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Le Gorille : Imiter les humains pour le pire

gorillePar Christian Kazandjian- Lagrandeparade.com/ Adapté d’une nouvelle de Kafka, Le Gorille narre l’émouvante histoire d’un singe jeté dans la jungle d’une société rétive à la différence.
Devant un aréopage d’éminents scientifiques (le spectateur s’y trouve assis aux côtés de Darwin ou Wallace), un homme, plutôt un hominidé, narre sa vie de singe ayant évolué vers une forme particulière d’humanité. Attrapé dans la forêt, il n’a été, au début qu’un animal voué à peupler un zoo ou évoluer dans un cirque. Décidé à échapper à sa condition simiesque, encagé sur un bateau, il imite les gestes des marins, apprend leur langue et leurs vices, à force de coups, : il les salue, boit sec, malgré sa répugnance à l’alcool. Surmontant, avec difficulté le plus souvent ses instincts primitifs, il s’adapte si bien dans la société qu’il en grimpe les échelons, d’artiste de music-hall à chef d’entreprises ; il reçoit le gratin mondain, se marie enfin, divorce : la vie (presque normale) d’un être humain. Parfois, sa nature lui joue des tours, éveillant railleries et rires : il s’épouille, dénude son cul sans honte, grogne et renifle, effectue une acrobatie dans un univers peu arboricole. Arrivé au sommet de la pyramide sociale, l’homme-singe découvre la violence des rapports sociaux, le mépris envers l’inférieur, la volatilité du succès, la convoitise, l’ennui enfin. Il se rend compte alors que le sentiment de liberté qu’instille la réussite n’est qu’illusion. La porte à travers laquelle il s’est engouffré devenait, comme l’écrivait Kafka, «de plus en plus basse et de plus en plus étroite à mesure de (son) évolution».

L’académie de la réussite et du rejet
Le Gorille est l’adaptation à la scène de la nouvelle de Franz Kafka Rapport pour une académie. Alejandro Jodorowsky, qui assure également la mise en scène, s’y est collé avec bonheur. Le ton aigre-doux, teinté de traits d’humour pleins de verdeur, de l’auteur de La Métamorphose y est respecté et, en sus, rehaussé par l’interprétation. Seul en scène, Brontis Jodorowsky habite un personnage complexe, tiraillé entre deux mondes, entre deux identités. Le subtil maquillage, le frac, lui permettent cette métamorphose croisée. Son talent de mime (son père Alejandro a travaillé avec Marceau) lui offre tout loisir de passer de la caricature à une émouvante fragilité : on rit donc et on partage la douleur d’un être balloté par les soubresauts d’une civilisation de plus en plus égoïste et vouée à la quête de réussite et à l’argent. Car, la pièce, comme la nouvelle dont elle est adaptée, met à nu, sur le mode ironique, les rouages de sociétés qui, tout en se développant, se renferment sur elles-mêmes, rejetant toute différence : sociale, sexuelle, ethnique ou religieuse. Le texte en appelle à l’esprit de résistance, garant de liberté vraie, au-delà de l’adaptation (de fait la résignation) à un mode de vie niant la liberté et le libre arbitre. Une belle leçon d’humanité, liant la parole à l’acte conscient, en nos temps troublés.

Le Gorille d’après Franz Kafka
Adaptation et mise en scène : Alejandro Jodorowsky

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 3 novembre 2019 au Lucernaire, Paris 6e (01.45.44.57.34.),

 

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