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Une vie dans les mots : tout sur Paul Auster

  • Écrit par : Serge Bressan

austerPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / En ouverture de préface, une citation extraite de « Léviathan », paru en 1993 : « Personne ne peut dire d’où vient un livre et encore moins celui qui l’a écrit. Les livres naissent de l’ignorance, et s’ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n’est que dans la mesure où on ne peut les comprendre ».

Des mots écrits par Paul Auster, né le 3 février 1947 à Newark, New Jersey- Américain, il a été poète, essayiste et traducteur avant de devenir, à plein temps, écrivain, scénariste et réalisateur. A ce jour, il a écrit dix-sept romans et cinq récits autobiographiques. En ce début 2020, on le retrouve avec un nouveau texte, « Une vie dans les mots », près de 350 pages d’entretiens qu’il a échangés entre 2011 et 2013 avec la Danoise Inge Birgitte Siegumfeldt, fondatrice du Centre d’études sur Paul Auster à l’université de Copenhague où elle enseigne. Elle ne manque de rappeler que « Paul Auster est l’un des écrivains contemporains les plus lus. Il s’est fait connaître pour la première fois sur la scène littéraire dans les années 1970 comme poète… »

Jusqu’alors, si l’on en croit I.B. Siegumfeldt, plus de quarante ouvrages de référence ont été consacrés à l’œuvre de l’écrivain américain. Des textes auxquels il n’a jamais collaboré, ni même donné son accord… Et lorsque l’universitaire danoise lui a proposé un livre sous forme d’entretiens, il a longuement hésité. Puis accepté- encore Siegumfeldt : « Chaque livre de Paul Auster est un voyage sur un chemin qui est inconnu de l’auteur lui-même- et l’est aussi du lecteur. « La musique de chaque livre est différente de celle de tous les autres », déclare-t-il » et aussi : « Paul Auster avait quelques réserves sur notre projet. Il était hésitant à participer à un décryptage intellectuel de textes qui « sortent de l’inconscient et n’ont pas grand-chose à voir avec des pensées « traditionnelles » (…) Il n’avait pas non plus envie de se répéter » et convaincu qu’« un écrivain ne peut pas analyser son propre travail »…
Donc, pour « Une vie dans les mots », I.B. Siegumfeldt n’a pas voulu d’un entretien au long cours. Elle a proposé à Auster deux parties : d’abord, les récits autobiographiques ; ensuite, la fiction. Et chaque livre évoqué selon l’ordre chronologique de parution. Ainsi, après une préface et un court prologue (quatre pages), on commence en questions- réponses par « L’Invention de la solitude » (1988). Suivent « Le Diable par la queue » (1996), « Le Carnet rouge » (1993), « Chronique d’hiver » (2013) et Excursions dans la zone intérieure (2014) puis on l’on glisse, en deuxième partie, aux romans, de la « Trilogie new yorkaise » (1987-1988) à « Sunset Park » (2011), en passant par « Moon Palace » (1990), « La Musique du hasard » (1991), « Léviathan » (1993), « Le Livre des illusions » (2002), « Brooklyn Follies » (2005)ou encore « Seul dans la nuit » (2009). Au fil des pages, que ce soit tant pour les récits autobiographiques que la fiction, on retrouve les thèmes qui nourrissent l’œuvre de Paul Auster : le langage et le corps, le monde et le mot, les espaces blancs, l’ambiguïté, la démission, l’enfermement, les objets abandonnés, le point de vue narratif, les paires masculines, l’Amérique ou encore l’expérience juive, sans oublier le cinéma, la politique, le baseball, la ville, la marche, le silence, la mémoire, les personnages féminins...
Aux questions (parfois exagérément flatteuses, voire obséquieuses) d’I.B. Siegumfeldt, Paul Auster opte pour l’humilité et la modestie. S’agace quand des critiques mettent en doute son honnêteté pour ses récits autobiographiques, le soupçonnent de tout inventer, et quand d’autres lui glissent qu’il a « fabriqué » de toutes pièces l’œuvre signée par son épouse, Siri Hustvedt, romancière et spécialiste des neurosciences- alors, il fait une mise au point en précisant qu’avant de la connaitre, il ignorait quasiment tout de Jacques Lacan et de la psychanalyse… Humble et modeste, toujours en quête de l’excellence qu’il sait si difficile à atteindre, ou même à approcher, dans « Une vie dans les mots » Paul Auster se livre à toutes les pages. Voilà un livre passionnant où le lecteur trouve tout sur Paul Auster. Un livre de l’intime, du mystère de l’écriture. Ce mystère qui « ne s’applique pas seulement à l’écriture mais à n’importe quelle entreprise humaine. Vous avancez à tâtons vers quelque chose. Les scientifiques aussi- ils « errent dans le désert » cherchant une solution à un problème scientifique. Cela ne veut pas dire qu’ils vont trouver. Il faut se perdre un peu parfois »… Oui, perdons-nous avec Paul Auster pour une vie dans les mots !

Une vie dans les mots
Auteur : Paul Auster (conversations avec I.B. Siegumfeldt)
Traduit par Céline Curiol
Editions : Actes Sud
Parution : 8 janvier 2020
Prix : 23,80 €

[bt_quote style="default" width="0"]Je ne crois pas qu’il soit possible de saisir entièrement l’essence de quelqu’un. Vous pouvez essayer mais (…) il est impossible de résoudre le mystère d’un être humain. Dans un sens toute écriture est un échec. Vous connaissez cette phrase de Becket- pour le citer une fois de plus : « Echouez encore, échouez mieux ». Echouons mieux, oui, c’est exactement ce qu’il fait faire. Il faut continuer- et essayer « d’écrire mieux ». (…) Vous ne pouvez jamais atteindre ce que vous avez souhaité. Vous pouvez vous en approcher très près parfois et d’autres personnes apprécieront votre travail, mais vous, l’auteur, éprouverez toujours un sentiment d’échec. Vous savez que vous avez fait de votre mieux, mais votre mieux ne suffit pas. Peut-être est-ce pour cela que l’on continue à écrire. Afin de pouvoir échouer un peu mieux la fois suivante.[/bt_quote]


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