La tempête : une mise en scène onirique superbe de Sandrine Anglade
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Une violente lumière aveuglante fend le noir de la salle, un vrombissement intense se fait entendre, un cri d’orage et de tonnerre déchire le silence. Un navire tangue et s’échoue, les matelots s’agitent en ombres chinoises, le stroboscope électrise cette image.
Prospéro, roi déchu de Milan et exilé par Antonio, son propre frère qui a usurpé sa place comme duc de Milan, vit sur une île déserte avec sa fille Miranda. Conféré de pouvoirs magiques et usant d’incantations tirées de ses livres, il ne cherche que vengeance et d’attirer sur son île ceux qui ont causé sa perte et peut compter dans sa démarche sur Ariel, esprit de la vie, et Caliban, symbole de la mort. Pour punir les traîtres, il les fait échouer sur son île pour leur faire vivre ensuite des épreuves initiatiques : les séparer par magie, attiser leur colère ou leur haine ou déraciner leur amour.
Ecrite comme un conte, la pièce convoque la musique, l’opéra, l’esthétique visuelle pour nous plonger dans cette fable et apporter poésie et féerie à l’ensemble.
Inventive et imaginative, la mise en scène fait vivre notre imaginaire par son univers fantastique et les codes qu’elle installe avec énergie et singularité : moderne, elle met en abyme l’intrigue et intègre du théâtre dans le théâtre pour une dimension plus immersive. Prospéro se meut petit à petit en narrateur et en metteur en scène et son rôle se transforme au fur et à mesure qu’il prend conscience des erreurs qu’il a commises par esprit de vengeance.
Le décor se construit et se déconstruit progressivement à l’image de ce personnage principal qui déconstruit son esprit démoniaque pour aller vers la rédemption et la tolérance. Les effets visuels sont magnifiques, la soufflerie et les installations figurent parfaitement les flots et les dérives de chacun, les lumières sont ciselées et léchées avec une recherche esthétique et moderne et la musique, tant par les instruments que par les chants, apporte cette touche d’esprit choral dynamisant les tableaux.
Le jeu est parfait avec beaucoup d’intensité, de rythme et de nuances ; chacun jouant plusieurs personnages ou faisant évoluer ceux-ci dans différents registres : l’esprit de troupe se ressent dans ce conte onirique où le texte a été épuré et réduit à sa part essentielle.
Entre rêve et réalité, La Tempête apporte de la fantaisie au classique, de l’humour à la dramaturgie, de la poésie à la philosophie du propos pour faire vivre la quête d’un homme vers sa liberté et la remise en question de sa nature profonde ; de bête blessée à homme aimant et compatissant. Il y a une forme de magie dans la créativité qui émane du plateau et dans ce temps suspendu où le théâtre revient à ses lettres de noblesse : nous faire rêver et vibrer.
La tempête
De William Shakespeare
Traduction/adaptation : Clément Camar-Mercier
Mise en scène : Sandrine Anglade, assistée de Marceau Deschamps-Segura
Avec Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede
Scénographie : Mathias Baudry
Lumières : Caty Olive
Costumes : Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum
Chef de chant : Nikola Takov
Création sonore/régie son : Théo Cardoso
Régie : Ugo Coppin et Rémi Remongin
Administration et production : Alain Rauline et Héloïse Jouary
Production : Compagnie Sandrine Anglade
Coréalisation : Théâtre du Chêne Noir
Dates et lieux des représentations:
- Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h au Théâtre du Chêne noir - FESTIVAL AVIGNON OFF 2023