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J’ouïe sons, j’ouïe sens : peut-on chanter vrai en chantant faux ?

  • Écrit par : Lapsus & Romulus

Arnaud TaeronPar Lapsus & Romulus - Lagrandeparade.fr/ Chanter faux, quand on est chanteur, c’est comme servir un plat trop salé quand on est cuistot. C’est pas bien, c’est pas beau, c’est pas bon. Voilà pourquoi il existe dans les cuisines des studios d’enregistrement de notre monde moderne, un truc qui s’appelle l’auto-tune. Tu n’en as peut-être jamais entendu parler, mais tu l’as sûrement entendu chanter. Surtout si tu aimes David Guetta qui est à l’auto-tune ce que Mac Do est au cholestérol, un infatigable promoteur. Alors, qu’est-ce que c’est que ce machin ? C’est un logiciel de correction de tonalité en temps réel qui permet au brailleur approximatif et à la chanteuse débraillée d’aligner les fausses notes, sans en payer l’addition. Mais en réglant l’audition.

 

Si les dissonances sont légères, la correction passe inaperçue, sinon, ça s’entend. La voix est synthétique, robotisée, siliconée, Bogdanoffisée, comme shootée à l’hélium par ce qui s’apparente à un Photoshop vocal. Dans la musique ultra compressée pour jeunes cons pressés, on en use, on en abuse même.  C’est devenu un style. Et ça plaît ! On lui doit des tubes énormes. On pourrait l’appeler « Loto Thunes », tellement il rapporte gros. Demandez à T-Pain, Kanye West, Snoop Dogg, Britney Spears, Alicia Keys, Christina Aguilera, Beyonce, Madonna, Cher, Booba... la liste est trop longue, le dernier ferme la porte. Tous ces gens « chantent » juste, mais juste pareil. Ils ont un uniforme dans le gosier. Alors que, tu en conviendras, ami lecteur capté par la flamboyante pertinence de ma démonstration, le travail d’un artiste, en principe, c’est de trouver sa propre voix, de faire entendre sa petite mélodie de manière singulière et sensible, en se gardant d’emprunter la même voie(x) que tout le monde. C’est exposer son âme et ses faiblesses en s’opposant à la tyrannie de la perfection (qui, je te le rappelle, n’est pas de ce monde ou alors, on ne m’a pas prévenu, et certainement pas servi).
Sinon, allez-y, ayatollahs du mainstream, esthètes de supermarché, gommez les cirrhoses de Renaud et de Miossec, faites disparaître les accents de Jane Birkin et de Francis Cabrel, recollez les oreilles d’Arthur H, rajoutez un bras à Jamel ou cinquante centimètres de jambes à Mimi Mathy. Voyez, ça n’a pas de sens !
« Mais ça a du son ! » rétorquent les fans de musique standardisée. Pauvres de vous, atrophiés du tympan ! L’argument Houellebecq vous cloue le bec : « La poésie commence où l’exactitude se perd ». Ça a du son, peut-être, mais pas d’émotion. C’est trop précis pour être précieux, trop net pour être honnête, trop ciblé pour être touchant, trop pratique pour être poétique. Bref, c’est pas humain.
Et pardon de faire mon Lucchini, mais Cocteau n’a-t-il pas dit  « Ce que l’on te reproche, cultive-le, c’est toi » ? Mieux vaut une voix qui trahit une émotion, qu’un logiciel qui trahit les émotions. Celle-là, elle est de moi. (Comment ça, tu t’en doutais ?)

Alors, ami(e) artiste, tu peux chanter faux juste ce qu’il faut, du moment que tu es sincère et vrai. En un mot, honnête. Car il vaut mieux avoir des problèmes avec la justesse, qu’avec la justice.

Prends soin de tes oreilles, je t’ai à l’œil !

Crédit- illustration: Arnaud Taeron
 
Cher sans chair, c’est pas faux mais c’est pas vrai (un max d’auto-tune) :

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Benjamin Biolay à fleur de peau : l’anti robot (un max d’émotions).

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