Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Il est toujours périlleux de s’aventurer à adapter et réécrire une pièce du registre classique ; pourtant cette « Nuit des rois » revisitée offre un joli clin d’œil à Shakespeare en bousculant certains codes comme l’auteur aimait le faire.
C’est que la force dramaturgique du texte et de la langue shakesperienne se prête à réinventer l’esthétisme qu’on leur prête. Le parti-pris ici est simple : tirer au maximum le comique du texte originel, tirer la substance enlevée de la pièce en conservant les moments clés de l’intrigue et insuffler modernité et rythme pour une mise en scène plus dynamique.

L’histoire se concentre sur deux jumeaux dont on sait qu’ils se croient mutuellement morts après le naufrage d’un bateau : Viola, désespérée par la disparition de son frère Sébastien, se travestit en homme pour devenir Césario, serviteur du duc Orsino pour qui elle éprouve des sentiments. Ce même duc, amoureux de la comtesse Olivia, qui est,elle, plutôt séduite par Césario. Un triangle amoureux qui se tourne autour jusqu’à la réapparition de Sébastien.
La mise en scène trouve son originalité par l’installation d’une narratrice qui permet de dénouer quelques fils complexes de l’intrigue, d’apporter une dimension romanesque à certains passages mais aussi une pause dans le rythme effréné avec lequel les comédiens s’en donnent à cœur joie.
Car d’énergie il est en question, les scènes s’enchaînent de manière débridée au rythme des quiproquos, des situations absurdes et des passions amoureuses : il y a du baroque, il y a du loufoque, il y a de l’imagination pour nous transporter dans l’univers endiablé des six comédiens qui interprètent une quinzaine de personnages.
Et également de la musique, où quelques intermèdes live, apportent une pause de légèreté ou renforcent l’humour de la pièce. Comique par le texte, comique de situation, comique de répétition, comique de jeu : quand on sait que Shakespeare a écrit cette pièce pour être jouée pendant les fêtes de l’Epiphanie, il aurait aimé ce clin d’œil festif qui lui est renvoyé.
La mise en scène est dépouillée avec un plateau nu et noir agrémenté d’un lustre dont les lampes aux reflets orangés apportent profondeur, intimité et contraste. Elle permet de projeter un imaginaire où chacun trouvera la part de rêve, de féerie et de mystère qu’il voudra et où la part belle est donnée aux comédiens.
Déstabilisante pour les puristes et amateurs de théâtre classique, cette version modernisée et contemporaine de « La nuit des rois » donnera un bel écrin de fraîcheur et d’amusement à tous les autres qui y verront un divertissement agréable sans trahir le propos de Shakespeare. Le théâtre en quelque sorte, le théâtre que l’on aime !

La Nuit des Rois

D’après William Shakespeare
Mise en scène : Benoît Facerias
Assistante mise en scène : Nolwen Cosmao
Avec Pierre Boulben ou Melchïor Lebeaut, Benoît Facerias ou Maxime Bocquet, Céline Laugier ou Nolwen Cosmao, Ugo Pacitto ou Clément Paul Lhuaire, Arnaud Raboutet ou César Duminil, Joséphine Thoby ou Justine Morel
Scénographie : Marine Brosse
Lumière : Raphaël Pouyer
Costumes : Thomas Denis
Décors : Florian Guerbe
Production : Les lendemains d’hier
Coproduction : La Compagnie du Premier Homme
Partenaire : La Cinquième roue production

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au 27 août 2023 au Lucernaire - Paris