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La Trilogie de la vengeance : révolte de femmes

Les chaises Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ En écrivant et mettant en scène La Trilogie de la vengeance, Simon Stone démonte les mécanismes du cycle fatal de la violence et de la vengeance.
Le spectateur est amené à changer plusieurs fois de lieux : dans l’un, un restaurant asiatique, dans le deuxième, une chambre d’hôtel, dans le dernier, les bureaux d’une agence de voyages. Divisés en trois groupes, ils passent de l’un à l’autre, assistant au début de l’histoire, à son dénouement ou à l’épisode intermédiaire. Au fil de ses pérégrinations, il découvrira les huit mêmes comédiens (sept femmes, un homme), jouant, à grand renfort de retours en arrière, tantôt le rôle d’une mère, tantôt celui de sa fille ; idem pour le comédien passant de père à fils et réciproquement. Quant au texte, écrit par Simon Stone – qui met en scène -, il s’est formé à partir d’idées piochées dans des pièces d’auteurs du XVIIe siècle, John Ford, Thomas Middleton, Shakespeare et Lope de Vega. En résumé : du théâtre façon puzzle. Mais, comme dans le puzzle, peu importe en définitive par quel angle on démarre. Tous les éléments dévident le même fil conducteur : la condition faite aux femmes dans nos sociétés, depuis l’aube des civilisations jusqu’à nos jours.
Dans la Trilogie (de fait une tétralogie, Lope de Vega ayant été convoqué après les trois autres) pas de rois, de reines ou de princesses : ici les tenants du pouvoir, de l’autorité parentale, politique et sociale sont un commissaire de police qui se rêve édile municipal et un patron, un père et son fils. Et comme dans les pièces écrites de l’antiquité au XVIIe siècle, la femme est rabaissée à son rôle de faire-valoir de l’homme, d’objet sexuel et fantasmé, voué à l’obéissance aveugle. Coupable de par son sexe, elle est, bien que victime, naturellement coupable, le plus souvent, aux yeux de la famille, de la société, de la justice. Que reste-t-il dès lors à la femme bafouée, niée, que la vengeance ?
Le texte, la mise en scène dans toute leur crudité met en lumière les comportements des individus - nos semblables – dans nos sociétés. Durant les scènes du restaurant et de la chambre d’hôtel une distance est mise par le décor : les personnages évoluent derrière des parois de verre. Lors du meurtre quasi rituel final, plus d’écran. Chacun devient complice et témoin à décharge des exécutrices. Le crime est certes horrifique, mais la victime est un redoutable prédateur sadique, pusillanime, amoral, pédophile amateur de prostituées et alcoolique se réfugiant derrière une psychose supposée afin que tout lui soit pardonné.
La trilogie de la vengeance ranime tous ressorts du théâtre classique des Grecs aux Elisabéthains : inceste, trahison, lâcheté, folie réelle ou feinte (ces dernières appellent au pardon des méfaits), suicide et meurtre ; plus les deux piliers sur lesquels repose toute tragédie : pouvoir, amour. Simon Stone a fait la part belle aux actrices chevronnées et jeunes qui, durant plus de trois heures, vont se hâter d’une scène à l’autre, endosser un nouveau costume, une autre peau, tout comme leur partenaire masculin. Ce dernier cristallise, dans les deux personnages qu’il interprète, des siècles d’impunité, de morgue, de violences faites aux femmes dans la famille, dans l’entreprise, dans la rue. La pièce, sur un ton acide, drôle parfois, braque le projecteur sur les tares de notre temps (discrimination, agressions, condescendance) et invite à changer notre regard sur un héritage forgé au cours des siècles au détriment de cette moitié de l’humanité que forment les femmes.

La Trilogie de la vengeance
Texte et mise en scène : Simon Stone
d’après John Ford, Thomas Middleton, William Shakespeare, Lope de Vega
création — durée 3h45 ( avec deux entractes)
avec Valeria Bruni Tedeschi, Éric Caravaca, Servane Ducorps, Adèle Exarchopoulos, Eye Haïdara, Pauline Lorillard, Nathalie Richard, Alison Valence et la participation de Benjamin Zeitoun
Collaboration artistique et traduction française : Robin Ormond
Scénographie : Alice Babidge, Ralph Myers
Costumes : Alice Babidge
Lumières : James Farncombe
Musique et son : Stefan Gregory
Perruques : Estelle Tolstoukine
Assistantes aux costumes : Géraldine Ingremeau, Karen Serreau
Assistante à la scénographie : Jane Piot
Assistantes à la mise en scène : Florence Mato, Lila Kambouchner
Production : Odéon-Théâtre de l’Europe

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 21 avril 2019 au Théâtre de l’Odéon/Ateliers Berthier Paris 17e (01.44.85.40.40.)

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