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Les Cicatrices de la nuit : Gaffe aux « tontons », dis-donc...ou la cuvée Quai des orfèvres 2020

  • Écrit par : Guillaume Chérel

les cicatrices Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Comme la plupart des journalistes, les flics ont dû déménager hors du centre de Paris (et du mythique 36, quai des Orfèvres) mais les traditions perdurent. La nouvelle cuvée prix du Quai des orfèvres 2020, comme le Beaujolais nouveau, se laisse lire, à défaut de se boire comme un vieux sky, 30 ans d'âge, à la Chandler (on y revient plus loin). Les cicatrices de la nuit, d'Alexandre Galien, est un polar efficace et surtout réaliste.

En effet, comme la plupart des lauréats, ces dernières années (ce Prix a été créé en 1946) l'auteur est un flic, ou ancien flic en disponibilité. C'est dire comme il connaît les arcanes et surtout le jargon du métier. Un « tonton » (informateur) est un surnom passé dans le vocabulaire commun, mais un « soum », faut savoir qu'il s'agit d'un sous-marin, véhicule chargé de surveiller des suspects, en planque dans la rue, et que dorénavant on parle du « Bastion » pour évoquer le Q.G de la crim', ou il est question de filles « julotées » (maquées).... C'est le principal intérêt - qui n'est pas des moindres - de ce roman policier écrit dans la droite file du genre. Alexandre Galien (alias Alex Laloue, en tant que co-auteur de deux autres polars, Comme des bleus (collection Sang Neuf) et A corps perdu, chez Plon également, écrits avec sa femme, Marie Talvat) sait de quoi il parle, et ça se sent, se voit. Il n'a pourtant qu'une trentaine d'années, mais on dirait déjà un vieux briscard, dans le métier de flic, comme d'auteur de polar...

Son (anti) héros, le commandant Philippe Valmy (la cinquantaine), se fait muter à la brigade criminelle, après vingt ans de "Mondaine" (le monde de la nuit), pour se rapprocher de sa (jeune) femme, Elodie, qui aimerait avoir un enfant. En s'éloignant des bars et des night-clubs, où il restait jusqu'à l'aube, il espérait sauver son mariage. Mais quand il découvre que la victime de sa première affaire de meurtre est une de ses anciennes « indics », il comprend qu'il va devoir replonger dans les eaux troubles du Paris nocturne. Les cicatrices de la nuit ne s'effacent pas, c'est bien connu... Né en 1989, Alexandre Galien fait partie de ces jeunes flics romantiques, utopistes, voire de gauche, qui ont été confrontés à la brutalité (psychologique) policière, quand ce n'est pas tout simplement de la bêtise. Rapports de pouvoir, bureaucratie, machisme, homophobie (il est question d'un coming-out dans le livre), etc... Il a décidé de se consacrer à l'écriture (il vient de signer chez Michel Lafon avec sa femme), comme bien d'autres avant lui, et il n'est pas sûr qu'il reprenne le métier de flic, puisque ça marche plutôt bien, dans l'édition. Il maîtrise son sujet (le fonctionnement de la police), répétons-le, mais pour ce qui est du style, de l'écriture, il va falloir qu'il se débarrasse des phrases toutes faites, lues et relues et déjà vues, comme « démarre en trombe », « il pleuvait des hallebardes », « mine patibulaire », « s'enfonce dans la nuit », etc... La liste exhaustive serait trop longue. C'est le travail de l'éditeur (Fayard ici) de revenir derrière, normalement, et de suggérer des propositions de réécriture partielle, mais de nos jours, du moment que ça se vend, la qualité littéraire passe au second plan. C'est dommage, parce que Alexandre Laloue a du talent, il est sensible, intelligent, progressiste, moderne, de son temps, tout en écoutant les anciens qui se méfient de Snapchat dans le travail, par exemple (en cas de panne ou de perte de smartphone, on fait quoi ?). Ses personnages principaux ont des failles mais surtout des valeurs. Même s'ils n'y croient plus, ils seront toujours là pour protéger et servir leurs concitoyens. Alors oui, suspense et noirceur garanties, mais si la qualité d'écriture pouvait suivre, ce serait le top. On est loin de Simenon, cher jury, composé de 22 policiers, magistrats et journalistes, relisez Hammet, Chandler, Crumley, Bunker, Manchette, Pouy, please... Pour Alexandre Laloue, euh... Galien, nous ne sommes pas inquiets, il n'en n'est qu'à son troisième livre et apprend vite (de ses aînés). Vivement son quatrième ! Ecrit avec madame, sans doute... Ce qui apporte beaucoup à la narration. Saluons le travail et la persévérance ! Ce garçon a tout pour lui.

Les Cicatrices de la nuit
Editions : Fayard
Auteur : Alexandre Galien
Prix du Quai des Orfèvres 2020
356 pages - parution : 6 novembre 2019
Prix : 8,90 €

Le blog de Guillaume Chérel

 


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