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Nous qui habitons vos ruines : la pensée de Charles Fourier comme alternative ?

  • Écrit par : Victor Waque

ruinesPar Victor Waqué - Lagrandeparade.fr/ C’est l’histoire d’Antoine, thésard sur la pensée utopiste de Charles Fourier. Insatisfait par son mode de vie, il va repartir de zéro en s’appuyant sur les préceptes du philosophe. Le spectacle « Nous qui habitons vos ruines » propose une alternative face aux lacunes de la société actuelle. Avec des comédiens captivants, nous sommes entraînés dans une réflexion fondamentale : comment vivre aujourd’hui en respectant ses valeurs ?

Charles Fourier est un philosophe utopiste de la fin du XVIIIeme siècle, fervent critique de la société industrielle. Il propose une théorie originale dite de "l’attraction passionnée" qu’il cherchera à mettre en place dans une cité idéale. Constituée de phalanstères, d’immenses bâtiments communs dans lesquels les habitants choisissent librement de s’installer, le but est de créer une communauté basée sur l'entraide réciproque. Les activités de la cité sont orientées vers l’agriculture, les arts et les sciences. De nombreuses communautés se sont inspirées de son travail. Celles qui ont voulu créer des phalanstères au sens strict de Fourier n’ont jamais perduré. Mais encore aujourd’hui certaines de ses idées sont mises en application. La compagnie "Interstice" s’immerge dans la pensée du philosophe pour proposer une alternative au monde d’aujourd'hui.

A l’instar de Charles Fourier, « Nous qui habitons vos ruines » met en évidence les limites de la société capitaliste. Antoine débute une psychothérapie, angoissé de s’endetter pour acheter un minuscule appartement hors de prix à Paris. Il refrène ses désirs d’achats d’objets hétéroclites à usage unique, et déplore tous ces produits de consommation. Les comédiens énumèrent les parties sombres de la société d’aujourd’hui : il faudrait cinq planètes pour avoir suffisamment de ressources naturelles si la population mondiale avait le train de vie européen. La famine écrase des millions de personnes. Une femme se fait violer dans le monde toutes les sept secondes.
Depuis des centaines d’années, nos ancêtres abîment la planète et ceux qui l’occupent. Nous, hommes et femmes actuels vivons dans les ruines de ce passé. Des tas de pierres qui s’amoncellent. Qui risquent un jour de s’écrouler. Alors que les comédiens déversent ce flot d’informations nauséabondes, une évidence éclate. Il faut agir ! C’est ce que va faire Antoine sur la scène du théâtre Jean Vilar de Montpellier. C'est ce à quoi invite "Nous qui habitons nos ruines". Prendre conscience de l'inefficacité du système.

Antoine va se jeter dans le vide. Changer de mode de vie. Il arrive dans le lieu-dit « le frigo » dans un coin perdu de la Lozère où vivent en communauté 11 adultes. Tous les habitants travaillent ensemble. Mettant de côté leurs désirs superflus, ils se concentrent sur le travail primaire. Cultiver pour se nourrir. Mettre en place une pompe hydraulique pour boire. Deux fois par semaine, une réunion a lieu entre tous les habitants pour résoudre les problèmes individuels et collectifs de la communauté. Il existe aussi un temps « philosophique » où les habitants partagent leurs questionnements existentiels. Dans ce village, plus de travail à proprement parler. Il n’y a pas d’argent à la clé. Le but est de vivre, sans dépendre des entreprises multinationales, ni des denrées alimentaires qui ont traversé la moitié du globe pour parvenir dans nos paniers. La notion de couple monogame est remise en cause, tout comme la notion de famille. Les enfants sont gardés, choyés, éduqués par les parents, mais aussi par tous les membres du groupe. Antoine l’intellectuel se voit donc investi dans des tâches manuelles. Il devient moins stressé. Plus heureux. Il diminue son impact sur l’écosystème. Il vit en adéquation avec ses valeurs. Celles de Charles Fourier.

Si l'expérience est riche d'enseignements, de nombreuses difficultés émergent. La vie est rude. Le travail agricole épuisant. L'hiver froid. L'amour libre convient mal à certains habitants. Certains font machine arrière. Son compagnon resté sur Paris le rejoint par amour et fait émerger tous les paradoxes de ce mode de vie. En se mettant en marge de la société, contribue-t-il à la faire évoluer? Si leur petite communauté fonctionne n'est-ce pas parce qu'elle réunit des personnes aux préoccupations similaires? En serait-il de même avec des personnes aux idées différentes? Son compagnon questionne aussi la perte du confort et des bénéfices technologiques actuels. Enfin, l'arrivée du père d'Antoine, fort de sa vision traditionnelle, enfonce le clou. Il est choqué par ce mode de vie désorganisé, où le travail ne fait pas office de valeur fondamentale, où sa petite fille n'ira pas à l'école, éduquée par des personnes en marge de la société. A quoi ressembleront les adultes de demain dans une société utopique?; Si "Nous qui habitons vos ruines" défend l'importance de changer la société, la mise en scène souligne les limites du village utopiste. Des contraintes et des tensions qu'Antoine subit de plein fouet, tiraillé entre ses valeurs fouriéristes, son compagnon Vincent qu'il aime, la pression de son père. La compagnie "Interstice" nous fait nous poser les bonnes questions.

« Nous qui habitons vos ruines » sensibilise les spectateurs à l’importance de chercher des solutions pour une société plus juste. Dans ce monde où les priorités sont d’ordre individuel, les comédiens rappellent que « NOUS » sommes indépendants, « ON » a besoin de l’autre pour s’épanouir. S’il n’existe pas encore d’alternative satisfaisante, « Nous qui habitons vos ruines » nous invite à l’inventer. Ensemble.

NOUS QUI HABITONS VOS RUINES
Une enquête d’après Charles Fourier - Texte et dramaturgie:  Barbara Métais-Chastanier
Conception et mise en scène : Marie Lamachère
Avec Michaël Hallouin, Damien Valero, Laurélie Riffault

Dates et lieux des représentations: 

- 3 et 4 MAI 2018 au Théâtre Jean Vilar, Montpellier 
- 19 MAI 2018 - Musée de la préhistoire, Orgnac-l'Aven
- 28 JUILLET 2018 - Festival Textes en l'Air, Saint Antoine l'Abbaye — Festival Textes en l'Air

- LE 18 OCTOBRE 2018 à Le Kiasma, Castelnau-le-Lez — Le Kiasma
- DU 9 AU 12 DÉCEMBRE 2018 - En itinérance - l'Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle — l'Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle
- DU 17 AU 26 JANVIER 2019 - En itinérance Au fil du Tarn - Scène nationale d'Albi — Scène nationale d'Albi
- LE 7 FÉVRIER 2019 - Salle de l'Evêché, ATP d'Uzès — ATP d'Uzès


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