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Le petit maître corrigé : un moment de théâtre fabuleux en compagnie de Marivaux et de la Comédie Française

  • Écrit par : Xavier Paquet

corrigéPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Si le petit-maître de la pièce se doit d’être corrigé, nous n’aurons rien à corriger dans cette pièce construite et menée de main de maître par la troupe de la Comédie française.

Pièce méconnue de Marivaux, « Le petit maître corrigé » reprend les deux thèmes les plus travaillés de l’auteur : l’amour, son universalité, la superficialité des sentiments, la recherche de l’amour vrai et la confrontation du monde des maîtres et de celui des valets.
Pourtant dans cette pièce, Frontin n’est pas en opposition avec Rosimond, ayant compris avant son maître ce qui se tramait dans l’attitude d’Hortense, promise de Rosimond mais qui ne veut pas subir un mariage arrangé. Frivole, Rosimond n’entend pas renoncer aux bonnes chères de l’infidélité, Hortense n’entend pas renoncer à un mariage d’amour et se refuse à n’être qu’un choix par convenance sociale. Aidée de sa suivante Marton, elle veut corriger Rosimond de son ingratitude jusqu’à ce qu’il révèle de vrais sentiments amoureux avant de l’épouser.

Ce très beau texte de Marivaux aborde en précurseur le féminisme et la volonté de la femme de jouir d’un amour sincère et véritable et de casser les codes de la relation superficielle pour profiter d’un mariage authentique. Cette quête du sentiment amoureux va entraîner chaque personnage dans un tourbillon d’émotions au point de faire fissurer ou craquer les masques sociaux très enclins dans le milieu aristocrate.

Symbole de cet ascenseur émotionnel, le décor fait d’une butte d’herbes folles qui représente tantôt un champ de blé, tantôt une dune de bord de mer. Chacun déambule sur le plateau, court, monte ou descend cette butte, chute, s’agrippe aux hautes herbes : les bourgeois des villes n’arrivant pas à dompter l’univers terreux bien connu des gens de la campagne.

La mise en scène est aussi enlevée et rythmée que le décor est léché avec un jeu de lumières jouant avec élégance les reflets amoureux et les tourments intérieurs. La scénographie s’agrémente d’un immense panneau bleu, écho au ciel qui monte au gré de la journée pour faire vivre l’espace-temps : tout reflète ici une peinture impressionniste afin de fixer la nature et le naturel humain.

Dans cette magnifique pièce, où l’ensemble de la troupe est au diapason de l’être et du paraître, Loïc Corbery incarne un Rosimond haut en couleurs et interprète avec puissance et subtilité le parcours de son personnage. Sa palette des émotions n’a d’égal que sa technique pour les sublimer. Tantôt ridicule et superficiel, tantôt sincère et faisant son mea culpa, il se nourrit de l’intensité de son personnage et de la fluidité des échanges avec ses partenaires.

Un beau moment de théâtre où l’on rit et  s’émerveille de ces tableaux créés avec subtilité et précision, de cette magie qui opère telle la lumière sur la toile du peintre, de cette critique du monde bourgeois et de la condition féminine.


Le petit maître corrigé - Marivaux

Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Scénographie : Éric Ruf
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumière : Bertrand Couderc
Musique originale : Pascal Sangla
Son : Jean-Luc Ristord
Maquillages et coiffures : David Carvalho Nunes
Collaboration artistique : Frédérique Plain
Assistanat à la scénographie : Dominique Schmitt

Crédit-photo : Vincent Pontet

Dates et lieux des représentations: 

- Du 19 juin au 25 juillet 2023 - Salle Richelieu - Comédie Française


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