Beginning : les quadras et leurs casseroles pour trouver l'amour
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Présentée pour la première fois à Londres, en 2017, au National Theatre, Beginning est une pièce du dramaturge britannique David Eldridge, jouée à guichet fermé pendant plusieurs mois, avant de venir s'installer à Paris, en exclusivité au Studio Hébertot. Mise en scène par Gaspard Legendre, c'est la première traduction en français (aux Editions les Cygnes) de cet auteur dans la veine d'Harold Pinter 2.0.
Laura et Danny sont deux quadras qui se sont regardés toute une soirée organisée chez la première citée. Les autres invités sont partis, seul Danny est resté, malgré son embarras. Il a envie de la belle Laura, qui n'attend que ça, mais ne cesse de dire qu'il vaudrait mieux qu'il parte...
La conversation est d'abord légère : il est question de « Manu », leur ami commun, qui drague sur Facebook, puis de leur désir commun. Ce duo, gêné aux entournures, est d'abord amusant, car risible. On les sent plein de doutes, de peurs, surtout lui qui n'ose même pas la regarder en face, renverse sa bière, enfonce le bouchon de la bouteille de vin. Puis, peu à peu, leur dialogue, qui tourne beaucoup autour des « réseaux soucieux », montre qu'il ne s'agit pas de timidité. Chacun a ses casseroles.
Malgré l'insistance de Laura (Danny se retient), ils ne se sautent pas dessus, mais se racontent à demi-mots, puis finissent par en dire trop, car ça le bloque, lui, encore plus, et refroidit Laura. Chacun a ses attentes : elle gagne bien sa vie mais a surtout envie d'avoir un enfant, un mari, une famille... Lui est divorcé, il ne voit plus sa fille, Anabelle, depuis trois ans... Il vit chez sa mère, avec sa « mémé » et s'est senti trahi par son ex-femme. Et là on ne rigole plus.
Il y a de la tension sur le plateau. Caroline Aïn et Aurélien Mallard savent occuper les silences, par leur gestuelle, et exprimer leur maladresse avec des mots parfois vides de sens, prononcés trop vites, ou au mauvais moment, pour occuper l'espace d'un huis-clos, et le temps, avec des non-dits-mal-dits... David Eldridge a su capter cette génération GAFA qui ne sait plus « sex-primer » qu'en ligne... Qui n'osent plus affronter la vraie vie, en direct-live, et se posent beaucoup trop de questions, de peur de souffrir encore... Alors qu'ils souffrent déjà. De solitude, évidemment.
La langue de David Eldridge sait mettre en exergue les silences, les maladresses et les incompréhensions réciproques, ce qui donne une pièce sans cesse sur le fil du rasoir, entre malaise des corps et pulsion des envies. Ou comment deux adultes célibataires, qui se tournent autour, vont oser affronter l'inconnu du début. Or, comme chacun sait, il n'y a que les débuts qui sont intéressants... mais l'essentiel est de bien terminer. David Eldridge (44 ans) est un dramaturge, et scénariste, britannique né à Romford, dans le Grand Londres, au Royaume-Uni. Ses piéces ont été produites dans le West End et à Broadway. Il a écrit pour la scène, l'écran et la radio. Un auteur à suivre de prés.
Beginning
De David Eldridg
Mise en scène : Gaspard Legendre
Avec Caroline Aïn et Aurélien Mallard
Scénographie et création lumière : Benjamin Mornet
Costumes : Fanny Leclair
Dramaturgie : Estelle Baudou
Traductologie : Cécile Dudouyt
Dates et lieux des représentations:
Jusqu'au 29 décembre 2019 au Studio Hébertot (78 bis, blb des Batignoles – 75017 Paris. Tel : 01 42 93 13 04 / www.studiohebertot.com), les jeudis à 19 h, les vendredis et samedis à 21 h et les dimanches à 17 h.