à sa juste valeur.

ALLOSAURUS [MÊME RUE, MÊME CABINE]
Textes : Jean-Christophe Dollé
Distribution : Yann de Monterno, Clotilde Morgieve, Jean-Christophe Dollé et Noé́ Dollé
Scénographie et costumes : Marie Hervé
Lumières : Simon Demeslay
Son : Soizic Tietto
Musique : Jean-Christophe Dollé et Noé Doll

Dates et lieux des représentations:

- Du mardi 7 novembre au samedi 2 décembre à 20h30 au Théâtre-Studio ( 16 rue Marcelin Berthelot, 94142 ALFORTVILLE Cedex) 

 


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