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Mon année de repos et de détente : la belle endormie d’Ottessa Moshfegh

fayardPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Et voici une romancière qui peut se flatter de compter deux superstars des lettres mondiales parmi ses fans ! En effet, applaudie par Bret Easton Ellis et Joyce Carol Oates, Ottessa Moshfegh est tout simplement la nouvelle coqueluche de la fiction outre-Atlantique.

Ce qui est grandement confirmé avec son troisième et nouveau roman, joliment titré « Mon année de repos et de détente ». Une fois encore, la jeune femme, 38 ans, née à Boston de parents d’origines iranienne et croate, met en scène un personnage aux allures d’anti-héros- dans son premier roman (« McGlue », 2014, non traduit en français), c’est un homme qui s’est grandement alcoolisé et qui, au réveil, se demande s’il n’a pas commis un meurtre, et dans le deuxième (« Eileen », 2016), une femme ingrate et amère se souvient d’un drame survenu dans sa jeunesse. Cette fois dans « Mon année de repos et de détente », en un peu plus de 300 pages, on va passer quelque temps avec une jeune femme à New York. Ce sont les années 2000- 2001, l’héroïne approche la trentaine, est belle et riche, récemment diplômée de l’université de Columbia, a eu avec Trevor une histoire d’amour sans amour, est aussi amie avec Reva- amie pour le moins gonflante. Vu ainsi, comme on dit, elle a tout pour être heureuse…

Sauf que ses parents sont morts. Et l’héroïne (sans nom ni prénom, un choix sciemment décidé par Ottessa Moshfegh) va prendre une grande décision. Quitter son job pas vraiment fatigant à la galerie Ducat, là où « les œuvres d'art étaient censées être subversives, irrévérencieuses, choquantes quand en réalité ce n'était que de la sous-contre-culture formatée, « punk avec de l'argent »... » Se retirer dans son appartement new yorkais : « J’avais commencé à hiberner tant bien que mal à la mi-juin de l’an 2000. J’avais 26 ans… J’ai pris des cachets à haute dose et je dormais jour et nuit, avec des pauses de deux à trois heures. Je trouvais ça bien. Je faisais enfin quelque chose qui comptait vraiment. Le sommeil me semblait productif (…) je savais qu’une fois que j’aurais assez dormi, j’irais bien. Je serais renouvelée, ressuscitée… »
Dans ce roman où l’intrigue est quasi inexistante, dans ce texte qui est basé sur le vide, Ottessa Moshfegh déroule, à coup de flash back et de dialogues, des pans de la vie passée de son héroïne. Non, on n’est pas dans le trash ni dans le glauque. Seulement en compagnie d’une héroïne qui espère qu’après s’être reposée et détendue, sa vie passée « ne serait qu’un rêve, et je pourrais sans regret repartir de zéro, renforcée par la béatitude et la sérénité que j’aurais accumulées pendant mon année de repos et de détente ». On a là une belle endormie, un personnage qui a des airs de famille avec le Bartleby d’Herman Melville et Oblomov, le héros du roman d’Ivan Gontcharov paru en 1859. « Mon année de repos et de détente », cette hibernation qui s’achève la veille du 11 septembre 2001, ce jour où l’héroïne est allée s’acheter « un nouveau magnétoscope-téléviseur chez Best Buy pour pouvoir enregistrer les reportages sur les avions qui s’étaient écrasés sur les Twin Towers »…

Mon année de repos et de détente
Auteur : Ottessa Moshfegh
Traduit par Clément Baude
Editions : Fayard
Parution : 21 aout 2019
Prix : xx €

[bt_quote style="box" width="0"]Ah le sommeil. Rien ne pouvait me donner autant de plaisir, autant de liberté, le pouvoir de sentir, de bouger, de penser, d'imaginer, loin des misères de ma conscience éveillée. Je n'étais pas narcoleptique- je ne m'endormais jamais sans le vouloir. Une somnophile. J'avais toujours adoré dormir. C'était une chose que ma mère et moi, quand j'étais petite, aimions faire ensemble. Elle n’était pas du genre à rester assise pour me regarder dessiner, ou à me lire des livres, ou à jouer à des jeux, ou à me promener au parc, ou à préparer des gâteaux. Là où on s'entendait le mieux, c'était quand on dormait… [/bt_quote]

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