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Le joueur d’échecs : Ultime confrontation

  • Écrit par : Christian Kazandjian

joueur d'echecsPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Le joueur d’échecs, ou le jeu comme métaphore d’un monde où s’opposent culture et barbarie.

Les nouvelles de Stefan Zweig, de par leur argument, leur concision, leur richesse de langage, se révèlent propices à l’adaptation théâtrale. Ainsi en va-t-il pour Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Amok et pour Le Joueur d’échecs. Ce dernier texte, édité après la mort de son auteur au Brésil en 1942, est adapté, ici, par Gilbert Ponté, pour un seul en scène dont il est coutumier. Zweig enfile l’habit du conteur pour nous rapporter une singulière aventure vécue par les protagonistes sur un paquebot cinglant vers Buenos Aires. Le narrateur est témoin de la confrontation, devant un échiquier de deux personnes que tout oppose. L’un, Mirko Czentovic, homme de la campagne profonde d’Europe centrale, champion du monde d’échecs, est une sorte de « crétin », aux qualités intellectuelles réduites, et à l’esprit exclusivement tourné vers le jeu : un monomaniaque hautain, âpre aux gains que lui procure son talent à dompter les problèmes qui se tissent sur les soixante-quatre cases de l’échiquier. Son adversaire, le docteur B., issu de la grande bourgeoisie viennoise, a tout appris des subtilités du jeu lors de sa réclusion imposée par la Gestapo, dans un isolement total, grâce à un manuel recensant cent-cinquante parties opposant les grands maîtres de l’époque. Gagné par une forme de folie développée durant sa captivité, le docteur B. sera finalement vaincu, lors d’une partie – la seule qu’il comptait faire - par son adversaire robotisé.

Refuge dans la folie

Stefan Zweig, qui a vécu la montée du nazisme chez lui, en Autriche, fuira son pays pour échapper à la vague d’antisémitisme qui y sévit alors. Le joueur d’échecs peut se lire comme une parabole de la lutte entre la démocratie, l’intelligence, la tolérance (il milita ardemment pour la paix durant l’entre-deux guerres mondiales) et la haine, le totalitarisme et la négation de la culture. La figure de Czentovic représente, pour l’auteur, la défaite de la pensée. L’avènement d’un monde en déliquescence, où la brutalité prime sur tout sentiment humain, conduit certains à se réfugier dans la folie. L’œuvre de Stefan Zweig, empreinte d’influences freudiennes, traduit l’amertume, l’angoisse pouvant conduire à une psychose chez certains individus. Ce malaise, ce mal-être ne l’épargnaient pas et le conduisit au suicide avec son épouse.

Gilbert Ponté, seul sur une scène dépourvue de décor, d’une diction parfaite, donne à écouter et entendre le texte de Zweig. Il opte pour la forme jonglerie chère au maître du genre, Dario Fo : costume noir, interprétation de chacun des personnages par une simple attitude du corps, une simple expression du visage : dépouillement et efficacité. Une interprétation épurée qui révèle la richesse, les nuances d’une écriture balançant entre dérision et horreur. Un texte recouvrant une brûlante actualité en ces temps troublés et dangereux.

Le Joueur d’échecs
De : Stefan Zweig
Interprétation et mise en scène : Gilbert Ponté

Dates et lieux des représentations:

- Jusqu’au 7 février 2024 - Théâtre Essaïon Paris 4e (01.42.78.46.42.), les lundi et mardi à 19h15.


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