« L’avenir de la planète commence dans notre assiette » de Jonathan Safran Foer : essai sur le réchauffement climatique
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / On le surnomme « le surdoué des lettres américaines ». A 42 ans, Jonathan Safran Foer a déjà signé, entre autres, trois textes importants- deux romans : « Tout est illuminé » (2003) et « Extrêmement fort et incroyablement près » (2006), et un essai : « Faut-il manger les animaux ? » (2011). En cet automne, on le retrouve avec un nouvel essai qui, immanquablement, fait débat- et pas seulement pour son titre à rallonge : « L’avenir de la planète commence dans notre assiette ». C’est le livre écolo de cette fin d’année- le texte à lire, qu’on soit pour ou contre. De passage promo à Paris, l’auteur a laissé fuser quelques formules définitives : « Il faut arrêter le consumérisme à tout-va », « On doit inscrire en nous qu’on ne vole pas la planète » ou encore « On n’a pas besoin que tout le monde soit vegan, mais que les gens mangent beaucoup moins de viande »… Safran Foer, c’est l’écrivain qui veut sauver la planète, assurent quelques mesquins, petit sourire en coin, qui le soupçonnent de vouloir surfer sur ce qu’ils tiennent comme une tendance et non pas comme une évidence face au danger qu’est le réchauffement climatique.
Parce qu’avec « L’avenir de la planète… », Jonathan Safran Foer élargit son domaine de lutte. Attention ! il n’a rien qu’un écolo intégriste et jusqu’au-boutiste, il se veut plutôt comme un lanceur d’alerte, et après le succès mondial de son précédent essai, Faut-il manger des animaux ?, il explique : « Des millions de gens vont mourir à cause du réchauffement climatique. Des centaines de millions de gens vont devenir des réfugiés climatiques. Ces chiffres comptent, parce que ce ne sont pas seulement des chiffres- il s’agit d’individus, avec chacun une famille, des habitudes, des phobies, des allergies, des aliments préférés, des rêves récurrents… » Oui, Safran Foer revient à la charge. Oui, assure-t-il, l’élevage intensif des animaux est la cause du dérèglement climatique. Oui, la planète court à sa fin pour une raison : nous mangeons trop de viande. Lui, Safran Foer le premier, admet l’écrivain. Et de suggérer d’être vegan au petit déjeuner et au déjeuner, et ne manger de la viande qu’au dîner… Dite ainsi, voilà une affirmation qui peut prêter au sourire, à la moquerie.
Mais Jonathan Safran Foer est catégorique : 1/ la fiction n’est pas la bonne formule pour pointer le danger, pour alerter sur la catastrophe annoncée, 2/ pour son essai, il ne s’est pas contenté de son expérience de vie quotidienne et personnelle, il s’appuie sur des textes et des revues scientifiques parmi les plus pointus, parmi les plus pertinentes. Ainsi, avec « L’avenir de la planète… », il déroule sa démonstration et son alerte en cinq chapitres : « Incroyable », « Comment prévenir l’extinction », « Rien qu’une maison », « Discussion avec l’âme » et « Vivre encore ». Et au fil des pages, d’une écriture convaincante, toute en empathie avec une pointe d’humour, il décrypte tous ces défis auxquels est confrontée la planète- et par conséquent, ceux qui l’habitent, donc chacun d’entre nous. Oui, l’heure est grave même si les climato-sceptiques font résonner leur musiquette de la désinformation. Oui, Jonathan Safran Foer ne se prend pas pour le Zorro qui va sauver, d’un coup d’épée, la Terre. N’empêche ! il veut aussi garder une once d’optimisme et croire qu’on peut encore inverser la tendance ou, au moins, la ralentir dès à présent- il suffirait simplement, assure-t-il, de prendre conscience que l’avenir de la planète commence dans notre assiette. Et de glisser, dans les premières pages du livre, qu’« il est difficile d’imaginer un artefact de civilisation plus éphémère qu’un souffle. Mais il est impossible d’en concevoir un plus durable ». Retenons bien les mots de Jonathan Safran Foer…
L’avenir de la planète commence dans notre assiette
Auteur : Jonathan Safran Foer
Traduit par Marc Ambreville
Editions : L’Olivier
Parution : 17 octobre 2019
Prix : 22 €
[bt_quote style="default" width="0"] En plus de ne pas constituer une histoire facile à raconter, la crise planétaire s’est révélée ne pas être une « bonne histoire ». Non seulement elle ne nous convainc pas, mais elle ne nous intéresse même pas. Captiver et transformer sont les ambitions fondamentales du militantisme et de l’art, c’est pourquoi le dérèglement climatique connaît si peu de succès dans ces deux domaines. De façon révélatrice, le sort de notre planète occupe une place moins important encore dans la littérature que dans le débat culturel au sens large, même si la majeure partie des écrivains se considèrent particulièrement sensibles au fait que les réalités de notre monde sont sous-représentées.[/bt_quote]