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Crime et Châtiment : tourments et défaillances de l'âme humaine remarquablement dépeints par la Cie Machine Théâtre

  • Écrit par : Julie Cadilhac

crime et chatimentPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Crime et Châtiment, oeuvre la plus connue de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski, narre l'assassinat d’une vieille prêteuse sur gage et de sa sœur par un étudiant de Saint-Pétersbourg, Rodion Romanovitch Raskolnikov (dit Rodia) et les conséquences émotionnelles, mentales et physiques qui en découlent pour le meurtrier.

Thriller baignant dans les quartiers mal famés de Saint-Petersbourg, le roman se tisse autour d’une question tout aussi fascinante que dérangeante : un meurtre est-il moralement tolérable s'il conduit à une amélioration de la condition humaine ? Suite à la prise de conscience de son crime, Rodia est perclus de tourments qui le rendent presque fou…seule Sonia Semionovna, jeune prostituée dont il va progressivement tomber amoureux, conçue comme une figure allégorique de l’amour de Dieu pour l’humanité en perdition et symbolisant le pouvoir de rédemption de l’amour, lui dictera la seule voix digne à suivre : celle de l’aveu de son meurtre et sa déportation en Sibérie.

Ce roman déploie une galerie de personnages captivants dont Dimitri Prokovitch Razoumikhine, l’ami dévoué de Rodia (pertinemment interprété par Brice Carayol), Arkadi Ivanovitch Svidrigaïlov, ancien employeur de Dounia, la soeur de Rodia - auquel Nicolas Oton apporte une tonalité faustienne exquise - ,  Porphiri Petrovitch, juge d'instruction chargé de l’enquête du meurtre de l'usurière, qu’Alex Selmane interprète avec une décontraction amusée brillante…Développant la douleur psychologique, thématique qui lui est chère, Dostoïevski montre ici la crise identitaire suraiguë d’un individu s’imaginant être un « surhomme », réalisant qu’il ne l’est pas et que ses actes meurtriers auront donc été vains car ils ne changeront pas le monde. On y entend également l’opposition de l'auteur pour les thèses socialistes et sa critique du capitalisme qui commençait à se mettre en place à son époque.
Peinture bouleversante et extraordinaire d’une crise existentialiste qui trouvera une lucarne d’espoir dans la foi en Dieu chrétienne qui seule, pour Dostoïevski, peut sauver l’homme de sa dépravation…

Un assemblage de dalles de béton brut pour tout décor, des lumières spectrales. Au centre du plateau, sur un lit aux barreaux de fortune, siège Rodia avec la misère et l'insatisfaction pour seule compagnie, les pieds foulant un tapis de cendres. Dans ce décor de cauchemar ordinaire, les êtres ont le visage émacié, le corps chétif, créatures chimériques ravagées par l’alcoolisme, le désespoir, le sacrifice et rongées par toute forme de culpabilité. Parmi ces pauvres hères sacrifiés sur l’autel des injustices sociales, Sonia fait office d’ange aux ailes décrépites et la hache de Rodia d’instrument vengeur. Dans ce microcosme fantomatique qui court après les kopecks, Nicolas Oton et Ludivine Bluche dirigent une distribution de qualité qui évolue avec intelligence et justesse dans le drame. Rodia incarne l’irrépressible impatience de la jeunesse révoltée, son impétuosité, sa fébrilité intrinsèque et sa fierté à fleur de peau. Le jeu nerveux et tourmenté de Frédéric Borie embrasse à la perfection - et avec une endurance à saluer - toute la complexité de ce monstre-victime à qui Sonia (superbement jouée par Alyzée Soudet à la présence d’une délicatesse et d’une douceur jubilatoires) permettra la résurrection symbolique. L’utilisation d’un narrateur en alternance avec les scènes de dialogue, permettant à l’oeil d’apprécier les tensions indicibles se muant entre les protagonistes, la composition musicale et et les lumières tantôt glacées, tantôt baignées d’alcôves en clair-obscur, les costumes baignés de deuil que seuls certains caractères piquent de couleurs vives, font sens et soutiennent l’intrigue avec finesse. On saluera le truchement choisi pour montrer le double meurtre initial, le dialogue suspendu entre Rodia et Arkadi Ivanovitch Svidrigaïlov où complicité et répulsion s’entremêlent à plaisir, les entretiens entre Rodia et Porphiri Petrovitch d’une grande fluidité tout autant que le final caressé d’un vent de tendresse exquis.
N’oublions pas de préciser la qualité de la traduction d’André Markowicz qui a su restituer la fougue de cette oeuvre majeure, autopsie bouleversante d’un meurtrier forcé de se confronter progressivement au miroir de sa conscience et de concevoir un constat lucide de ses actes.
Crime et Châtiment de la Cie Machine Théâtre? La promesse d’un rendez-vous passionnant et mémorable avec Dostoïevski!

Crime et châtiment
D’après le roman de Fédor Dostoïevski, traduit du russe par André Markowicz
Mise en scène : Nicolas Oton
Assistante : Ludivine Bluche
Adaptation : Nicolas Oton et Ludvine Bluche
Avec : Cyril Amiot, Frédéric Borie, Brice Carayol, Charlotte Clamens, Laurent Dupuy, Franck Ferrara, Christelle Glize, Manuel Le Lièvre, Patrick Mollo, Alex Selmane, Alyzée Soudet
Scénographie : Gérard Espinosa
Lumière : Dominique Borrini
Son : Alexandre Flory
Régie générale : Mathieu Zabé et Jean-Marie Deboffe
Régie lumière : Claire Eloy
Maquillage coiffures : Dorothée Leccia
Couture : Cathy Sardi
Costumes : Marie Delphin
Photos : Marc Ginot

Production : Machine Théâtre | Coproduction : L’Archipel, scène nationale de Perpignan, Le Cratère, scène nationale d’Alès, Festival Le Printemps des Comédiens, Montpellier | La Compagnie Machine Théâtre est associée au Cratère, scène nationale d’Alès | Nicolas Oton est artiste accompagné par L’Archipel, scène nationale de Perpignan | Le spectacle a été accueilli en résidence au Centre dramatique national de Montpellier | Les décors et les costumes ont été réalisés dans les ateliers du Centre dramatique national de Montpellier. | Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National | Avec l’aide à la création de la Région Occitanie et de l’ADAMI | La compagnie Machine Théâtre est subventionnée par Ministère de la Culture DRAC Occitanie au titre des compagnies conventionnées, la Région Occitanie et la Ville de Montpellier | Production, administration Nathalie Carcenac / Presse Zef - Isabelle Muraour.

Dates et lieux des représentations:
- Les 7 et 8 juin 2019 à l’amphithéâtre d’Ô - Festival Printemps des Comédiens - Montpellier
- Du 4 au 14 février 2019 au Théâtre du Hangar, Montpellier
- Les 29 et 30 avril 2020 au Théâtre de Nîmes et ATP

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