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Utopiales – 2018 : une anthologie de textes SF remarquable, par sa diversité et ses qualités

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

utopialesPar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com / Les Utopiales 2018 ont choisi comme fil conducteur le corps, le corps comme monde à parcourir, le sien, celui des autres ; un corps changeant, trompeur, révélateur, mensonge et vérité ; un corps qui se modifie, évolue, disparaît ; un corps physique ou virtuel, qui est nous, mais pas que… Les éditions ActuSf ont, comme chaque année, demandé aux auteur·es de cette anthologie d’explorer ce thème, chacun·e à sa manière. On vous parlera juste de quelques récits, pour vous donner envie de vous plonger dans ce beau recueil.

On commence par Anamnèse de la chair, d’Olivier Cotte, une courte pièce de théâtre mais assez vertigineuse réflexion sur la façon dont l’esprit peut (ou pas) survivre sans un corps physique…
Li Cam, avec Monde Incarnate, nous transporte sur Sitive, un havre de paix où affluent les pèlerins, à la recherche d’un paradis où vivre. Pour cela, ils doivent être acceptés par le Kalpa, une sorte de divinité incarnée dans un corps féminin. L’autre responsabilité du Kalpa, c’est de choisir celle qui portera sa prochaine incarnation. Li Cam traite avec beaucoup de pudeur, outre les angoisses des migrants, de la gestation pour autrui, et des sentiments de la mère porteuse, comme de celle/celui qui lui « impose Â» cette grossesse.
Encore un sujet aux implications très modernes avec Conatus, de Laurent Genefort, où des extraterrestres, les Entasis, peuvent faire pousser des bougeons à partir d’un être humain, afin que le cerveau de ce dernier puisse être réimplanté dans un corps plus jeune, ou en meilleure santé. Une partie des humains refuse ce procédé, d’autres renouvellent régulièrement leur enveloppe. Jesper est adepte de ces pratiques, Diorik, son jumeau, s’y oppose. La nouvelle pose la question de l’éthique et du choix entre principes et réalité lorsque celle-ci paraît les contredire, avec justesse et émotion.
Tout le talent et l’humour de John Scalzi sont présents dans Le cerveau du président a disparu ! La brusque disparition de le cervelle du président américain ne semble pas l’empêcher de vivre normalement… Faut-il y voir une allusion aux capacités intellectuelles d’un quelconque responsable étasunien ? À vous d’en décider, mais ne passez pas à côté de ce texte au rythme impeccable et à l’humour corrosif !
On ne présente plus la grande dame qu’est Ursula K. Le Guin, mais on se précipite sur ses nouvelles. La Première Pierre dénonce les violences faites aux minorités, le viol institutionnalisé, l’esclavage, avec une écriture ténue, une histoire originale, qui sait insuffler poésie et espoir à une situation terrible.
Ben H. Winters, avec Le Garçon du goûteur, propose le portrait féroce d’un homme tout-puissant qui règne sur le monde, et aux tendances psychopathes affirmées. Un seul élément lui manque : quelqu’un qui aurait le cran de s’opposer à lui. Mais quand on a décimé tous ses opposants, qui pourrait encore oser le défier ? Un personnage monstrueux, et très humain, qui montre que, quoi que l’on possède, une chose nous échappera toujours…
Le syndrome de Pan de Morgane Caussarieu rebondit sur l’histoire de Peter Pan, mais pour offrir un récit très sombre, parfois violent, qui interroge sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, qui donne à voir le contraste entre la petite fille plutôt privilégiée et les gosses perdus des rues, prêts à tout pour survivre. Tendresse et violence se côtoient dans un texte saisissant par moments, qui renouvelle un sujet somme toute très classique.
Ne passez pas à côté de Magie des renards de Kij Johnson, une nouvelle aux allures de conte traditionnel, dans une ambiance japonisante superbe. On se laisse porter par cette étrange histoire et la plume très travaillée de l’autrice.
Et voici une autre grande dame de la SF, Élisabeth Vonaburg qui propose, avec L’Amour au temps des chimères un récit où l’être humain a ruiné la planète. Une nature qui reprend ses droits, des humains au genre indéterminé, pour une histoire d’amour follement triste, et tendrement réelle.
Toujours dans un monde dévasté, ici par une épidémie accompagnée d’un dérèglement climatique qui provoque une pluie continuelle, Alex Evans met en scène dans La pluie deux femmes, deux survivantes qui tentent d’échapper aux bouffeurs et aux Purificateurs. Il s’attache à leurs réactions, évoque leur peur, celle de la violence, du viol, de devenir des bouffeurs à leur tour, ou de tomber entre les mains des Purificateurs, qui pratiquent le cannibalisme. Une nouvelle très sombre, ravagée par l’angoisse…
Une nouvelle fois, l’anthologie des Utopiales propose un panel de textes très variés, signés par de grands noms et d’autres moins connus, mais tous de belle facture.

Utopiales
Anthologie - collectif
Éditions : ActuSF
Parution : novembre 2018
Prix : 15 €

 


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