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Kean : une comédie où le génie du Paraître répond au désordre de l’Etre

keanPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Tout le sous-titre de la pièce, « Désordre et génie », résume le tourbillon dans lequel cette nouvelle version de Kean nous transporte. Tout ou presque. 

Tout le génie du texte de Dumas, tout le génie de ce personnage dans la démesure de l’acteur, tout le génie d’Alexis Desseaux son brillant interprète. Ou presque. Car si le désordre symbolise la fragilité de Kean, l’homme et le comédien, la rigueur millimétrée de la mise en scène amène le cadre permettant au bouillonnant Kean de mieux en sortir.

Kean c’est ce fantasque acteur anglais du début XIXème qui triomphe dans les classiques de Shakespeare. Dandy séducteur, notre Don Juan est aimé de deux femmes : Elena, épouse de l’ambassadeur du Danemark, et Anna une jeune héritière fortunée. Perclus de dettes, il se voit proposer un marché par le prince de Galles, coureur de jupon lui aussi, qui recherche son amitié pour mieux obtenir les faveurs de ces deux femmes. Ou quand le bourgeois se veut saltimbanque et le saltimbanque se rêve bourgeois.

L’intrigue nous transporte dans les excès de Kean : la démesure de la vie d’artiste, le comédien excessif, l’extravagance en amuseur de la bonne société mais aussi l’alcool, l’argent, les femmes comme signes de grandeur et de décadence. Car dans cette vie où il rêve de changer de statut et se heurte à la réalité, Kean sombre toujours plus jusqu’à craquer sur scène. Est-ce l’homme ou le comédien qui craque ? Sont-ils dissociables ?

Hommage au théâtre et à la passion de l’acteur, Kean est avant tout un texte drôle, fin et intelligent où l’imagination de Dumas crée des dialogues brillants et des rebondissements comiques. Adapté par Jean Paul Sartre, il trouve de la profondeur en mettant en exergue la perception de l’acteur qui n’est pas lui-même mais dont la vie est un rôle permanent et continu. Il est orchestré par une mise en scène soignée sous forme de tableaux avec des changements à vue, nous plongeant tour à tour dans un salon aristocratique, la loge de Kean ou sur scène, et du théâtre dans le théâtre.

Et que dire de l’interprétation ! Une troupe généreuse et complice, où tout le monde est au service du rythme et joue avec justesse et précision. On notera la fougue et la fraicheur de Justine Thibaudat dans le rôle d’Anna, comme écho à l’épaisseur à la profondeur qu’Alexis Desseaux donne à un Kean habité.

Réflexion intemporelle sur la complexité de l’homme, sur l’hypocrisie et la superficialité que nous mettons dans nos rapports aux autres, ce Kean est aussi un pied de nez de Dumas, méprisé par ses contemporains, aux conventions bourgeoises. Ode à la liberté, il est le miroir révélateur de nos tourments actuels : recherche de soi, place du pouvoir, folie des passions (l’amour mais aussi le théâtre).
Nous questionnant sur qui l’on est et l’image que nous revoyons, Kean est une comédie où le génie du Paraître répond au désordre de l’Etre. « Désordre et génie »

Kean
de Alexandre Dumas
Mis en scène : Alain Sachs
Avec Pierre Benoist, Sophie Bouilloux, Alexis Desseaux, Jacques Fontanel, Frédéric Gorny, Eve Herszeld, Justine Thibaudat, Stéphane Titeca
4 nominations aux Molières 2019
Pour Tout public
à partir de 12 ans

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 30 juin 2019 au Théâtre de l'Oeuvre ( 55 rue de Clichy, 75009 Paris)

- Du 05 novembre 2019 au 05 janvier 2020 au Théâtre de l'Atelier (1, place Charles Dullin 75018 Paris) - Métro : Anvers (ligne 2), Abbesses (ligne 12)

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