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Théâtre : Emmanuel Meirieu et les naufragés de l’asphalte

naufragésPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Marginalisés, marginaux, ils dérivent invisibles, oubliés, jetables. Ils ne sont plus que de simples initiales : SDF. Un homme trébuche dans un décor d’apocalypse : voiture ensablée, proue de navire rouillée, plancher disjoint. La mer bat une plage abandonnée.

La fin du monde ? Non pas. Un train gronde au-dessus des spectateurs au milieu des bruits de la ville. Où sommes-nous ? Dans un enfer déserté par les damnés ? L’homme qui se redresse maintenant face à un micro serait-il un compagnon de Dante ? A la façon du poète, il décrit un enfer du XXIe siècle, sis à Nanterre, à moins d’une lieue de Paris. Les âmes mortes sont des clochards, que les cars ramassent sur les trottoirs de la capitale. On les lave à grand jet, les épouille, leur fait l’aumône d’un peu de pain et d’un verre d’eau. Ils s’allongent dans des lits puant la pisse et les vomissures. Au matin on les livre à la rue, jusqu’à la nuit suivante. Ne rien voir, ne rien dire. Voici un résumé sur le mode soft de la situation. Mais de la bouche du comédien, jaillit l’indicible, le récit de vies, de survies, que le citoyen, celui qui travaille, vote, ne peut ou ne veut pas voir, ni savoir. Ces naufragés s’accrochant à une bouteille dans une mer de vinasse, sont considérés comme des déchets échoués dans la jungle de la ville. Avant, ils ne pouvaient pas se défendre, maintenant, ils ne veulent plus. Ils sombrent et refusent une nouvelle insertion dans une société qui ne les comprend pas, qu’ils ne comprennent plus. Le propos est dur, les images à peine imaginables. Deux mondes se côtoient sans jamais se rencontrer. Sauf à l’asile de nuit de Nanterre, Hauts-de-Seine. Les personnels les traitent, comme on traiterait des objets –nombre d’entre eux n’ont pas de nom connu. On les bouscule, les raille quand on est flic ou gardien, on les écoute et on tente de les soigner si l’on est du côté du personnel soignant. La mort en face. La pièce Les naufragés est tirée du livre Les naufragés, avec des clochards de Paris de Patrick Declerck, psychanalyste qui y a ouvert, au Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, la première consultation d’écoute destinée aux SDF. C’est lui donc qui parle, sur le plateau, par la voix de François Cotrelle. « Je pense en avoir soigné plusieurs, je sais n’en avoir guéri aucun ». Car c’est bien de marche vers une mort annoncée, planifiée parfois, qu’il s’agit. La fracture avec la société, la réalité, chez les clochards est définitive. Comme avec Raymond. Il a trouvé une place au centre : il aide à la cuisine, au service. Il est dans la famille que par deux fois il a tenté de fonder, avec chaque fois retour à la rue et au kil de rouge. Quand on le dirige vers une structure où il est censé être sauvé par le travail, il fuit, une fois de plus, une ultime fois. Qui aura compris que sa liberté à lui, c’était l’enceinte d’un centre d’accueil ? Dire l’indicible, voir l’invisible. On sort de la salle quelque peu bousculé. On a vu l’invisible, on a entendu l’abject, l’inaudible. Les visages projetés au milieu des ruines s’effacent comme des spectres, puis reparaissent pour nous troubler et à nouveau disparaître pour toujours. Le jeu de François Cotrelle, tout de retenue, sans pathos, touche juste. La fin où est convoqué Shakespeare allège quelque peu le propos. On a donc rêvé éveillé puisque la vie est un songe. Mais les songes, aussi sombres soient-ils, ne se nourrissent-ils pas du quotidien ? Et ne se déroulent-ils pas pour alléger nos consciences ? Le théâtre, lui, est là pour donner à voir, à interroger, à rester vigilant. Pari réussi avec Les naufragés.

Les naufragés
D’après le roman Les naufragés, Avec les clochards de Paris de Patrick Declerck
Mise en scène : Emmanuel Meirieu

Adaptation : François Cottrelle et Emmanuel Meirieu
Musique : Raphaël Chambouvet
Costumes : Moïra Douguet
Maquillage : Roxane Bruneton
Lumière, décor, vidéo : Seymour Laval et Emmanuel Meirieu
avec la collaboration de Jean-Michel Adam
Son : Raphaël Guenot

Avec François Cottrelle, Stéphane Balmino

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au 12 octobre 2019 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris 10e (01.46.07.34.50)

- Du mar. 08/10/19 au sam. 12/10/19 au Théâtre de Namur - Tel. +32 (0) 81 226 026
- Du mer. 16/10/19 au sam. 19/10/19 - La Criée - Marseille - Tel. +33 (0)4 91 54 70 54
- Le 29/11/2019 - Théâtre du Beauvaisis - Beauvais - Tel. +33 (0)3 44 06 08 20
- Le 14/01/2020 à la MCNA - Nevers - Tel. +33 (0)3 86 93 09 09
- Le 24/01/2020 à La Machinerie - Théâtre de Vénissieux - Tel. +33 (0)4 72 90 86 68
- Le 04/02/2020 - Scènes du Golfe - Vannes
- Du jeu. 06/02/20 au ven. 07/02/20 - L'Aire Libre - CPPC - Saint-Jacques-de-la-Lande - Tel. +33 (0)2 99 30 70 70
- Le 19/02/2020 au Théâtre de Bourg-en-Bresse - Tel. +33 (0)4 74 50 40 00
- Du mar. 25/02/20 au jeu. 27/02/20 - ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie - Tel. +33 (0)5 34 45 05 05
- Le 06/03/2020 au Théâtre Montansier de Versailles - Tel. +33 (0)1 39 20 16 00
- Le 10/03/2020 au Théâtre de la Colonne - Miramas - Tel. +33 (0)4 90 50 14 74 
- Du jeu. 12/03/20 au sam. 14/03/20 à Le Bois de l'Aune - Aix-en-Provence - Tel. +33 (0)4 88 71 74 80
- Le 24/03/2020 - Le Salmanazar - Epernay - Tel. +33 (0)3 26 51 15 82
- Le 30/03/2020 à L'Équinoxe - Châteauroux - Tel. +33 (0)2 54 08 34 34
- Le 09/04/2020 à L’ARC - Le Creusot - Tel. +33 (0)3 85 55 13 11
- Du lun. 20/04/20 au mar. 21/04/20 à Le Liberté, scène nationale - Toulon - - Tel. 04 98 00 56 76

- Le 14/05/2020 au DSN de Dieppe - Tel. +33 (0)2 35 82 04 43

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