Menu

Après les ruines : "Le réel n'est pour nous pas une vérité, ni une revendication, mais un chemin commun sur lequel nous proposons aux spectateurs de vagabonder à nos côtés."

  • Écrit par : Julie Cadilhac

ruinesPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ "Vous avez déjà pensé devoir partir de chez vous? Pour aller où? Quelles seraient nos réactions face à l'exil?".... Après les ruines pourrait être désignée comme du théâtre documentaire mais cette pièce est bien plus que cela. Elle mêle la fiction aux fragments documentaires, la musique live et à l'œuvre plastique et convient des artistes d’Allemagne, du Luxembourg et de France à nous confier "ce que l’exil des autres a fait résonner en eux".

Amandine Truffy et Bertrand Sinapi ( le binôme de direction de ce projet) ont accepté de répondre à nos questions : 

Comment est né ce projet « entre les ruines »? Vous citez Alexandre Soljenitsyne. Dans cette pièce, ses mots sont-ils parfois convoqués? Ou juste sa pensée?

Les mots de Soljenitsyne ne sont pas présents dans notre spectacle mais sa pensée, sa volonté de donner la parole à ceux qui n'ont pas survécu a été au centre de nos préoccupations dans l'écriture de cette création. Etre des témoins, des passeurs. Nous souhaitons toujours participer au débat de notre société et être au coeur de ses problématiques sociétales. 

Le mot « théâtre documentaire », ça rime souvent avec présences de témoignages ( vidéos ou bien vivantes sur le plateau ) et cela effraie parfois les spectateurs qui s'inquiètent d'être face à un objet douloureux, pesant, très engagé ....commrnt pourriez- vous les rassurer?

Nous préférons parler de théâtre documenté. Un théâtre qui puise son écriture dans une recherche et une documentation rigoureuse mais qui sait s'en abstraire pour construire ses fictions, sa poétique. Nous souhaitons faire un théâtre qui ne se soustrait pas à la société dans laquelle il existe, un théâtre qui s'aventure hors de son propre milieu et se réinvente à la croisée de la littérature, de la fiction, du réel et du document. Les récits que nous présentons sur scène sont bien des alternatives au réel, des visions poétiques, partiellement fictionnées, au moyen desquelles nous repensons les grandes questions de notre époque.

En proposant des fragments de récits, constamment mis en critique, nous nous démarquons d'une certaine forme de théâtre documentaire qui consisterait à rendre compte d'une réalité via la collecte de matières, aussi rigoureuse, documentée et généreuse soit-elle.

Le réel n'est pour nous pas une vérité, ni une revendication, mais un chemin commun sur lequel nous proposons aux spectateurs de vagabonder à nos côtés.

Après

 Quand on va à la rencontre des gens pour leur demander de parler de leur expérience, j'imagine que l'on a de nombreuses anecdotes à raconter, vous en avez une à nous offrir?

Quand nous avons travaillé avec les Syriens qui arrivaient sur notre territoire, à Metz, nous avons en effet collecté beaucoup d'histoires. Parmi celles-ci, une « blague » est régulièrement revenue. Une Syrienne nous a expliqué qu'elle avait grandi en Palestine, pays qu'elle avait dû fuir à cause de la guerre pour se réfugier en Syrie, pays qu'elle voyait comme un endroit très stable, malgré la dictature. Et puis la guerre s'est déclenchée en Syrie et elle est venue se réfugier en France. Après nous avoir raconté ça, elle faisait un petit soupir amusé et adressé aux français présents : « Du coup, je me demande où j'irai quand il y aura la guerre en France. » Et elle part d'un grand éclat de rire, devant la mine toute décomposée des français.

Qu'est-ce qui fait la force de votre spectacle selon vous?

Nous menons nos recherches en amont du plateau, sur des temps longs, de plusieurs années. Cette démarche valide ou invalide nos intuitions, renouvelle nos approches et empêche les visions binaires d'un sujet approché de loin. C'est là que nous entrons dans une matière du réel que nous pouvons capter (enregistrements sonores et/ou vidéo) pour avoir la possibilité de la convoquer ensuite au plateau. Cela permet aux auteurs, que nous sommes, de voir leur travail se tordre, s'altérer et se façonner au contact des « vrais acteurs » de nos récits, de ne pas perdre le contact avec la réalité de nos sujets, de poétiser le réel, de chercher le dialogue plus que la vérité et d'ouvrir le champ du théâtre au monde lui-même. Mais le passage au plateau est toujours dans la construction de spectacles sensibles, musicaux, construisant des images fortes, riches....

captureQuels sont les échos les plus récurrents que vous avez entendus sur cet objet théâtral ?

Une très grande émotion. Une douceur. Une capacité à créer de la joie et l'espoir dans un monde chaque jour plus sombres.

Après les ruines 

De Bertrand Sinapi
interprètes / intervenant⸱es
Jeu : Katharina BIHLER, Bryan POLACH, Amandine TRUFFY
Scénographe : Clément BONNIN, GOURY
Producteur·rice : Inès KAFFEL
Attaché·e presse : Francesca MAGNI
Compositeur·rice : André MERGENTHALER
Musique live : Stefan SCHEIB
Mise en scène : Bertrand SINAPI
Diffusion : Jean-Luc WEINICH

Dates et lieux des représentations:

- du 30 juin au 21 juillet relâche les 1, 8, 15 juillet à 13h55 - Théâtre 11 - FESTIVAL AVIGNON OFF 2024


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal