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Dom Juan : la version décapante et jubilatoire de Jean-François Sivadier

Dom JuanPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Qui ne connaît pas l'histoire de ce jeune homme culotté et arrogant, qui tient son origine d'une légende médiévale, devient prétexte à une pièce de théâtre en 1630 avec Tirso de Molina et achève de se transfigurer en mythe en 1665 avec la version de Molière? Dom Juan est ainsi devenu un personnage aux interprétations et questionnements inépuisables.

Voilà une version à l'image de son libertin éponyme : effrontée, spirituelle et délicieusement fantaisiste. Chaque scène est la preuve d'une analyse préalable et fine de l'œuvre qui a été mitonnée ensuite à la sauce Sivadier. Pour concocter un nouveau festin de pierre de qualité, il faut en effet d'abord maîtriser la recette originale, ce qui en fait sa saveur et son unicité. On peut ensuite la parodier, y insérer des mises en abyme souriantes et des minutes heureuses d'improvisation...Cette pièce a le talent des réconciliations entre les anciens et les modernes : l'esprit de Molière y brille avec éclat au sein d'un univers poético-délirant contemporain. Il semble qu'on assiste à un rêve étrange - et terriblement drôle - où le surnaturel côtoie sans ambages la réalité. Y règne le roi des imposteurs, l'inimitable "Mustachio" à l'impertinence chevillée au corps : Nicolas Bouchaud campe un Dom Juan vampirisant, séducteur impénitent et narcissique jusqu'à la moëlle. Jouissivement diabolique. Ne cessant de jouer de connivences avec le public. Face à lui, Vincent Guédon joue un Sganarelle, vitupérant dans sa barbe ( qu'il n'a pas), en proie à des paniques religieuses truculentes. Serviteur de l'homme le "plus scélérat que la terre n'eut jamais porté", il tente avec une énergie contagieuse de ramener son maitre dans le droit chemin, l'invite à des débats métaphysiques dans lequel il soliloque et s'y casse le nez. La faute à ses jambes ou à un combat perdu d'avance faute d'arguments pertinents possibles?
Tous deux forment un duo d'une drôlerie goûteuse. Tandis que la salsa du démon bat son plein, en rouge et noir, et que les apparitions les plus improbables s'invitent à la danse, ils demeurent en figures intemporelles et vivaces, imperturbables créatures de Molière. Pourtant les foudres divines de la machine théâtre les malmène, les poursuites se décrochent, l'obscurité soudain inonde le plateau, la neige artificielle se déchaîne, les planches de la scène se désolidarisent...mais ils s'en moquent : il y aura toujours une "Claudine", une "Julie" ou une "Fatima", un "Jacques" pour écouter; deux et deux feront toujours quatre et quatre et quatre huit, Monsieur Dimanche doit être payé de quelque chose, les imposteurs ont mille visages différents... alors pas d'entracte, une pause sensuellement musicale à la limite, de " la philosophie dans le boudoir" et puis tout continue car le Commandeur n'attend pas!
A leurs côtés, quatre comédiens talentueux. Le dialogue entre Pierrot ( Stephen Butel) et Charlotte (Lucie Valon) est d'une cocasserie rare...paysans d'une bêtise aussi affolante qu'attendrissante. Elvire ( Marie Vialle) oscille entre hystérie et félicité extatique avec justesse. Marc Arnaud, en père de Dom Juan, ravit par sa jeunesse derrière son masque de poudre blanche; séduit en Dom Carlos à l'esprit chevaleresque. Tout est possible au théâtre : les décrochages et décalages justifient sa nature d'art vivant. Ici le libertinage fleuronne en bouquets audacieux. En cela, ce Dom Juan se vit comme un manifeste esthétique convaincant.

"Inter nos", cela fait longtemps qu'on n'avait pas vu un Dom Juan aussi divertissant! " Juré, craché!"

Dom Juan

Texte : Molière
Mise en scène : Jean-François Sivadier
Collaboration artistique : Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
Scénographie : Danniel Jeanneteau, Christian Tirole, Jean-François Sivadier
Lumière : Philippe Berthomé
Costumes : Virginie Gervaise
Son : Eve-Anne Joalland
Assistants à la mise en scène : Véronique Timsit, Maxime Contrepois
Avec : Marc Arnaud, Nicolas Bouchaud , Stephen Butel , Vincent Guédon , Lucie Valon et Marie Vialle

Durée : 2h30

Crédit-photo : Marie Clauzade

Dates des représentations:

- Du 9 au 11 juin 2016, au Festival du Printemps des Comédiens 2016

- Du 14 septembre au 4 novembre 2016 au Théâtre de l'Odéon ( Paris, 6ème) (  avec AUTOUR DE DOM JUAN  : Mardi 4 octobre, 18h  - Un peu, beaucoup, passionnément Dom Juan rencontre littéraire animée par Daniel Loayza  avec Jean-Charles Darmon (dans le cadre des Bibliothèques de l'Odéon) Salon Roger Blin / Odéon 6e   Jeudi 13 octobre, 18h - De la séduction  rencontre philosophique animée par Marc Crépon avec Paul Audi (dans le cadre des Bibliothèques de l'Odéon) Salon Roger Blin / Odéon 6e)

- Du 3 au 14 janvier 2017 au Théâtre National de Strasbourg

Don Juan

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