Dans mes pas : Jean-Louis Etienne et son éloge de la marche
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Voici un texte délicieux. Avec un joli titre qui incite à l’invite : « Dans mes pas », l’explorateur et médecin Jean-Louis Etienne raconte « la vitrine de l’audace », autrement dit, la marche. Qui, rappelle-t-il, est la vie… Il fut surnommé le « marcheur du pôle ». Sa vie pourrait être résumé en une formule certes usée mais toujours efficace : l’aventure, c’est l’aventure. A 71 ans, Jean-Louis Etienne n’est pas homme à se retourner sur son passé. Il pétille de projets- celui du moment, c’est Polar Pod, une station spatiale océanique qui dérivera dans le courant circumpolaire de l’Antarctique entre 50° et 55° sud, 125 mètres de haut dont les deux tiers sont immergés, surmontée d’une nacelle où se relaieront quatre scientifiques et trois marins qui vont étudier in situ les impacts du climat sur le principal puits de carbone de la planète. « C’est une vitrine de l’audace », dit encore Jean-Louis Etienne, né dans le Tarn dans le village de Vielmur-sur-Agout et qui aime dire : « Je suis un fils de Jules Verne ». C’est lui aussi qu’on retrouve en librairies avec « Dans mes pas », un livre entre souvenirs, méthode et art de vivre.
Homme tant de réflexion d’action, explorateur et médecin, il confie : « Toute ma vie, j’ai marché. En ville, à la campagne ou dans mes expéditions. Je mesure aujourd’hui ce que la marche m’a apporté sur tous les plans, physique, mental, affectif. J’ai toujours en mémoire les émotions que la marche, à la juste mesure du temps, avive ». Avec la complicité d’Isabelle Marrier, il nous invite à nous mettre dans ses pas- encore : « De mes souvenirs d’enfance, mes expériences du grand dehors, ma lecture de médecin, je vous livre le récit des pas qui comptent dans cette forme de vade-mecum du marcheur ». Dans mes pas, c’est aussi le livre qui explique, en mots souvent emplis de poésie entre immensité glacée et chaleur humaine, comment la marche, ce temps avec soi qui structure l’esprit, a permis à Jean-Louis Etienne de s’affirmer tout au long de sa vie et a fait de lui un homme libre. Dans un beau prologue, l’auteur dresse un « inventaire des pas qui comptent », et quand il se lance, il raconte que « tout au long de ma vie, je m’en suis allé » : « Parfois, je fuis un malaise diffus un sentiment flou et prégnant de m’être égaré dans un monde qui n’est pas le mien. Plutôt que d’étouffer, je pars. La décision s’impose à moi. La fugue n’est pour moi ni un voyage, ni une promenade, ni une errance, encore moins une fuite irresponsable. Elle relève d’un ressaisissement. S’accorder à son souffle en empruntant un chemin de traverse simplifie tout ».
Suivent des chapitres (assez courts, qu’on aborde sur un bon rythme) dans lesquels Jean-Louis Etienne évoque « les premiers pas de l’homme moderne », « l’homme debout », « la magie des cartes » ou encore « la joie partagée du chemin ». Seul ou à plusieurs, quand on se glisse dans les pas de Jean-Louis Etienne, la marche devient un art de vivre. Une activité physique aux bienfaits incommensurables. Oui, tous en marche- et qu’importe si c’est une fugue enfantine, une marche exploratrice, une flânerie solitaire, une randonnée en groupe (pour le plaisir ou pour la revendication !)… Pour le médecin et l’explorateur qu’est Jean-Louis Etienne, la marche, c’est « parcourir, découvrir, penser, arpenter, manifester, errer ». C’est être libre… et c’est aussi, sur le plan physique, « utiliser ses pieds, ses jambes, son intestin, son cervelet », bref, le corps en son entier ! Marcher, dit encore Etienne, c’est « être en vie, en même temps, tout le temps ». Et en fin du livre, on tombe en arrêt sur un chapitre au titre aussi étrange qu’en chanteur : « la marche mystérieuse des langoustes ». Aux Antilles, c’est l’arrivée de la saison des cyclones. Et l’auteur, de raconter un spectacle étrange : « Oubliant leur prudence, leur lenteur et leurs mœurs érémitiques, les langoustes sortent de toutes parts, dévalant les pentes sous-marines vers les eaux plus profondes pour se retrouver sur des fonds vides et sablonneux (…) Quand les langoustes ont formé une troupe, elles se mettent en marche. Elles s’alignent, s’imbriquent les unes derrières les autres, chacune gardant un contact du bout de ses antennes avec celle qui la précède »… Marcher, coûte que coûte !
Dans mes pas
Auteur : Jean-Louis Etienne (avec la collaboration d’Isabelle Marrier)
Editions : Paulsen
Parution : 19 octobre 2017
Prix : 19,90 €