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Clément Hervieu-Léger : "Monsieur de Pourceaugnac nous oblige à casser le quatrième mur"

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Clément Hervieu-LégerPar Julie Cadilhac - La grandeparade.fr / Acteur et metteur en scène, Clément Hervieu-Léger est pensionnaire de la Comédie-Française depuis 2015. Il a notamment joué sous la direction de Marcel Bozonnet, Lukas Hemleb, Denis Podalydès, Marc Paquien, Muriel Mayette, Jean-Pierre Vincent et Patrice Chéreau. En 2010, il a fondé avec Daniel San Pedro la Compagnie des Petits Champs avec laquelle il vient de créer, en 2016, avec le chef d’orchestre William Christie la comédie-ballet : Monsieur de Pourceaugnac. Quelle a été la genèse de ce projet ambitieux? Avec quelles références et quel regard artistique et humain s’est-il tissé? Des questions auxquelles a répondu Clément Hervieu-Léger avec sensibilité, intérêt et éloquence.

C’est votre troisième mise en scène d'une pièce de Molière. Pour M.de Pourceaugnac, sur quels critères votre choix s’est-il formé? Le fait, d’abord, que ce soit une comédie-ballet qui vous permettait de travailler avec William Christie? parce que c'est l'une des pièces les moins jouées du répertoire du grand Jean-Baptiste? Pourriez-vous nous en dire davantage sur la genèse de ce spectacle et sur votre amitié artistique avec William Christie?
J’ai rencontré William Christie en 2011 pour monter un opéra, "La Didone" de Francesco Cavalli. Comme cela se passe souvent à l’opéra, ça a été une idée des directeurs de l’opéra qui produisaient le spectacle de nous réunir et je crois que William avait envie aussi de travailler avec un metteur en scène de ma génération; ça a été une rencontre extrêmement heureuse, on s’est bien entendu, à la fois humainement mais aussi dans le travail et dans notre rapport au répertoire. Après la création du Cavalli, on n’avait pas vraiment envie de se quitter comme ça et on a eu envie de continuer à rêver à des projets communs. C’est à ce moment-là que William m’a fait savoir son envie de retravailler sur les comedies-ballet de Molière et de Lully et qu’il souhaiterait le faire avec moi. Le projet est donc né dans ce sens-là, c'est à dire, d’abord et aussi, d’une envie de William de retravailler sur ce répertoire qu’il connaît bien et qu’il avait envie de retrouver. Ce projet est à la frontière entre le théâtre et l’opéra et c’est rare aujourd’hui qu’un metteur en scène et un chef d’orchestre se réunissent pour proposer un projet à des directeurs de théâtre ou d’opéra. Dans le milieu de l’opéra, ce sont plutôt les directeurs qui viennent les chercher. C’est donc un projet singulier, né d’un vrai désir de William et de moi de se retrouver pour ce répertoire-là. Contrairement à l’opéra, dans les comédies ballets, c’est le théâtre qui prime et non pas la musique donc William m'a tout de suite dit : «  c’est à toi de choisir l’oeuvre Â». J’ai lu - et relu pour certaines - les comédies-ballets de Molière et Lully, y’en a pas tant en fait, elles sont 12 et mon choix s’est arrêté très vite et de manière très évidente sur Pourceaugnac; pas tant parce que c’est une pièce qui est peu montée mais parce que c’est le modèle le plus abouti de la comédie-ballet en ce sens où la musique et le théâtre sont parfaitement impliqués, intégrés…on peut dire que, si on enlève la musique, on enlève des bouts de théâtre. Dans M.de Pourceaugnac, la musique n’est pas réduite à une valeur d’intermède, elle fait partie intégrante de l’action, du récit.

pourceaugnacVous avez pu affirmer ne pas être un tenant de la transposition à toute force...pourtant vous transposez la pièce dans les années 50. Diriez-vous qu'aujourd'hui les artistes sont las de monter Molière de manière baroque? Qu'il est difficile de faire preuve d'inventivité quand on est figé sous une perruque enrubannée, moulé dans un justaucorps et cintré dans des hauts-de-chausse?
Non, il n’y a pas de lassitude. Molière est cependant un des auteurs qui a été le plus modernisé; j’ai monté "Le Misanthrope" à la Comédie Française et je ne l’ai pas monté en costumes d’époque. En revanche, je trouve simplement que la comédie-ballet est un genre que l’on monte souvent en costumes d’époque et qu’on a du mal à sortir de cette esthétique. C’est plus le genre de la comédie-ballet - qui est intimement liée à Molière puisqu’elle n’appartient qu’à Molière - que l’on a du mal à sortir de cette esthétique baroque que, finalement si l'on réfléchit bien, l'on réinvente de toutes manières. Evidemment, on connait les conditions exactes de représentation d’un point de vue historiographique, mais est-ce que ça a vraiment du sens de refaire ça de cette manière-là sur un plateau de théâtre aujourd’hui ? je n’en suis pas certain. J’avais envie de donner à ce projet une grande liberté, une légèreté...une liberté de mouvement aussi parce que j’ai moi-même beaucoup joué en costumes du XVIIème et je sais à quel point ce n’est pas simple en fait. Je trouve que c’est une pièce qui demande un mouvement en avant permanent et les costumes du XVIIème ne me semblaient pas les plus appropriés. Et puis, après tout, quand Molière montait des spectacles en costumes du XVIIème, pour lui c’étaient des costumes contemporains…même s’il y avait des allégories et des transpositions de costumes, n’empêche que l’inspiration de départ était aussi contemporaine. De la même manière, on parle toujours des éclairages à la bougie, c’est une réalité mais je pense que si Molière avait pu monter ses spectacles à l’électricité, il l’aurait fait!

Quelles ont été vos sources d'inspiration pour imaginer la scénographie de cette pièce ainsi que ses costumes?
Vous avez choisi un décor en noir et blanc …c’est bien ça?
La transposition choisie est dans les années 50 car je voulais pouvoir rapprocher le plus possible de nous l’action et, en même temps, je ne voulais pas trahir la pièce…le problème de la transposition - et de ce que je nomme la transposition de force - c’est que, de temps en temps, on transpose pour transposer et on en oublie ce qu’on raconte. Je voulais donc rester au plus proche du contexte sociologique sur lequel Molière pose son histoire. Si on prend d'abord la question de l’immigration italienne, il y a dans Pourceaugnac toute la bande de Sbrigani. Dans le Paris des années 50, juste après-guerre, l’immigration italienne est de même réelle, très organisée avec un vrai sentiment de groupe constitué. Deuxièmement, c’est l’histoire d’une jeune fille qu’on a promise en mariage mais qui ne le souhaite pas parce qu’elle est amoureuse. Ce processus d’émancipation de la femme arrive en plein dans les années 50 - en 1957 sort le film «  Et Dieu créa la femme Â»; il y a donc à cette époque une toute nouvelle manière de regarder les femmes. De surcroît, la disparité, entre Paris et la province, est encore très forte après la guerre et donc l'on peut comprendre qu’un notable de Limoges n’ait pas mis les pieds à Paris, même dans les années 50, parce que les allers-venues entre Paris et la province n’étaient pas si courants. Il y avait donc tout un faisceau de données sociologiques qu’on retrouvait dans les années 50 qui étaient déjà dans la pièce de Molière écrite en 1669 et c’était ça qui m’intéressait : que l'on puisse transposer tout en gardant les mêmes références. Enfin, il y a aussi cette donnée importante, c’est qu’un des personnages principaux de la pièce, c’est Paris …puisqu’il y a ce conflit entre Paris et la province. Si aujourd’hui on demande dans la rue à un badaud quelle est l’image d’Epinal qui représente pour lui Paris, ce sont les photos en noir et blanc de Robert Doisneau qui lui viennent à l’esprit, ce Paris iconique-là. Je suis donc parti de ces images d’un Paris en noir et blanc pour créer le décor.

Il y a une autre dimension très importante de la pièce : c’est la métaphore théâtrale, le fait de raconter le théâtre dans le théâtre. Molière fait dire à ces personnages: « Finissons la comédie Â» , « Jouez bien votre rôle Â».... Il met en scène des gens qui sont en train de jouer . Du coup, j’ai imaginé un décor qui soit au départ fidèle à l'image d’Epinal d’un Paris en noir et blanc et qui, au fur et à mesure, se délite, se modifie pour se montrer davantage comme un décor de théâtre , avec des châssis peints etc…

Vous n'avez pas constitué deux équipes distinctes avec des chanteurs d'un côté et des comédiens de l'autre. Vous avez donc du choisir des artistes pluri-disciplinaires? Comment et sur quels critères s'est déroulé le casting? Pouvez-vous nous dire un mot de vos comédiens-chanteurs?


L’équipe d’acteurs, ce sont des comédiens avec lesquels je travaille souvent avec la Compagnie des Petits Champs, ce sont des gens que je connais bien et je me suis embarqué dans cette aventure en sachant qu’ils seraient à même de répondre à un projet de cette envergure-là, dans lequel il faut jouer, chanter, danser. Pour les chanteurs - parce qu’il y a évidemment des parties solistes et là il nous fallait des chanteurs rompus aussi à la musique baroque - avec William, on a fait des auditions, même si on en connaissait certains. Ils nous ont présenté des vers chantés et puis je leur ai demandé notamment un passage de Molière en prose - parce que j’avais besoin de voir s’il y avait une matière d’acteur qui me permettrait de leur donner des rôles joués - puisqu’effectivement les chanteurs jouent aussi des rôles parlés et de la même manière , les choeurs sont pris en charge par les acteurs …et au bout d’un moment dans la pièce, on ne sait plus qui joue, qui chante….

Je vous cite : "Mettre en scène Monsieur de Pourceaugnac, c'est renouer avec un esprit de troupe cher au " patron" de l'Illustre Théâtre " : de quelles qualités a besoin, selon vous, le chef de troupe pour créer cet esprit adéquat?
En dehors de mes activités de metteur en scène, je suis comédien et j’appartiens à la troupe de la Comédie Française donc, cet esprit de troupe, il est très fort puisque c’est une vraie troupe constituée. Quand on a eu avec Daniel San Pedro l'envie de monter la Compagnie des Petits Champs, c’était une volonté de pouvoir réunir des acteurs, au gré des aventures théâtrales qui sont les nôtres, avec fidélité. On se rend compte que, quand on travaille régulièrement avec les mêmes acteurs, il y a une habitude du travail qui permet d’aller beaucoup vite mais aussi beaucoup plus loin parce que l’on n'a pas à "perdre" tout ce temps nécessaire à s’appréhender, on peut être très vite dans le travail. J’essaie aussi de faire en sorte que les qualités artistiques de chacun des interprètes soient aussi complètement mêlées à des qualités humaines, qui sont pour moi essentielles. J’ai besoin que mes acteurs s’entendent bien, s’entendent en scène pour jouer ensemble évidemment.... mais on fait un métier où la vie et le travail sont particulièrement liés et du coup, ça compte pour moi que l’ambiance générale soit aussi faite d’amitiés, de connivences et c’est ça aussi une troupe. Quand on s’en réfère à celle de Molière, ou même celle de la Comédie française, avec une troupe, on joue ensemble mais on vit aussi beaucoup ensemble. J'aime que ce soit dans la sérénité et l'harmonie.

Monsieur de POurceaugnacQuel est votre mode de travail en répétition? Comment procédez-vous pour prendre à bras le corps un texte? Si vous deviez citer des metteurs en scène ou des comédiens qui ont influencé votre manière de faire du théâtre, qui citeriez-vous? Patrice Chéreau avec lequel vous avez collaboré plusieurs fois?
Patrice Chéreau, c’est mon père de théâtre. Il m’a beaucoup appris. Je ne prétends pas du tout être le metteur en scène immense qu’il était mais je tache dans mon travail de mettre en pratique ce que j’ai découvert à ses côtés. C’est à dire une grande soumission au texte, se dire que les réponses aux questions que peut se poser un metteur en scène sont dans le texte et que c’est là qu’il faut les chercher. Une grande proximité avec les acteurs ensuite et une volonté de faire avec eux et à partir d’eux, ne pas forcer les natures qui ne sont pas les leurs mais au contraire de faire avec ce qu’ils sont…parce que, ce qui, moi m’intéresse, comme c’était le cas évidemment pour Patrice Chéreau, c’est la qualité, la patte humaine de chaque interprète. Et puis je crois , surtout, que ce que m’a appris Patrice Chéreau, c’est que rien n’existe sans le travail, qu’il faut travailler comme un forcené pour faire un spectacle. Travailler avant, être extrêmement au clair de ce qu’on veut raconter - parce que ce qui compte, c’est de raconter une histoire - et Patrice avait toujours cette expression quand on lui demandait quel était son métier : "mon métier, c’est d’abord de raconter une histoire" , ça peut paraître simple mais c’est extrêmement ambitieux! Et puis , une dernière chose, que rien n’est détail. Au théâtre, on ne peut pas dire «  oh ben, ça, c’est pas grave Â»; il faut accorder de l’attention et de l’importance à tout. 

Monsieur de Pourceaugnac est une des pièces dans lesquelles s'exprime le plus avec une joie colorée l'influence de la commedia dell'arte dans la dramaturgie de Molière. La comédie italienne est souvent mise de côté ( pour ne pas dire dénigrée) - par bon nombre d’artistes de théâtre - et décrite comme une esthétique populaire facile. Quelle est votre position là-dessus, vous qui êtes pensionnaire de la Comédie Française?
La commedia dell’arte, on ne peut absolument pas la nier, elle est fondamentale. Elle a été fondamentale dans le parcours de Molière; lorsqu’il monte le "Monsieur de Pourceaugnac", il est cependant assez dégagé de son influence; il écrit en effet cette oeuvre dans la dernière partie de sa carrière, il a déjà écrit Don Juan, Tartuffe et le misanthrope. Cette grande trilogie est derrière lui quand il monte Pourceaugnac. Il est à un moment où il revient à cette utopie théâtrale folle qui est de monter un spectacle total mais, bien sûr, lui, l’acteur, il a été pétri de commedia dell’arte et notamment dans son rapport au public. Et on se rend compte que Molière est un auteur - même si on a travaillé en amont devant sa table avec le texte etc.-  qui se révèle à l’épreuve de la scène. C’est une chose évidente. J’ai monté quant à moi la trilogie dans l’ordre: "La critique de l’école des femmes" puis "Le Misanthrope" puis "Pourceaugnac". "Monsieur de Pourceaugnac" nous oblige à casser le quatrième mur". On ne peut pas le monter comme "Le Misanthrope" avec un rapport aux grands canons classiques ( unité de temps, de lieu et d’action). Le texte même nous oblige à créer un rapport direct avec le public. Et je dirais que la commedia dell’arte a appris ça aussi à Molière, cette manière de s’adresser directement au public. Et puis aussi une très grande dextérité physique. "M.de Pourceaugnac" est une course-poursuite pendant une journée qui demande du savoir-faire, une capacité à manipuler les objets, à faire avec les accessoires - tout ce que la commedia dell’arte fait magnifiquement. Quand on voit le travail qu’a pu faire Giorgio Strehler sur la commedia dell’arte, quand il a monté « Arlequin serviteur de deux maîtres Â» par exemple, on se rend compte à quel point c’était un art d’une grande subtilité et précision . Ce qui paraît parfois des lazzi, où l'on dit «  la commedia dell’arte, on a un canevas et on brode Â», c’est faux! Cela demande du temps, une horlogerie, une orfévrerie, une science du plateau qui est inégalée...et il faut bien voir qu’au XVIIème et au XVIIIème, notamment avec Marivaux, les acteurs italiens sont beaucoup plus modernes - dans le sens où l’on peut l’entendre aujourd’hui - que les acteurs français. Marivaux d’ailleurs , un siècle plus tard, préfère donner ses pièces aux comédiens italiens qu’aux comédiens français - notamment parce que les comédiens italiens ont un rapport au corps beaucoup plus libre et ça, c’est vraiment l’héritage de la commedia.

En quelques mots et après avoir travaillé de nombreuses heures sur le personnage Pourceaugnac, comment avez-vous voulu le montrer aux spectateurs? Vous dites qu'il "est perdu dans les rues de la capitale comme dans sa propre tête"...Sur quelles caractéristiques de sa personnalité avez-vous insisté?
Il ne faut pas oublier que ce personnage - qui était joué par Molière lui-même - est beaucoup en réaction. Ce qui est rare. Souvent les personnages de théâtre - et davantage encore les personnages principaux - sont moteurs. Lui, il ne fait que subir. Et c'est ce qui fait la grande singularité de ce personnage: au départ, on ne sait pas forcément par où l’attraper parce qu’il ne déclenche pas l’action. L’autre chose, c’est qu’en règle générale, on en fait un personnage qu’on réduit simplement à «il est ridicule Â» et en effet, à la fin, il quitte la ville travesti en femme…le comble du ridicule. Pour ma part, j’ai une grande tendresse pour ce personnage qui est une victime. Que Julie n’ait pas envie d’épouser Pourceaugnac, je le comprends parfaitement. Elle est jeune, elle est amoureuse d'Eraste et on l’a promise à un homme qu’elle n’a jamais vu de sa vie et qui débarque de Limoges...mais qu’elle le refuse comme mari ne juge pas l’homme ; et c’est ça qui est terrible, c’est que toute la bande de Nérine et de Sbrigani, pour mettre en échec ce mariage, va faire de ce Pourceaugnac, un gibier, une victime désignée - c’est toute la thématique du bouc-émissaire. C’est très révoltant, en fait, parce que même si elle n’a pas envie de l’épouser, ce n’est pas pour autant un moins que rien. L’acharnement qu’ils vont mettre à le perdre devient à un moment - même pour le spectateur ( et c’est ça qui est très fort chez Molière) - gênant…parce que ça va tellement loin qu’on se dit « mais il n’est peut-être pas besoin d’en faire tant pour que le mariage n’ait pas lieu! Â». Du coup, on voit comment un homme face à un groupe qui a décidé d’en faire une victime peut être complètement broyé . Il sort, il est dépouillé de tout. Il n’a plus rien, il est travesti en femme, il ne sait même plus qui il est. Oui, ce qui est passionnant, toujours, chez Molière, c’est la manière dont il raconte le groupe ; et là il montre comment un groupe peut tout à coup, agir aussi par plaisir - c'est une forme de sadisme - et on sait comment il est plus facile d’être méchant à plusieurs. Les individus de ce groupe s’entrainent et sont de plus en plus cruels et l'on voit bien quel est le mécanisme derrière tout ça. Alors bien sûr, Pourceaugnac - c’est écrit comme ça - est très drôle  parce qu’il est à certains moments ridicule, mais pour moi, il est aussi profondément humain. Et Gilles Privat, qui est un immense acteur d’une poésie incroyable, donne au rôle une humanité extrêmement touchante. Et c’est ce qui est fantastique chez Molière, c’est qu’on rit et qu’en même temps on est gêné de rire; il nous met dans une situation très délicate et du coup il nous amène à réfléchir à notre propre condition.

PouceaugnacC’est une farce qui tourne au cauchemar pour Monsieur de Pourceaugnac qui en devient le dindon. Vous utilisez l'expression : une " sombre mascarade": l'avez-vous pensé comme un carnaval? Comment jouez-vous avec le travestissement? Est-il simplement symbolique sur scène où les acteurs changent-ils de costumes, usent-ils de masques....?
Oui le carnaval est très présent. Ce qui m’intéressait, c’était de me dire comment ce groupe, pour perdre Monsieur de Pourceaugnac - et ça rejoint cette métaphore théâtrale dont je parlais - va se saisir de plein de rôles. Ils ne cessent de se travestir. Il créent des personnages auxquels Monsieur de Pourceaugnac est sans cesse confronté pour l’amener à sa perte. C’est un processus très carnavalesque dans le sens où ils se changent mais aussi dans le sens de la transgression; on sait bien que le carnaval , finalement, c’était cette période où tout était permis. C’était par exemple le seul moment dans l’année où le travestissement n’était pas puni par la loi, ce moment où les interdits sautaient. C’était ça qui m’intéressait. D’ailleurs ce qui est passionnant, c'est que cette thématique du carnaval est là, présente dans Pourceaugnac…et que la dernière pièce de Molière, "Le Malade Imaginaire", se passe pendant le carnaval. Donc dès "Monsieur de Pourceaugnac", le carnaval est présent. Le carnaval dans ce qu’il peut avoir de sombre, comme dans un fête où finalement tout le monde est allé un peu trop loin. Se sentant autorisé, on va trop loin…

Enfin, puisque les premières représentations ont eu lieu, pensez-vous avoir réussi, comme Molière et Lully, à "faire de la musique du théâtre"?
J’espère, oui, j’espère que j’ai réussi (sourire). En tous cas, je crois qu’on est très fier de ce spectacle avec William Christie; c’est un spectacle dont on a rêvé ensemble et qui, je crois, ressemble à ce dont on avait envie. On est toujours extrêmement heureux quand les choses se passent de cette manière-là.  La confrontation au public est un moment merveilleux, comme toujours chez Molière. Ce qui me rend le plus heureux, me concernant je crois, c’est de voir des salles aussi enthousiastes avec un texte et une musique écrits en 1669...


M. de Pourceaugnac
Texte : Molière/ Musique : Lully/ Mise en scène : Clément Hervieu-Léger


Direction musicale et conception musicale du spectacle : William Christie


Direction et clavecin : Paolo Zanzu

Décors : Aurélie Maestre
/ Costumes : Caroline de Vivaise
/ Lumières : Bertrand Couderc



Son : Jean-Luc Ristord
/ Chorégraphie : Bruno Bouché
/ Maquillages-coiffures : David Carvalho Nunes / 

Assistantes à la mise en scène : Clémence Boué et Aurélie Maestre

Avec :
Erwin Aros – musicien, l’égyptien, haute-contre / Clémence Boué – Nérine / Cyril Costanzo - apothicaire, avocat, archer, basse / Claire Debono – l’égyptienne, soprano / Stéphane Facco - médecin, Lucette, suisse / Matthieu Lécroart – 1er musicien, médecin, avocat, exempt, baryton-basse / Juliette Léger – Julie / Gilles Privat - Monsieur de Pourceaugnac / Guillaume Ravoire - Eraste, suisse / Daniel San Pedro – Sbrigani / Alain Trétout – Oronte

Et les Musiciens des Arts Florissants

Production C.I.C.T. - Théâtre des Bouffes du Nord/ Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Les Arts Florissants ; Théâtre de Caen ; Château de Versailles Spectacles ; CNCDC Châteauvallon ; Théâtre Impérial de Compiègne ; Compagnie des Petits Champs/ Construction décors Les Ateliers des Théâtres de la Ville de Luxembourg/ Action financée par la Région Ile-de-France

Crédit-photos du spectacle : Brigitte Enguerand / Portrait de Clément Hervieu-Léger: Sébastien Dolidon

La tournée
21 - 23 janvier 2016 : Teatros del Canal / Madrid (Espagne)
27 - 30 janvier 2016 : CNCDC Châteauvallon
2 - 4 février 2016 : La Cigalière - Sérignan / SortieOuest / Béziers
12 février 2016 : Théâtre de Suresnes - Jean Vilar
23 - 24 février 2016 : Forum Meyrin / Genève (Suisse)
26 - 27 février 2016 : Théâtre Impérial / Compiègne
2 mars 2016 : Théâtre de l’Arsenal / Val de Reuil
8 mars 2016 : Théâtre de Chartres
10 mars 2016 : Théâtre Luxembourg de Meaux
12 mars 2016 : Opéra de Vichy
15 - 16 mars 2016 : La Comète / Châlons-en-Champagne
18 mars 2016 : Théâtre de Chelles
30 - 31 mars 2016 : Maison de la Culture d’Amiens
25 - 27 mai 2016 : Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg (Luxembourg)
3 - 4 juin 2016 : Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
14 juin - 9 juillet 2016 : Théâtre des Bouffes du Nord

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