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L’Homme sensible : Eric Paradisi entre art paléolithique et « love doll »

  • Écrit par : Serge Bressan

l'homme sensiblePar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Soit un homme professeur à l’université de Toulouse. Il s’appelle Vincent Leenhardt, il est « addict » à la beauté et enseigne la paléontologie. Chercheur, c’est un aventurier de l’art pariétal- « une sorte d’Indiana Jones, un familier des grottes », précise Eric Paradisi qui signe, avec « L’Homme sensible », son sixième roman.

Scénariste, il est arrivé dans le monde de la littérature en 2005 avec « La Peau des autres » et s’est fait remarquer surtout pour « Un baiser sous X » (2010) et « Blond cendré » (2014). Evoquant son personnage, il dit aussi : « Le trésor qu’il traque se cache dans les œuvres que nous a léguées Homo Sapiens. Il faut savoir que sur près de 40% des peintures, que ce soit en France ou à l’étranger, l’artiste du paléolithique n’a pas seulement dessiné quatre pattes à un animal mais huit pattes. Il a donc graphiquement décomposé la course de l’animal. Il a reproduit obstinément cette course et toutes les recherches de Vincent visent à démontrer qu’Homo Sapiens serait à l’origine du cinéma… » Donc, si cette thèse est avérée, ce serait une véritable révolution culturelle…

Mais il ne faudrait pas croire que « L’Homme sensible » est seulement, et uniquement, un roman sur l’art pariétal. Bien sûr, au fil des pages, on suit ce Vincent qui va tout mettre en œuvre pour relever le défi, démontrer par A+B que sa thèse n’est pas foutaise ou encore élucubration de scientifique hurluberlu… « Les yeux rivés sur la route, Vincent pensait au bison de la grotte Chauvet peint sur la paroi. L’animal galopait de tout son souffle, fuyant les prédateurs », écrit le romancier qui, un peu plus loin, précise : « Vincent avait repris ses recherches grâce à Olympia, une femme providentielle qu’il acceptait telle qu’elle était. Pourtant, lui seul parsemait leur quotidien de billets doux. Lui seul entendait les mots d’amour d’Olympia »… Un temps, un moment, le mystère plane sur cette Olympia…
Avec « L’Homme sensible », Eric Paradisi déroule un beau roman qu’on aurait pu titrer « Vie privée, vie publique ». Doté d’une grande sensibilité dans sa quête pour prouver l’invention du cinéma par Homo Sapiens, il est aussi un homme sensible dès qu’il ferme les portes de son domicile. Il mène, côté privé, une vie que l’entourage qualifie de « normale ». Mais voilà, spécialiste de l’art pariétal, professeur respecté tant par ses étudiants que par ses confrères, Vincent cache un secret. « Il vit une grande histoire d’amour qui s’appelle Olympia », confie Eric Paradisi. Cette femme ressemble étonnamment à l’« Olympia » du peintre Edouard Manet, mais en fait, elle n’est pas vraiment une femme. Elle est une « love doll », une de ces poupées sexuelles à la peau de silicone envoyées par la Chine et dont on peut louer les services dans le premier bordel du genre en Belgique, quelque part le long de la N13…
Vincent, lui qu’on surnomme « l’ogre » en référence à son physique pour le moins disgracieux, n’a longtemps fréquenté que des prostituées, toutes toujours furieusement belles. « Paradoxalement, je le voyais vivre avec une femme immobile qu’il animerait par la folie douce de son génie obsessionnel. Le déclic se produit au musée d’Orsay : il tombe un jour en arrête devant « Olympia », la très célèbre œuvre d’Edouard Manet, commente l’auteur. Il entend une voix : « Je m’appelle Olympia et je n’attends que toi ». C’est le coup de foudre : pour Vincent, c’est une femme non organique, la représentante d’un nouveau genre bien plus humaine que notre lointaine ancêtre Lucy, la femme du 21ème siècle. Il l’aime tellement qu’il accroche chez lui une photo de l’œuvre avec la légende « Homo arte factus » (« Fait par l’art de l’homme »). Vingt ans plus tard, il a trouvé son Olympia et vit avec elle, c’est une « love doll » en silicone… »
Pour Vincent, le professeur en paléontologie, cette « love doll » est la représentante d’un nouveau genre, autrement plus humaine que notre ancêtre commune Lucy. Surgit alors la grande question : pourquoi, obsédé par le mouvement et son étude, cet homme aime-t-il si follement cette « femme » immobile ? Le grand Feodor Dostoïevski assurait, au 19ème siècle, que « la beauté sauvera le monde ». Vincent Leenhardt en est convaincu… Et, avec « L’Homme sensible », Eric Paradisi a relevé avec succès le défi d’un roman terriblement ambitieux. Un grand roman sur le mouvement et l’immobilité, le beau et le laid, le réel et le fabriqué…

L’Homme sensible
Auteur : Eric Paradisi
Editions : Anne Carrière
Parution : 9 mars 2018
Prix : 16 €


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