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Tauberbach : un cri d'espoir et de rage au coeur d'un chaos d'oripeaux

  • Écrit par : Edith Huguet

TauberbachPar Edith Huguet - Lagrandeparade.fr/ "Un beau jour Alain Platel a reçu un CD sur lequel était marqué au feutre « Tauber Bach ». Le CD contenait de la musique qui faisait partie d’un projet vidéo d’Arthur Zmijeswki,un artiste polonais qui avait demandé à un choeur de sourds de chanter Bach comme ils « l’entendaient ».Cette musique n’a plus lâché Platel, sans doute parce qu’elle porte en elle deux de ses grands amours : Bach et la langue des signes ».

Alain Platel a construit un spectacle singulier où théâtre orchestré et non-danse se mêlent, à partir de l’histoire particulière d’Estamira de Marcos Prado, une brésilienne schizophène vivant depuis une vingtaine d’années dans une décharge aux alentours de Rio de Janeiro.
Au lever du rideau, un tableau édifiant de beauté vous saisit, un plateau multicolore jonché de tonnes de nippes, un endroit perdu empreint de désolation. Deux structures de métal horizontales échouées, où s’accrochent quelques lambeaux de vêtements, complètent cette toile surprenante. Elsie de Brauw, comédienne néerlandaise, prend à bras le corps le rôle violent de cette femme perdue qui s’accroche à la vie avec force. Ce démon qui la hante, contre lequel elle lutte et enrage, elle l’exprime à travers un langage étranger agressif qu’elle crie dans son micro suspendu. Traduit par une voix off, il ne cesse de la persécuter "Contrôle, contrôle, garde le contrôle…"
Dans cette atmosphère pesante, on entend le bourdonnement de moustiques prédateurs qui tourmentent. Au milieu de ce chaos, cinq danseurs des ballets C de la B partagent ce territoire maudit et hostile. Ils se meuvent lentement comme si le temps était suspendu, rampent tels les vers que rejette cette terre souillée, apparaissent, disparaissent, réapparaissent….Puis bougent leur corps de manière sauvage et avec beaucoup d’énergie pour exprimer leur mal-être ,leur impuissance. Les corps se tendent, expriment des pulsions involontaires ou avancent sur la pointe des pieds comme pour ne pas déranger la misère. Danseurs-araignées hypnotiques dans la maitrise de leur corps. Par sa rage de vivre et des approches sensorielles, cette femme réussit à communiquer avec ces êtres primitifs. Elle lutte, elle combat et parvient à rabrouer cette voix qui la martyrise: "Mes oreilles ne sont pas des toilettes".

Tauberbach est une pièce difficile et troublante. Le temps parait long par moments. Trop conceptuelle parfois, dérangeante lors de certaines scènes où la sexualité, échappatoire libérateur, gagnerait à être suggérée plutot que crue .Mais le propos nous touche et heureusement il se dégage de l’espoir. Des moments de tendresse où les corps s’ étreignent pour se réconforter, où le badigeonnage de peinture devient un symbole d'appartenance à une même communauté ; une même famille qui se réunit pour le meilleur lorsqu’elle entonne a cappella un air de Mozart. La musique, touchante et sacralisante de Bach, chantée par ce choeur de sourds accentue l'émotion vive que l’on ressent face à ces démunis. Tauberbach, par son message humaniste, ne peut laisser indifférent.

Tauberbach - Les ballets C de la B

Concept et mise en scène: Alain Platel

Dramaturgie d'Hildegard De Vuyst, Koen Tachelet
Direction musicale, paysages sonores et musique additionnelle de Steven Prengel

Avec Berengère Bodin, Elie Tass, Elsie de Brauw, Lisi Estaras, Romeu Runa, Ross McCormack

Durée : 1h25

Dates des prochaines représentations:

- Les 3 et 4 novembre 2015 à l'Opéra-Comédie de Montpellier ( Spectacle co-accueilli par Montpellier Danse, l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon et Humain trop humain CDN Montpellier)

- Les 6 et 7 novembre 2015 à La Cigalière de Sérignan - Sortie Ouest

- Les 19, 20, 21 & 22 novembre 2015 à 20h à L'Opéra de Lille

- Les 15 et 16 décembre 2015 au Théâtre de Stuttgart

- Les 18,19 et 20 décembre 2015 au NTGent, théâtre municipal de Gand


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