Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Franck s’ennuie dans son bureau de professeur de littérature entouré de livres classiques, seules les bouteilles de whisky comblent son spleen et les soirées au pub rythment des journées routinières.

Jusqu’à l’arrivée d’une tornade nommée Rita, jeune femme qui vient prendre des cours particuliers et veut tout apprendre pour s’émanciper de son milieu populaire, de son salon de coiffure, et s’élever socialement par les connaissances qu’elle vient acquérir.
Elle est fascinée par son érudition, par sa culture et son aura, il est charmé par son innocence, son insouciance et son franc-parler. Tout les oppose et pourtant leur rencontre va changer le cours de leur histoire. Rita vient d’un milieu modeste où l’on assume son rôle de mère et de femme avant de penser à se cultiver et à s’émanciper, un milieu où il y a plus de bouteilles que de livres, un environnement où parler littérature est mal perçu.
Lui est désabusé, ne croit plus dans son talent de poète, n’est plus convaincu par son rôle professoral et il noie son insatisfaction dans l’alcool. Il ne perçoit qu’une jeune femme vulgaire, inculte et irrécupérable en une Rita, dispersée, brute et impertinente. Il refuse de la prendre en charge, elle persévère et progressivement l’alchimie se crée et la fascination change de camp au fur et à mesure des apprentissages de Rita et de son esprit critique qui se développe jusqu’à ce que Franck perde le contrôle tant Rita rentre dans les codes littéraires, en ayant perdu sa singularité et son esprit critique. L’élève aurait-elle dépassé le maître ?
Cette comédie tendre, dans la pure veine des comédies anglaises classiques, aborde avec humour et réflexion la question de la condition et de l’accès à la culture, l’influence du milieu social et d’une rencontre pour s’élever dans la société. Le texte est enlevé, très drôle et touchant en même temps, les échanges et dialogues sont vifs, ne manquent pas de piquant ni de cynisme sans oublier le fond.
La scénographie le met en lumière dans un huit clos avec pour seul décor le bureau de Franck, capharnaüm littéraire un peu défraichi, antre rustique de ce vieil ermite : les jeux de lumière en clair-obscur, les ombres et drapés apportent de la profondeur et nous font avancer dans l’espace-temps et l’évolution psychologique des personnages.
« L’éducation de Rita » est portée par deux très bons comédiens qui jouent avec naturel et complicité : une Rita spontanée, au franc parler mais aussi au caractère affirmé, très directe et cash dans ses propos ; un Franck plus nuancé, plus complexe et intérieur dans son mal-être.
Leur relation s’avère pleine de sincérité et de sensibilité, beaucoup d’humanité et de tendresse qui se jouent pour aborder avec justesse la question du savoir, de la connaissance et de sa transmission sans être enfermé dans des stéréotypes de pensée et en gardant sa personnalité et sa singularité.
Une comédie piquante, touchante et poétique qui ne tombe jamais dans le stéréotype ni dans l’humour facile pour faire vivre le destin de deux êtres que tout oppose mais qui, par l’union, avancent et se (re)découvrent eux-mêmes.

L'éducation de Rita
de : Willy Russell
Traduction : Catherine Marcangeli
Avec Maxime-Lior Windisch et Owen Doyle
Mise en scène : Owen Doyle avec Katie Haigh Mayet
Scénographie et costumes : Anaïs Alric
Créateur lumières : Antoine Mucciante
Son et musique : Tom McEvoy
Durée : 1h35

Dates et lieux des représentations: 
- Jusqu'au 5 novembre à -  Le Funambule Montmartre, 75018 Paris