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La Vague : la surfeuse du roman noir

  • Écrit par : Guillaume Chérel

vaguePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ A rebours de la tendance actuelle du polar, qui va plutôt dans le sens de l'étalage de biscotto, à forts relents de testostérone (cf : les éditions Ring), Ingrid Astier amène un peu de fraicheur, et de la sensualité, à un genre (le roman noir) qui confirme une fois de plus qu'il offre toutes les libertés, que ce soit dans le choix des thématiques que du style. Explications : Ingrid Astier écrit comme elle cuisine. Depuis son premier roman, "Quai des enfers", en 2011, qui lui a valu de devenir marraine de la Brigade fluviale de Paris, elle ne cesse de changer de sujets et de manières d'écrire. Avec "Angle mort" (2103, Série Noire), elle nous emmenait dans un western urbain entre Barcelone et Aubervilliers ; dans "Haute-voltige" (Série Noire, 2017), il était question d'un « yougo » qui s'attaquait à un riche saoudien. Entre temps, "Petit éloge de la nuit" a été adapté au théâtre. On annonce déjà un nouvel opus à la mythique Série Noire...

Mais quand dort-elle ? Car Ingrid Astier a, semble-t-il, pris le temps de faire le grand saut jusqu'à Tahiti, pour écrire "La vague", où il est question de la culture locale, très portée sur la mer. Vous l'aurez compris, cette agrégée de lettres - qui fut aussi cuisinière -, est une bosseuse. Avant d'écrire un roman, elle s'immerge, enquête, se renseigne. La moindre des choses, me direz-vous. Mais c'est suffisamment rare, en France, pour le noter. Ainsi, avec "La Vague" elle réussit presque à rivaliser avec "Jours Barbares", de William Finnegan (Prix Pulitzer 2016), pour évoquer le petit monde très codifié des connaisseurs du surf. Une véritable secte.

Oubliez la carte postale sur Tahiti. Derrière la Vague, c'est l'enfer vert, sur fond de ciel bleu. Oubliez Miss France et les Vahinés. Tahiti c'est devenu 70 % d'obésité. Oubliez Gauguin et pensez plutôt à l'enfer vécu par les enfants de Marlon Brando... Sur la presqu'île de Tahiti, tout parait possible. Certains viennent chercher le repos et le dépaysement, ou au contraire l'aventure, pour les plus téméraires : elle porte le nom de Teahupo'o, la plus belle et grosse vague du monde, alias le « mur de crânes » ; voire le « Furoncle », ou la « crotte du bout du monde ». Aussi dangereuse, si ce n'est plus, que le spot de Jaws, à Hawai. La mâchoire... Le royaume de Laird Hamilton, entre autres. L'anti- Kelly Slater, le compétiteur sur petites vagues nerveuses.

Le dénommé Hiro est un surfeur légendaire de « La » Vague. Son ami est Lascar : il pilote le jetski qui le tracte pour affronter le fameux mur d'eau. Arrive Taj, un Hawaïen sous « ice » (drogue), qui pense que tout lui appartient, mais il sait surfer. Le duel, façon western again, sera terrible. Il y a toute une galerie de personnages : la sœur de Hiro, Moea qui retrouve leur vallée luxuriante après 7 ans d'absence, et « Birdy », un ancien champion, brisé par le récif. Mais le personnage le plus attachant est sans doute Reva (prénom prédestiné), née fille avec un sexe d'homme... qui ne survit qu'en écrivant son journal intime, loin de la Vague, loin de la mer, loin des autres. Il est question de trafic de drogue, de sexe, de violence, de bête virilité et de mort. Il est aussi question du manque d'amour et de sensualité, de douceur et de féminité. Bienvenue dans le monde subtil d'une écrivaine qui prend le temps de peaufiner ses dédicaces, à coups de tampons et de peinture aux couleurs pastel. Laissez-vous tracter sur la vague sensuelle d'Ingrid Astier. Prenez la Vague et partez en voyage au pays du « diable en robe d'écume ».

La Vague
Editions: Equinox / les Arènes
Auteure : Ingrid Astier
398 pages
Prix : 20 €


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